Décès de Xavier Emmanuelli, le médecin des exclus, de MSF au Samu social
information fournie par AFP 16/11/2025 à 23:37

Le président du Samu social international Xavier Emmanuelli (droite) discute avec un sans-abri roumain à Bucarest, le 13 octobre 2011 ( AFP / DANIEL MIHAILESCU )

Médecin des exclus et pionnier de l'action humanitaire, Xavier Emmanuelli, qui a confondé Médecins sans frontières avant d'inventer le Samu social, une ONG d'assistance aux personnes sans-abri, est décédé dimanche à l'âge de 87 ans.

"Avec lui disparaît un grand humaniste de notre République", a salué le président Emmanuel Macron sur le réseau social X.

Ce médecin anesthésiste-réanimateur de formation "a dédié sa vie à l'urgence et à l'action humanitaire", a écrit sa famille dans un communiqué transmis à l'AFP: "Il est mort comme il a vécu, avec des semelles de vent".

Le Samu social international, dont Xavier Emmanuelli était toujours président d'honneur, a rendu hommage "à cette personnalité exceptionnelle pour son engagement sans faille au sein de l'association qu’il a présidée pendant plus de 25 ans et dont il a porté toutes les batailles".

Xavier Emmanuelli "a eu un malaise, probablement cardiaque" et sa vie "s'est arrêtée brutalement", a précisé à l'AFP le président de l'organisation, Jacques Carles.

Il avait fondé en 1993 le Samu social de Paris qui vient, entre autres, en aide aux personnes sans-abri et en grande précarité et les oriente vers un lieu d'hébergement via le numéro d'urgence 115. Avant de créer le Samu social international en 1998.

- "Ça me dérange" -

"Ça me faisait chier de voir que les gens sont à l'abandon, que ça fait partie du mobilier urbain et que c'est seulement en hiver qu'on s'en rappelle. Ça me dérange. Comme médecin, je suis assez bouleversé", expliquait-il à propos de la création du Samu social.

Pour dénoncer une réduction drastique de financement public, il avait claqué la porte de l'organisation parisienne en 2011, tout en restant au Samu social international.

Xavier Emmanuelli a "marqué l'histoire de la solidarité dans le monde", a souligné l'association, expliquant que "plus d’une quinzaine de Samu sociaux" viennent aujourd'hui en aide aux adultes sans abri, enfants des rues, réfugiés et déplacés à travers le monde.

Le président Jacques Chirac (au centre) et le secrétaire d'État à l'Action humanitaire d'urgence Xavier Emmanuelli dans des locaux du Samu social à Saint-Mandé, près de Paris, le 19 décembre 1996 ( AFP / MICHEL LIPCHITZ )

D'origine corse, né à Paris le 23 août 1938, Xavier Emmanuelli était le fils d'un instituteur devenu médecin généraliste et d'une institutrice, tous deux résistants, distingués comme "Justes parmi les nations" après avoir caché des juifs pendant la guerre.

Anticolonialiste, dessinateur occasionnel pour le magazine Hara-Kiri, il avait cofondé en 1971 Médecins sans frontières, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 1999: "C'est mon histoire d'amour, vraiment", racontait-il dans un sourire attendri.

- "Grand par l'exemple" -

C'est lors de consultations dans un centre d'aide aux sans-abris à Nanterre qu'il avait eu l'idée d'appliquer aux problèmes sociaux les méthodes de l'urgence médicale. "J'ai regardé, cliniquement, ce que cela représentait la grande exclusion. Le Samu social vient de là", avait-il expliqué.

Jacques Chirac, alors maire de Paris, l'avait aidé à créer fin 1993 les premières équipes mobiles du Samu social, chargées d'"aller à la rencontre" des sans-abris. Au début de la présidence Chirac, en 1995, il avait été nommé secrétaire d'État à l'Action humanitaire d'urgence (1995-1997).

Pour autant, "je n'ai épousé ni les idées de droite ni celles de gauche", expliquait en 2011 celui qui fut communiste dans sa jeunesse.

Membre du conseil de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et de la commission nationale consultative des droits de l'homme, il avait également présidé le Haut comité au logement des personnes défavorisés de 1997 à 2015, rappelle sa famille.

Xavier Emmanuelli et une autre médecin de Médecins sans Frontieres s'occupent d'un petit enfant à N'Djamena, a Tchad, le 1er décembre 1981 ( AFP / DOMINIQUE FAGET )

Son décès a déclenché une pluie d'hommages.

"Son engagement a marqué notre pays", a réagi sur X le ministre du Travail et des Solidarités Jean-Pierre Farandou.

"Je garde le souvenir d’un homme de fidélité, à la fois exigeant, fraternel, profondément humaniste, toujours tourné vers l’action concrète. Son rôle fut décisif dans la genèse du droit au logement opposable", a souligné sur le réseau social l'ancien Premier ministre (2005-2007) Dominique de Villepin, saluant "l'une des grandes consciences sociales" de la France.

"Visionnaire, médecin voué aux autres, grand par l'exemple", a salué le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon.