Droits de douane américains sur le vin: les exportateurs français déçus mais pas résignés
information fournie par AFP 21/08/2025 à 21:26

Les exportateurs francais très déçus après l'échec des négociations sur l'exemption des droits de douane sur le vin et les spiritueux ( AFP / GEORGES GOBET )

Une "immense déception": producteurs et exportateurs français de vins ont déploré jeudi l'échec des négociations pour exempter leurs produits des 15% de droits de douane américains, tout en insistant sur la possibilité de poursuivre les discussions avec les Etats-Unis, premier marché de la filière à l'export.

"Il y a une immense déception, parce qu'on a travaillé énormément pour obtenir l'exemption et elle était à portée de main. Nous avons la certitude que cela entraînera de grosses difficultés pour la filière des vins et spiritueux", a déclaré à l'AFP Gabriel Picard, président de la Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS).

Selon lui, ces 15% s'ajouteront aux "15% d'effets de change que la filière observe déjà" en exportant aux Etats-Unis, son premier marché, du fait de la faiblesse actuelle du dollar par rapport à l'euro.

En 2024, l'UE a exporté pour 8 milliards d'euros d'alcools, dont plus de 5 milliards de vin, aux Etats-Unis, son premier marché à l'exportation.

La France représente environ la moitié: 2,4 milliards d'euros de vin et 1,5 milliard de spiritueux ont été écoulés aux Etats-Unis (environ 25% de ses exportations).

"La défense de nos secteurs à l'export reste notre priorité. L'accord laisse ouverte la possibilité d'exemptions additionnelles, nous y travaillerons", a réagi pour sa part le ministre français du Commerce extérieur Laurent Saint-Martin.

"La situation ne peut en rester là. Ce point n'est d'ailleurs pas clos", a renchéri la ministre française de l'Agriculture Annie Genevard dans un message sur X dans la soirée.

Dénonçant un accord "déséquilibré", elle a demandé "instamment" aux négociateurs européens de faire de ce sujet une priorité de leurs prochains échanges avec les autorités américaines, et attend en outre "des mesures européennes fortes pour soutenir les producteurs".

Gabriel Picard, qui a salué l'engagement de la Commission européenne et de la France auprès de la filière, espère que "ce n'est pas la fin de l'histoire": "il y a encore des portes ouvertes pour négocier (...) des exemptions ou des aménagements (...) on a encore un fil de discussion ouvert, ça ne va pas changer le très court terme, mais on espère que ça pourra changer le moyen terme".

La FEVS avertit sur les risques pour les producteurs européens mais aussi pour les secteurs liés au vin aux Etats-Unis: "un dollar expédié aux Etats-Unis, c'est cinq dollars d'activité générés aux Etats-Unis", selon Gabriel Picard pour qui c'est l'argument qui pourrait convaincre le président américain Donald Trump qu'une exemption serait "gagnant-gagnant".

- Champagne et rosé de Provence -

Pour Christophe Chateau, directeur de la communication du CIVB (Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux), après les menaces de Donald Trump ces derniers mois de taxes douanières à 200%, puis 20% ou 50%, cela "aurait pu être pire, mais ce n'est jamais une bonne nouvelle".

"La sanction est tombée, maintenant on va réfléchir à la réaction - au niveau individuel, pas au niveau collectif: c'est-à-dire une négociation entre les entreprises et les distributeurs et importateurs américains", a réagi Maxime Toubart, coprésident du Comité Champagne.

Cette discussion est d'autant plus cruciale selon lui que le marché américain représentait 10% des exportations pour le champagne en volume, soit 820 millions d'euros en 2024. Il sera difficile de "réorienter" de tels volumes vers d'autres régions, a-t-il ajouté.

Côté syndical, la déception est tout aussi forte.

"Au moment où on débute les vendanges dans un climat particulièrement difficile, avec des sujets de déconsommation, de climat, c'est une nouvelle épreuve", a réagi Jérôme Despey, premier vice-président du puissant syndicat agricole FNSEA et lui-même viticulteur dans l'Hérault.

Il redoute "des pertes de parts de marché qui seront difficiles à regagner". "Il ne faut pas désarmer. Il faut arriver à trouver des appuis aux Etats-Unis parmi les importateurs de vin et de spiritueux pour montrer l'intérêt économique - y compris pour le secteur américain - d'avoir des droits de douane nuls" pour les exportateurs européens, affirme-t-il.

En Provence, région qui exporte près de 40% de sa production aux Etats-Unis, essentiellement du vin rosé, l'amertume est là: "On n'a aucune marge de négociation. On est des otages", dénonce le président du Comité interprofessionnel des Vins de Provence, Eric Pastorino.

Il craint des "baisses de chiffre d'affaires" qui pourront "jouer indirectement sur les emplois": car malgré l'amour des Américains pour le rosé de Provence, qui pourra continuer à acheter des vins "au-delà de 20 dollars"?, se demande-t-il.