Cérémonie pour Zyed et Bouna, 20 ans après: "chaque jeune de nos quartiers compte"
information fournie par AFP 27/10/2025 à 22:00

Le frère de Bouna, Siyakha (g) et son père Seydou (c) participent à la plantation d'un arbre près du lycée Robert Doisneau lors d'une cérémonie de commémoration marquant le 20e anniversaire de la mort des adolescents Zyed Benna et Bouna Traoré, à Clichy-sous-Bois, le 27 octobre 2025 en Seine-Saint-Denis ( AFP / Thibaud MORITZ )

Autour d'un arbre planté devant leur collège, une cérémonie très recueillie a marqué lundi le 20e anniversaire de la mort des adolescents Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), qui avait déclenché en 2005 trois semaines d'émeutes urbaines à travers le pays.

En silence, une centaine de personnes s'est réunie autour d'un ginkgo biloba, "symbole de résilience", lorsque les premières pelletées de terre ont été jetées par les proches de Bouna.

Le 27 octobre 2005, Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, étaient morts électrocutés dans un transformateur EDF où ils avaient voulu se réfugier pour échapper à la police, paniqués, après une course-poursuite, bien qu'ils n'aient rien à se reprocher.

L'annonce de leurs décès puis le fait que les autorités avaient d'abord nié la réalité de la course-poursuite et évoqué à tort une tentative de cambriolage sur un chantier, avaient servi de détonateurs à une révolte des banlieues d'une telle ampleur que le pays avait été placé sous état d'urgence.

"Nous sommes là, ensemble, pour (...) que chaque jeune de nos quartiers sache qu'il a de la valeur, qu'il compte, qu'il mérite de vivre en paix, dans la dignité et le respect", a déclaré le président de l'association Au-delà des mots, Samir Mihi, au lancement de la cérémonie.

Le frère de Bouna, Siyakha (g), et son père Seydou (2e g) debout près du maire de Clichy-sous-Bois, Olivier Klein (c), qui dépose des fleurs devant une plaque à l'extérieur du lycée Robert Doisneau lors d'une cérémonie marquant le 20e anniversaire de la mort des adolescents Zyed Benna et Bouna Traoré, le 27 octobre 2025 en Seine-Saint-Denis ( AFP / Thibaud MORITZ )

Devant son père pleurant doucement, le grand frère de Bouna, Siyakha Traoré, a évoqué affectueusement ces "deux gamins" dont les prénoms accollés sont devenus synonymes de "lutte contre les violences" et de "revendication de justice sociale".

"C'est tous ensemble qu'on fera peuple, c'est tous ensemble qu'on fera France", a de son côté déclaré au micro le slameur Abd al Malik. "Régler cette problématique des quartiers populaires (...), c'est régler un problème de la France, faire en sorte que la France soit enfin à la hauteur d'elle-même", a ajouté l'artiste, par ailleurs voix off d'une série documentaire consacrée au drame, "2005, Etat d'urgence", diffusée prochainement sur France 5.

- Ville métamorphosée -

Les pères des deux adolescents, qui travaillèrent tout deux comme éboueurs à la Ville de Paris, avaient immigré de Tunisie et de Mauritanie. Zyed et Bouna y furent inhumés peu après le drame.

Mais "ici à Clichy-sous-Bois, leur souvenir s'est transmis", a souligné le maire DVG Olivier Klein qui a terminé son discours en disant "Zyed et Bouna, vous êtes en nous, vous êtes Clichy-sous-Bois, vous êtes la France".

Métamorphosée par des politiques publiques de rénovation urbaine, la ville ne se sent plus abandonnée de l'Etat comme il y a 20 ans, quand des collégiennes désabusées disaient à l'AFP après les émeutes: "maintenant, tout le monde sait qu'ici c'est pauvre et qu'il n'y a rien pour nous". Reste ce sentiment exprimé pendant les révoltes par des banlieusards enfants d'immigrés: celui d'être souvent considérés comme Français de seconde zone, exposés aux discriminations latentes.

Le frère de Bouna, Siyakha (g), prononce un discours lors d'une cérémonie marquant le 20e anniversaire de la mort des adolescents Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois, le 27 octobre 2025 en Seine-Saint-Denis ( AFP / Thibaud MORITZ )

Lycéenne de 14 ans rencontrée en marge de la cérémonie, Aïcha estime que "20 ans après, pas grand-chose n'a changé concernant les relations (des jeunes de banlieue) avec la police, pas forcément à Clichy mais en France: il y a des violences policières, je le vois dans les médias". L'adolescente évoque aussi "les contrôles au faciès, les regards un peu appuyés de la part des policiers".

"A l'époque de la mort de Zyed et Bouna, on avait dit +plus jamais ça+, malheureusement il y en a d'autres qui sont partis", dit à l'AFP Mohammed Mechmache, ancien président de l'association ACLefeu, qui évoque notamment l'affaire Nahel, 17 ans, tué par le tir d'un policier en 2023 à Nanterre, ce qui avait suscité de nouvelles émeutes. "Les quartiers font France", ajoute-t-il, mais "si à chaque fois on les regarde comme un problème plutôt que de les regarder comme une solution, on s'éloigne du fameux vivre ensemble".

Des personnes participent à une cérémonie marquant le 20e anniversaire de la mort des adolescents Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois, le 27 octobre 2025 en Seine-Saint-Denis ( AFP / Thibaud MORITZ )

Sur X, le député LFI Eric Coquerel a estimé qu'en 20 ans, "ça a même empiré pour les quartiers : inégalités, discriminations, racisme, violences policières, d’autres morts".

Dans un long communiqué, Dominique de Villepin a lui rappelé qu'il était Premier ministre depuis cinq mois, lorsque "deux enfants de France" étaient "morts, victimes de la ségrégation et de l'abandon de la République". "Vingt ans après, les mêmes fractures demeurent", a-t-il estimé.