Défense : les puissances nucléaires ont dépensé 100 milliards de dollars pour leurs arsenaux en 2024 information fournie par Boursorama avec Media Services 13/06/2025 à 11:47
Les contrats passés avec le secteur privé et portant sur des armes nucléaires -dont certains n'expirent pas avant des décennies- représentent au moins 463 milliards de dollars au total.
Les neuf puissances nucléaires mondiales -déclarées ou supposées- ont dépensé globalement 100 milliards de dollars pour le fonctionnement de leurs arsenaux atomiques en 2024, selon un rapport de la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (Ican) publié vendredi 13 juin.
D'après l'Ican, qui déplore l'opacité de ces dépenses, le Royaume-Uni, la Chine, la France, l'Inde, Israël, la Corée du Nord, le Pakistan, la Russie et les États-Unis ont ensemble consacré l'an dernier près de 10 milliards de dollars de plus qu'en 2023 pour leurs arsenaux nucléaires. Les États-Unis ont dépensé 56,8 milliards de dollars, suivis par la Chine avec 12,5 milliards et le Royaume-Uni avec 10,4 milliards, estime l'Ican dans son rapport annuel, qui fait référence.
Cet organisme basé à Genève (Suisse) a remporté le prix Nobel de la paix en 2017 pour son rôle clé dans la rédaction du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires, entré en vigueur en 2021. Environ 69 pays l'ont ratifié à ce jour. Quatre autres y ont directement adhéré et 25 autres l'ont signé. Mais aucun des États dotés d'armes nucléaires ne s'y est engagé.
Le rapport de cette année s'intéresse aux coûts que supportent les pays qui hébergent les armes nucléaires d'autres États. Ces coûts, déplore l'Ican sont largement méconnus des citoyens et des élus, et échappent donc à tout examen démocratique.
Bien que cela ne soit pas officiellement confirmé, le rapport, citant des experts, estime que la Belgique, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas et la Turquie hébergent des armes nucléaires américaines. La Russie, pour sa part, affirme avoir déployé des armes nucléaires au Bélarus, mais certains experts en doutent, selon l'Ican.
"Destruction mutuelle assurée"
Il existe "peu d'informations publiques" sur les coûts associés à l'hébergement d'armes nucléaires américaines dans les pays européens de l'Otan, regrette l'Ican. Parmi ces coûts figurent ceux liés à la sécurité des installations et à l'entretien des avions capables de transporter des armes atomiques. "Chaque arrangement de partage nucléaire de l'Otan est régi par des accords secrets", affirme le rapport. Et pour sa co-autrice, Alicia Sanders-Zakre, "le fait que les citoyens et les élus n'aient pas le droit de savoir que des armes nucléaires d'autres pays sont basées sur leur sol ou quelle part de leurs impôts y est consacrée est un affront à la démocratie".
Huit pays possèdent ouvertement des armes nucléaires : les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France, la Chine, l'Inde, le Pakistan et la Corée du Nord. Israël est largement présumé posséder des armes nucléaires, bien qu'il ne l'ait jamais officiellement reconnu. Selon les calculs de l'Ican, les dépenses de ces neuf pays pour leurs armes nucléaires en 2024 auraient pu couvrir près de 28 fois le budget de l'ONU.
"Le problème des armes nucléaires peut être résolu, et pour ce faire, il faut comprendre les intérêts particuliers qui défendent farouchement l'option pour neuf pays de tuer indistinctement des civils ", a écrit Susi Snyder, coordinatrice du programme Ican.
Le secteur privé a gagné au moins 42,5 milliards de dollars grâce à des contrats portant sur les armes nucléaires rien qu'en 2024, selon le rapport. Ces contrats, dont certains n'expirent pas avant des décennies, représentent au moins 463 milliards de dollars au total, dont au moins 20 milliards attribués l'an dernier, poursuit l'Ican.
"Bon nombre des entreprises qui ont bénéficié de cette manne ont investi massivement dans le lobbying auprès des gouvernements, dépensant 128 millions de dollars dans ces efforts aux États-Unis et en France, les deux pays pour lesquels des données sont disponibles", a expliqué ICAN.
La doctrine nucléaire standard, développée pendant la Guerre froide entre les États-Unis et l'Union soviétique, repose sur l'hypothèse de la destruction mutuelle assurée : l'arme nucléaire ne sera jamais utilisée, car l'État qui en ferait usage le premier est certain de subir en riposte des destructions au moins identiques.