Covid en Chine : les restrictions aux frontières sont-elles utiles ?
information fournie par Boursorama avec Media Services 03/01/2023 à 18:32

ÉCLAIRAGE. Plusieurs pays, dont la France, imposent des tests aux voyageurs en provenance de Chine, où les contaminations explosent. Mais cette mesure pourrait ne présenter qu'un intérêt très limité, d'autant que la menace pourrait venir d'autres pays comme les États-Unis, où un nouveau sous-variant est en train de prendre le dessus.

Un test Covid à l'aéroport de Nice le 22 février 2021. ( AFP / VALERY HACHE )

Plus d'une douzaine de pays, dont la France, les États-Unis, l'Espagne ou Israël, imposent désormais des tests Covid aux passagers en provenance de Chine. En cause, le manque de transparence sur les chiffres des infections et la crainte de l'apparition de nouveaux variants. La Chine, qui fait actuellement face à sa pire flambée de cas, a jugé, mardi 3 janvier, ces restrictions "inacceptables" . Pour la Première ministre Elisabeth Borne, la France est "dans son rôle". Principal objectif, selon elle : "pouvoir surveiller l'évolution de l'épidémie" grâce aux tests aléatoires sur le sol français, les prélèvements positifs donnant lieu à un séquençage systématique.

Les experts divisés

Ces mesures sont-elles justifiées ? Non, a tranché la semaine dernière le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Les pays de l'UE "ont des niveaux d'immunisation et de vaccination relativement élevés" et les "variants circulant en Chine circulent déjà dans l'UE", selon l'agence.

Pour d'autres experts, ces mesures sont légitimes. "On ne connait pas bien l'ampleur réelle de la vague en Chine, et on a des infos parcellaires sur les variants et sous-variants qui y circulent", explique à l' AFP Mahmoud Zureik, professeur d'épidémiologie et de santé publique à l'université de Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines. "La Chine a communiqué une liste de sous-variants à l'Organisation mondiale de la Santé, mais elle était basée sur un échantillon très faible". "Par ailleurs, ces mesures se justifient si une vague sans précédent déferle dans le pays : il serait en effet difficile de laisser atterrir un avion avec une personne sur deux positive sans rien faire", estime le scientifique.

"Pour être utiles, il faudrait (que les mesures) soient appliquées dans tout l'espace Schengen"

Si les restrictions peuvent s'expliquer en théorie, leur utilité réelle semble très limitée, notamment en raison d'un manque de coordination internationale . Les États membres de l'Union européenne doivent discuter mercredi d'une réponse commune à adopter. En Europe, seules la France, l'Italie et l'Espagne ont pris des mesures à ce jour. "Pour être utiles, il faudrait au moins qu'elles soient appliquées dans tout l'espace Schengen", estime Mahmoud Zureik, rappelant qu'"on a appris par le passé que rien n'empêchera le virus de traverser les frontières". Plus critique, l'épidémiologiste Dominique Costaglia parle d'une simple opération de com' : "Au moment où la France réduit ses capacités de séquençage, à part donner l'impression qu'on fait quelque chose, ce n'est pas très utile", dit-elle à l' AFP .

Dans un avis au gouvernement jeudi dernier, le Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars, ex-Conseil scientifique), recommande certes d'imposer des tests aux frontières pour réduire les risques. Mais il juge "illusoire" toute tentative de retarder les introductions de cas ou de variants chinois. "Les restrictions imposées à l'Afrique du Sud pendant l'émergence d'Omicron fin 2021 ont eu très peu d'impact sur l'évolution de l'épidémie en Europe", prend en exemple le Covars.

La vraie menace ne vient pas de Chine...

Pour le moment, les autorités scientifiques surveillent surtout un sous-variant d'Omicron, XBB.1.5 , en passe de devenir majoritaire aux États-Unis. Cet ancêtre de BA.2 a pris le dessus sur toute la côte Est du pays : "en deux ou trois semaines, il est passé de 10% à 40% des contaminations", indique Mahmoud Zureik. "On ne connait pas encore bien ses caractéristiques mais il serait plus transmissible vu sa croissance assez fulgurante". Ce variant est déjà présent au Royaume-Uni et circule en France à de très bas niveaux.

Il faudra encore du temps avant de déterminer s'il est plus virulent que ses prédécesseurs. "Il semble avoir un avantage de transmission mais cela ne veut pas dire que c'est un 'super variant' apocalyptique" , a tweeté lundi la virologue américaine Angela Rasmussen. Selon les premières données disponibles, une dose de rappel avec un vaccin bivalent permettrait notamment de produire des anticorps neutralisants face à ce variant.