"Devoir de vigilance" des entreprises : le Parlement européen approuve la révision de la loi
information fournie par Boursorama avec Media Services 13/11/2025 à 14:07

Vue de l'hémicycle européen du Parlement européen, à Strasbourg, le 13 décembre 2023. ( AFP / FREDERICK FLORIN )

Les eurodéputés ont voté ce jeudi à 382 voix contre 249, pour le détricotage de la loi sur le "devoir de vigilance" sociale et environnementale des grandes entreprises. Votée en juin 2024, le texte ne faisait pas l'unanimité auprès des grandes groupes et des industriels en Europe.

Adoptée il y a seulement un an et demi, cette loi fait les frais du virage pro-business de l'Union européenne, bousculée par la concurrence de la Chine et les droits de douane aux Etats-Unis. Son entrée en vigueur a déjà été reportée d'un an.

Bruxelles a donné ce jeudi son feu vert pour le détricotage de la loi. Le Parlement veut aller plus loin et a fait de la révision de ce texte l'un des premiers actes de sa politique de "simplification" pour alléger les charges administratives des entreprises sur le continent .

Si les divergences subsistent jusqu'au bout au sein du camp "pro-européen", la droite pourrait tenter de se tourner vers l'extrême droite pour adopter la loi.

"Le PPE (droite) n'a pas bougé d'un centimètre" , déplore le social-démocrate allemand René Repasi, dénonçant le risque d'une possible "dérégulation incontrôlée".

Sous peine de sanctions, la loi adoptée en 2024 voulait obliger les entreprises de plus de 1.000 salariés à prévenir et remédier aux violations de droits humains (travail des enfants, travail forcé, sécurité...) et aux dommages environnementaux tout au long de leurs chaînes de valeur, y compris chez leurs fournisseurs dans le monde.

Ce jeudi, dans le sillage des Etats membres, l e Parlement européen devrait d'abord relever le seuil des entreprises concernées, à plus de 5.000 employés et plus d'1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel .

Surtout, les eurodéputés pourraient supprimer le régime de responsabilité civile européenne, qui servait à harmoniser les obligations des entreprises et leurs responsabilités en cas de manquements.

En commission, sous l'impulsion de la droite , les parlementaires ont préféré renvoyer aux législations de chaque pays.

Un texte "vidé de sa substance"

Le rapporteur du texte, l'élu PPE Jörgen Warborn, revendique cette "simplification" pour offrir davantage de "prévisibilité" et de "compétitivité" aux entreprises opérant en Europe tout en maintenant "la transition écologique sur la bonne voie", assure-t-il.

Mais les discussions sont très difficiles avec le centre et les sociaux-démocrates, sur fond de suspense quant à leur capacité à s'entendre avec la droite avant le vote.

La sociale-démocrate néerlandaise Lara Wolters, qui avait porté la loi de 2024, a d'ailleurs claqué la porte cette fois, profondément déçue par la tournure des négociations . Elle n'a pas souhaité s'exprimer auprès de l'AFP avant le scrutin.

Aux yeux des écologistes et des organisations environnementales, le texte va quoi qu'il arrive être "vidé de sa substance".

Le processus "déraille complètement", fustige Swann Bommier, de l'ONG Bloom, qui s'en prend aux "lobbies industriels" et à la "machine de lobbying de l'administration Trump" aux Etats-Unis.

Si la responsabilité civile européenne est enterrée "ça pourrait introduire une concurrence entre les 27 États membres pour savoir qui a le régime le plus laxiste pour essayer d'attirer des entreprises" , met-il en garde.

Lutter contre la bureaucratie

La préparation du texte "a fait l'objet d'une large consultation des parties prenantes: entreprises, syndicats, ONG, mais aussi États membres et parlementaires", indique l'entourage du commissaire européen Stéphane Séjourné, en charge de la stratégie industrielle.

Ce texte "est une réponse aux demandes fermes et répétées des États membres et de la nouvelle majorité parlementaire", souligne son entourage, alors que les élections européennes de juin 2024 ont renforcé la droite et l'extrême droite dans l'hémicycle.

Au nom de la lutte contre la bureaucratie, le chancelier allemand Friedrich Merz et le président français Emmanuel Macron avaient appelé à supprimer purement et simplement cette loi .

Mais même si elle n'est que sabrée, la pilule est difficile à avaler pour une partie des parlementaires qui avaient célébré son adoption "historique" en avril 2024 après plusieurs années de bras de fer au sein même des institutions européennes.

Les superlatifs ne manquaient pas à l'époque, y compris chez les macronistes, dont la présidente actuelle du groupe centriste Valérie Hayer (Renew).

Les eurodéputés présentaient cette directive comme une réponse à la catastrophe de Rana Plaza, du nom de l'immeuble abritant un atelier de confection de prêt-à-porter au Bangladesh qui s'était effondré en avril 2013, faisant 1.130 morts.