Contre l'inflation, le Parlement adopte l'anticipation des négociations commerciales, au résultat incertain information fournie par Boursorama avec Media Services 15/11/2023 à 08:45
Le Parlement a donné mardi son feu vert définitif à l'anticipation de quelques semaines des négociations commerciales entre supermarchés et industriels, mesure gouvernementale censée lutter contre l'inflation des prix alimentaires, mais fustigée par les oppositions qui dénoncent "un texte d'impuissance".
"Ce texte permettra de répercuter plus rapidement dans les rayons des baisses de prix de nombreux produits de consommation", a assuré le ministre délégué chargé du Numérique Jean-Noël Barrot, qui représentait Bercy en l'absence de sa collègue chargée du Commerce Olivia Grégoire.
Au coeur de ce texte très court, un article pour avancer les négociations commerciales annuelles entre les supermarchés et leurs fournisseurs de l'agro-industrie, qui déterminent les conditions de vente (prix d'achat, place en rayon, calendrier promotionnel...) pour l'ensemble de l'année.
Celles-ci se concluent traditionnellement le 1er mars, mais le gouvernement veut les avancer exceptionnellement pour l'année 2024. Il espère ainsi que des baisses de prix de matières premières (blé, tournesol, maïs, huiles...) seront répercutées in fine dans les rayons plus tôt l'année prochaine.
Concrètement, les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 350 millions d'euros devront boucler leurs négociations avec les supermarchés le 15 janvier et les plus grosses, multinationales ou géants de l'agro-industrie, le 31 janvier.
Un calendrier qui permettrait "d'obtenir rapidement des baisses de prix substantielles, dès le 15 janvier", a assuré le cabinet d'Olivia Grégoire le 6 novembre.
Mais si le texte a été adopté par 97 voix contre 67, avec les voix du camp présidentiel (Renaissance, MoDem, Horizons), les oppositions ont toutes fustigé la proposition.
"Votre gouvernement est en faillite politique", a lancé la députée LFI Mathilde Hignet qui a défendu en vain une motion de rejet. "Vous croyez que le marché va tout régler, que le renard va finir par serrer la patte de la poule", a-t-elle lancé, quand l'écologiste Delphine Batho a dénoncé "un texte d’impuissance".
"Sans encadrement des marges nous continuerons texte après texte à brasser du vent", a grondé le patron des députés communistes André Chassaigne, alors que le rapport annuel du Secours catholique paru mardi alerte sur l'aggravation de la pauvreté en France.
"Ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux", a critiqué le LR Jérôme Nury, même si la grande majorité de son groupe s'est abstenue, comme les députés RN et Liot.
Le gouvernement, par la voix d'Olivia Grégoire, a annoncé vouloir lancer une "mission gouvernementale transpartisane pour réfléchir à la réforme du cadre global des négociations commerciales".
- Pas de "certitude" sur la baisse -
"Tout ce qui peut accélérer la baisse du rythme de l'inflation va dans le bon sens", a relevé le président de la principale organisation des industriels de l'agro-alimentaire, l'Ania, Jean-Philippe André. Mais si "objectivement il y a des matières premières qui sont aujourd'hui orientées à la baisse, il y en a aussi qui augmentent, comme le cacao et le sucre", a-t-il nuancé.
Et la négociation "porte aussi sur tout ce qu'il y a autour, le carton et l'aluminium, et les frais de personnel qui ont augmenté" du fait de l'inflation, a-t-il souligné.
L'Adepale, association représentant des PME et ETI de l'alimentation, estime que "rien ne permet aujourd'hui d'affirmer avec certitude que l'avancement des négociations conduira à une baisse des prix".
Quant aux représentants de la grande distribution, ils affirment recevoir surtout des conditions générales de vente - qui font office de point de départ des négociations - demandant des hausses de tarif par rapport à l'année précédente.
"On a espoir que les baisses" de prix seront "possibles" lors de ces négociations, déclarait à l'AFP fin octobre Thierry Cotillard, patron des Mousquetaires/Intermarché, N°3 du secteur derrière E.Leclerc et Carrefour. Mais cet espoir, ajoutait-il, risque de "se heurter aux grandes marques qui ne veulent pas répercuter les baisses".
En tout état de cause, l'inflation donne des signes de net ralentissement. Selon les données provisoires communiquées le 31 octobre par l'Insee, les prix ont augmenté de 4% en octobre sur un an, ceux de l'alimentaire progressant encore de 7,7%.
En outre, si certains prix sont en baisse depuis quelques mois, ils sont encore bien loin de retrouver leur niveau de 2019.