Droits de douane: L'UE suspend ses mesures de rétorsion, Washington évalue des offres de négociation information fournie par Reuters 10/04/2025 à 16:47
par Philip Blenkinsop, Joe Cash et Andrea Shalal
L'Union européenne a décidé de suspendre pour 90 jours ses premières contre-mesures aux droits de douane américains, a annoncé jeudi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, en réaction à la décision de Donald Trump d'ajourner en partie les droits de douane dits "réciproques".
Les Vingt-Sept avaient prévu d'imposer des droits de douane de 25% à environ 21 milliards d'euros d'importations de produits américains en plusieurs vagues, à partir de mardi prochain, en réponse aux droits de douane de 25% imposés par Washington sur l'acier et l'aluminium.
Le président américain a effectué mercredi un revirement saisissant en décidant de suspendre pour 90 jours les droits de douane dits "réciproques" tout juste entrés en vigueur, tout en maintenant pour la quasi-totalité des pays du monde un taux de taxation d'au moins 10%.
"Nous avons pris acte de l'annonce du Président Trump. Nous voulons donner une chance aux négociations", a écrit sur X Ursula von der Leyen, dans sa publication annonçant la suspension des mesures de rétorsion de l'UE.
La présidente de la Commission européenne a ajouté que "toutes les options sont sur la table" tout en avertissant que les contre-mesures seraient "mises en oeuvre" si les négociations n'étaient pas satisfaisantes.
"Le travail préparatoire sur de futures contre-mesures continue."
L'UE devait imposer des droits de douane supplémentaires sur les importations américaines, notamment de maïs, de blé, de motos, de volaille, de fruits et de vêtements.
L'administration américaine étudie pour sa part des offres d'une dizaine de pays pour conclure des accords commerciaux, a déclaré le conseiller économique de la Maison blanche Kevin Hassett.
"Le Bureau du représentant américain au Commerce nous a informés qu'il y avait peut-être 15 pays ayant formulé des offres explicites que nous étudions et considérons pour déterminer si elles sont assez bonnes pour le président", a déclaré Kevin Hassett à des journalistes à la Maison blanche.
Les responsables de la politique commerciale de la Maison blanche devaient se réunir jeudi afin d'établir une échelle de priorité pour ces négociations, a-t-il ajouté.
GUERRE COMMERCIALE AVEC LA CHINE
Donald Trump a cependant maintenu la pression sur la Chine, la deuxième puissance mondiale et grand pays importateur vers les Etats-Unis, en relevant de 104% à 125% les droits de douane à son encontre.
Le président américain a également signé un décret visant à réduire la mainmise de la Chine sur le secteur mondial du transport maritime et à relancer la construction navale aux Etats-Unis.
La Chine a répondu qu'elle se battrait contre ce qu'elle présente comme un chantage de la part de Washington et pourrait prendre de nouvelles contre-mesures.
Pékin a ainsi annoncé jeudi restreindre avec effet immédiat les importations de films hollywoodiens, l'Administration nationale du cinéma de Chine, qui importe chaque année un nombre limité de productions américaines, arguant que l'augmentation des droits de douane décidée par Donald Trump aggraverait la demande, déjà en déclin, du cinéma américain en Chine.
Le gouvernement chinois avait déjà répliqué la veille en imposant des droits de douane de 84% sur les biens américains, en réaction à la première salve de sanctions américaines.
Donald Trump, qui avance que ces droits de douane visent à combler le déficit commercial américain, a ouvert la voie à une résolution du conflit commercial avec Pékin. Mais des responsables ont déclaré qu'ils donneraient la priorité aux pourparlers avec d'autres pays, alors que le Vietnam, le Japon, la Corée du Sud et d'autres pays s'apprêtent à tenter de conclure un accord.
Jeudi, le yuan chinois est tombé à son plus bas depuis la crise financière de 2008.
INCERTITUDE ET INQUIÉTUDE
Les prix du pétrole ont baissé de 2% jeudi face à l'inquiétude grandissante d'une intensification du conflit commercial entre Pékin et Washington, éclipsant le léger répit entrevu à la suite de l'annonce de Donald Trump.
Wall Street a ouvert en baisse jeudi à l'ouverture après avoir grimpé la veille.
Si l'annonce de la pause dans la litanie de droits de douane américaine a profité aux Bourses européennes jeudi, l'incertitude liée aux revirements du président américain inquiète.
Sur France Inter, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a qualifié l'annonce du président américain de "moins mauvaise nouvelle" mais pointé du doigt l'imprévisibilité de Donald Trump.
"Il reste deux mauvais ingrédients dans la salade américaine, si vous me permettez, le premier mauvais ingrédient c'est l'imprévisibilité. Et l'imprévisibilité, c'est toujours l'ennemi de la confiance et de la croissance (...) l'autre mauvais ingrédient c'est bien sûr le protectionnisme."
Le délégué général de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS) Nicolas Ozanam salue "une demi-bonne nouvelle".
"La vraie contrainte est logistique. On a une fenêtre de 90 jours, or il y a clairement des gens qui vont vouloir anticiper, stocker là-bas pour pouvoir réagir plus vite", a-t-il déclaré à Reuters.
Alors que les droits de douane américains de 10% sont toujours en place, le secteur viticole européen fait toujours face à des pressions inflationnistes.
"Dans un contexte plutôt inflationniste et avec un dollar glissant, ça va quand même entraîner une hausse de prix et donc une baisse de la consommation côté américain", avance Nicolas Ozanam.
(Reportage de Philip Blenkinsop avec Sybille de La Hamaide, version française Tangi Salaün et Zhifan Liu, édité par Augustin Turpin)