Dette : Moody's va rendre son verdict, la France sous la menace d'une nouvelle baisse de sa note information fournie par Boursorama avec Media Services 24/10/2025 à 12:43
En avril, Moody's indiquait qu'un "retour en arrière sur les réformes telles que (...) la réforme des retraites", était un critère de baisse de la note.
Après ses trois concurrentes, l'agence de notation Moody's doit décider vendredi 24 octobre si elle rétrograde la note souveraine de la France, alors que le pays est en pleine tourmente budgétaire, alimentée par l'instabilité politique provoquée par la dissolution. Avec une note Aa3 assortie d'une perspective stable, Moody's est désormais un cran au-dessus de ses principales concurrentes, S&P et Fitch. Mais la mise sur rails du budget pourrait-elle l'inciter à la clémence.
Moody's sera la quatrième en un mois et demi à apprécier la note souveraine française, et les trois autres l'ont déjà abaissée d'un cran. Fitch a été la première à changer la France de catégorie, le 12 septembre, en abaissant sa note d'un cran, de AA- (dette de bonne qualité) à A+ (dette de qualité moyenne supérieure). S&P Global a fait de même la semaine dernière, plus d'un mois avant la date prévue. Morningstar DBRS avait également abaissé la note française en septembre.
Toutes soulignent l'instabilité politique depuis la dissolution, qui pèse sur les finances publiques et paralyse partiellement deux moteurs de croissance , la consommation des ménages -leur taux d'épargne atteignant 18,9% de leur revenu au deuxième trimestre- et les investissements, qui ont baissé en 2024 de 5,6% pour les ménages, selon l'Insee, et de 2,4% pour les entreprises.
La croissance est désormais attendue par le gouvernement à 0,7% cette année, et 1% en 2026.
Avec une note Aa3 assortie d'une perspective stable, Moody's est désormais un cran au-dessus de ses principales concurrentes, S&P et Fitch. En avril, Moody's indiquait qu' un "retour en arrière sur les réformes telles que (...) la réforme des retraites", était un critère de baisse de la note. Or le gouvernement vient d'accorder à l'opposition une suspension de cette réforme, pour espérer sauver son budget au Parlement.
De plus, les possibilités de croissance de l'économie française "se sont bien détériorées", soulève Éric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, depuis les dernières estimations de Moody's, qui pronostiquait en décembre dernier une croissance de 1% en 2025 et 1,4% en 2026.
"Nous avons le déficit public le plus élevé de la zone euro (5,4% du PIB prévu en 2025), la dette publique la plus importante en masse à près de 3.500 milliards d'euros, la troisième de la zone en pourcentage du PIB (derrière la Grèce et l'Italie) à 118% l'an prochain", a énuméré mercredi sur RTL Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). "Ҫa ne va pas du tout", a-t-il dit, soulevant un risque de "problème de soutenabilité de la dette" française.
"Un problème de crédibilité"
Il a aussi évoqué le "problème de crédibilité" de la France sur les marchés, où elle paye son argent "plus cher que l'Espagne, l'Irlande, la Grèce" , trois pays en grande difficulté pendant la crise des "subprime" mais qui se sont relevés.
Pour Paul Chollet, chef économiste de la salle des marchés du Crédit mutuel Arkéa, "les marchés traitent actuellement la dette française au niveau d'une note A ou A-".
Éric Dor jugerait "assez logique" que Moody’s révise à la baisse la note de la France. Abaisser simplement la perspective "serait moins facile à expliquer" et maintenir note et perspective inchangées induirait pour Moody's "une forte perte de crédibilité", selon lui. Paul Chollet mise plutôt sur un simple abaissement de perspective, Moody's ayant sous les yeux, contrairement aux autres agences ces dernières semaines, "un gouvernement qui peut tenir quelque temps, (surtout) si un budget venait à être voté le 31 décembre".
Pierre Moscovici souligne que le déficit public de l'an prochain doit être "très clairement en dessous de 5%" du PIB, pour tenir la trajectoire promise à Bruxelles d'un retour sous 3% en 2029.
Les premières discussions budgétaires s'en éloignent. La Commission des Finances de l'Assemblée nationale a rejeté la partie recettes du projet de loi de Finances dans la nuit de mercredi à jeudi.
Mais avant cela, elle avait allégé le texte de 7 milliards d'euros de fiscalité, obligeant à réduire d'autant la partie dépenses pour ne pas dégrader l'objectif gouvernemental d'un déficit public de 4,7% du PIB l'an prochain. Ce rejet augure en outre de débats budgétaires difficiles pour le gouvernement dans l'arène de l'hémicycle, à partir de vendredi.
Réagissant la semaine dernière à la révision à la baisse de la note de S&P, le ministre de l'Économie et des Finances Roland Lescure avait comparé la décision de l'agence à "un nuage supplémentaire qui s'ajoutait à un bulletin météo déjà assez gris". Il y avait vu "un appel à la lucidité, à la responsabilité", incitant les parlementaires à "voter le budget". Il avait confirmé l'objectif de ramener le déficit à 5,4% du PIB en 2025, puis à 4,7% en 2026, avec une cible de 3% en 2029, trajectoire que de nombreux économistes, comme Paul Chollet et les agences de notation, jugent "optimiste".
S&P prévoit pour sa part que la dette publique "atteindra 121% du PIB en 2028, contre 112%" fin 2024.