Changement climatique : l'industrie pétrolière toujours aussi friande de greenwashing, selon un expert information fournie par Boursorama avec Media Services 23/10/2025 à 13:43
Accusée d'être la source même du réchauffement et d'avoir longtemps alimenté la désinformation climatique, l'industrie pétrolière est ciblée par des dizaines de plaintes en Europe et aux États-Unis.
Les compagnies pétrolières continue d'avoir recours au marketing climatique, le greenwashing, tout en subissant de plus en plus d'actions en justice pour leur responsabilité dans le réchauffement de la planète. La stratégie reste identique même si le message a changé, insistant désormais sur la transition énergétique et évitant d'évoquer les énergies fossiles.
"Elles rassurent en disant : ne vous inquiétez pas, il ne faut rien changer" , dit à l' AFP Benjamin Franta, chercheur spécialiste du contentieux climatique à l'université d'Oxford, qui les accuse de "greenwashing" ou écoblanchiment, soit le fait de se présenter comme plus vertueux pour l'environnement qu'en réalité. "Le greenwashing est aussi important que le climatoscepticisme, voire plus, car c'est la forme dominante de fausse réassurance", poursuit-il.
Il date des environs de l'an 2000, après le protocole de Kyoto, l'abandon par les pétroliers du déni climatique et l'adoption d'une posture d'acteurs incontournables de la transition énergétique. La stratégie reste inchangée : les majors pétrolières communiquent beaucoup sur le captage de carbone, les biocarburants, l'énergie solaire et l'hydrogène.
L' AFP a analysé plus de 2.000 publicités liées au climat de cinq entreprises pétrolières aux Etats-Unis depuis 2006, à partir d'une base élaborée par l'équipe de Benjamin Franta grâce aux données de la société Mediaradar. Cette analyse montre une quasi disparition dans les années 2020 des messages centrés sur l'essence ou les énergies fossiles, au profit de discours présentant les majors comme des leaders des technologies bas carbone.
Neutralité carbone ?
BP appelle ainsi le public à la "rejoindre sur le chemin d'un avenir avec moins de carbone". ExxonMobil présente le captage de carbone comme "une des façons dont ExxonMobil fait progresser les solutions climatiques". Une inflexion récente apparaît toutefois : elles mettent proportionnellement moins en avant qu'au tournant des années 2020, au pic de la mobilisation citoyenne et politique sur le climat, des objectifs de neutralité carbone.
La major française TotalEnergies, qui se décrit aujourd'hui comme "la compagnie de toutes les énergies", saura jeudi si elle est condamnée en France pour avoir trompé les consommateurs avec sa communication en 2021 sur la neutralité carbone. Une condamnation, comme le rejet de la plainte, aurait des répercussions mondiales car la jurisprudence sur le greenwashing dans les énergies fossiles est limitée .
En Espagne, Repsol a gagné cette année en justice contre Iberdrola qui l'accusait de tromper ses clients avec des slogans tels que : "Une compagnie énergétique engagée pour un monde durable".
Une plainte pour greenwashing contre des entreprises pétrolières a aussi été rejetée à New York par un tribunal.
En Australie, le groupe énergétique Santos attend le jugement après un procès intenté par des actionnaires qui s'estiment floués par sa promesse de neutralité carbone en 2040.
Progrès européens
La jurisprudence est en revanche plus claire dans l'aérien, l'alimentation ou l'habillement, où l'offensive contre l'écoblanchiment a forcé les marques à dégonfler leurs allégations environnementales, d'abord en Europe.
On trouve ainsi moins de bouteilles d'eau ou de cafés garantis "neutres en carbone", en anticipation d'une directive européenne l'interdisant à partir de 2026. H&M et le site de vente d'habillement Zalando ont dû retirer de vagues labels "durables" sous pression d'autorités réglementaires. Le géant danois du porc, Danish Crown, a été condamné pour des étiquettes promouvant des saucisses avec un impact climatique réduit de 25%. Et des publicités de KLM ont été jugées trompeuses aux Pays-Bas.
"Ce que nous voyons en tant qu'Européens a beaucoup changé" , résume Sybrig Smit, experte du NewClimate Institute, en Allemagne. "Des entreprises ont complètement jeté leurs politiques climatiques par la fenêtre, mais des entreprises ont aussi renoncé aux promesses audacieuses et adopté des ambitions plus réalistes", selon elle.
Mais l'industrie pétrolière est à part, car accusée d'être la source même du réchauffement et d'avoir longtemps alimenté la désinformation climatique. Elle est ciblée par des dizaines de plaintes en Europe et aux États-Unis, où la Californie espère faire payer une facture astronomique aux compagnies, comme autrefois aux industriels du tabac.