Cures thermales : le gouvernement envisage des coupes claires dans le remboursement, le secteur prédit une "catastrophe"
information fournie par Boursorama avec Media Services 06/11/2025 à 10:05

Plus de 470.000 curistes, dont 25% en ALD, ont profité en 2024 des cures thermales.

( AFP / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN )

Le gouvernement souhaite réduire drastiquement le remboursement des cures thermales -avec une économie de 200 millions d'euros à la clé-, une mesure qui concerne quelques 470.000 personnes en France. Réunis aux rencontres du thermalisme à La Bourboule, les acteurs du secteur dénoncent un "coup de massue" et "une catastrophe sanitaire et économique".

Si le Parlement entérine ce choix, le taux de remboursement des cures thermales passerait de 65% actuellement à 15% a indiqué la ministre déléguée chargée de la Solidarité, Charlotte Parmentier-Lecocq. Couplée à la suppression du remboursement à 100% pour les personnes en ALD (Affection de longue durée) déjà annoncée, la mesure permettrait "une économie de 200 millions d'euros" pour les comptes sociaux, selon la ministre qui s'exprimait au Sénat.

Ce serait "une catastrophe pour la santé" et une "aberration parce que ça priverait de soins efficaces un certain nombre de patients", assure Thierry Dubois, président du Conseil national des établissements thermaux (CNETh) qui regroupe la totalité des 103 établissements thermaux. Plus de 470.000 curistes, dont 25% en ALD, ont profité en 2024 des cures thermales.

Sur une dépense moyenne d'environ 680 euros pour une cure, ils ne seraient plus remboursés qu'à hauteur de 130 euros, et les soins reviendraient à 1.800 euros, en comptant les frais annexes comme l'hébergement ou les transports, selon Thierry Dubois. Dans cette hypothèse, "il y aura beaucoup moins de curistes", prédit-il. Résultat : "On va perdre entre 3,5 et 3,8 milliards" d'euros sur les ressources générées par les cures, évaluées à 4,8 milliards. Idem pour les emplois qui passeraient de 25.000 équivalents temps plein à 5.000.

"Une décision aussi brutale mettrait à mal les communes thermales", car les cures "contribuent à l'aménagement du territoire, suscitent de l'activité en terme de commerces de bouche, d'hébergements, d'emplois" , souligne de son côté Julien Dubois, maire de Dax (Landes) qui représente les élus de 80 communes thermales.

"une catastrophe économique et sanitaire"

Première destination thermale de France et plus gros employeur du bassin de Thau dans l'Hérault, la station de Paul-François Houvion accueille 52.000 curistes par an à Balaruc-les-Bains. "J'ai 3.500 emplois indirects qui vont être touchés" et 50% de curistes en moins si la mesure entre en vigueur, dit-il, se disant moins en danger que d'autres "parce que j'ai une grosse station solide financièrement".

"Mais qu'est-ce qu'on fait de tous ces patients qu'on va laisser sur le bord de la route ?", interroge-t-il.

Pour Benjamin Monssus, directeur de la station thermale familiale de Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire) avec 4.400 curistes par an, la mesure est "une catastrophe économique et sanitaire" .

"Pour nous c'est le coup de massue et c'est la fermeture car c'est 90 % de patients qui ne viendront pas se soigner", avec des conséquences sur leur santé, affirme-t-il.

"Il y a quand même beaucoup de gens avec peu de moyens (...) des gens qui ont des petits boulots, qui ont été cassés physiquement par leur travail mais qui font cet effort financier", souligne de son côté Camille Preziosi, médecin qui assure le suivi thermal des curistes de Vals-les-Bains (Ardèche). Selon elle, "une cure thermale ce n'est pas une mamie qui met les doigts de pieds en éventail !"

Efficacité contestée

Thierry Dubois met en avant 22 études publiées dans une revue scientifique internationale, prouvant les bienfaits de la cure, alors que de nombreuses voix s'élèvent dans le monde médical pour les remettre en question.

"Est-ce que les eaux thermales font du bien ? La réponse est non" , estime auprès de l' AFP le professeur André Grimaldi, diabétologue.

Les cures "sont accompagnées de conseils diététiques, d'activité physique qui améliorent forcément la santé", dit-il toutefois. Pour lui, c'est donc "un choix de société : 'Est-ce qu'on finance le bien-être ou est-ce qu'on rembourse les maladies sévères' ?"

"Il y a une efficacité démontrée, des risques qui sont faibles (...) Bien évidemment, la médecine thermale, ça ne va pas guérir les cancers", assure de son côté le pharmacologue Jean-Louis Montastruc, estimant qu'il y a "des preuves irréfutables de l'efficacité" des cures.

"Il vaut mieux faire une cure thermale que de prendre des anti-inflammatoires non stéroïdiens qui font des trous dans l'estomac ou qui font monter la pression sanguine artérielle", selon Jean-Louis Montastruc, par ailleurs président du conseil scientifique de l'Association Française de Recherche Thermale (AFRET).