Budget: Lecornu renvoie la balle au Parlement sans convaincre gauche et RN
information fournie par AFP 27/09/2025 à 12:52

La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (g) et le nouveau Premier ministre Sébastien Lacornu à la sortie du Palais Bourbon, le 11 septembre 2025 à Paris ( AFP / Bertrand GUAY )

"Passer de la liasse de tweets à la liasse d'amendements": le Premier ministre Sébastien Lecornu renvoie la balle au Parlement pour construire un budget de compromis. Mais la gauche et le RN menacent plus que jamais de le censurer, faute de voir dans ses premières orientations la "rupture" promise.

Affirmant repartir d'une "feuille blanche" et refuser un budget "d'austérité et de régression sociale", M. Lecornu a souligné dans une interview au Parisien vendredi soir que c'est le Parlement qui "définira le budget de la Nation": "des compromis seront à trouver dans l'hémicycle", "le débat doit avoir lieu", insiste-t-il.

La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, à la sortie de l'Elysée, le 3 septembre 2025 à Paris ( AFP / Ludovic MARIN )

Sans aller jusqu'à s'engager à ne pas utiliser l'arme constitutionnelle du 49.3, qui permet de faire adopter le budget sans vote, le locataire de Matignon souhaite "ne pas être contraint" d'y recourir.

La ministre démissionnaire Agnès Pannier-Runacher (Renaissance) a salué sur France 2 samedi une "main très fortement tendue vers les parlementaires", "une main tendue qui va beaucoup vers les socialistes", avec lesquels le président de la République a demandé aux chefs de la coalition gouvernementale de travailler.

- "Main vide" -

Mais sur le fond, le Premier ministre reste fidèle aux fondamentaux du "socle commun" réunissant LR et les macronistes, fermant la porte aux revendications phares des socialistes, qu'il s'agisse de la taxe Zucman sur les hauts patrimoines ou de la suspension de la réforme des retraites.

"Je crois qu'il faut admettre (...) que sur certains sujets, on ne sera pas capable au niveau du Parlement et dans la période présente, de trouver des voies de sortie", a reconnu Mme Pannier-Runacher, renvoyant la question des retraites à la prochaine élection présidentielle.

Le leader de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, à l'Assemblée nationale, le 8 septembre 2025 à Paris ( AFP / Bertrand GUAY )

Le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a appelé dès vendredi soir la gauche à voter la motion de censure que LFI entend déposer à la reprise de la session parlementaire.

"Sans changement majeur d'orientation, nous censurerons ce gouvernement", a de son côté prévenu dans un communiqué le PS, qui ira malgré tout rencontrer "une dernière fois le Premier ministre la semaine prochaine".

Pour le président du groupe PS à l'Assemblée, Boris Vallaud, l'interview de M. Lecornu a été une "douche froide". Le gouvernement "tend une main" au PS, mais elle est "vide", a-t-il dit sur BFMTV samedi.

- "Droit dans le mur" -

Interrogé sur BFMTV samedi matin, le sénateur PCF Ian Brossat a jugé l'attitude du Premier ministre "très hypocrite": "sa page blanche (...) est pleine de lignes rouges et donc elle n'est pas vraiment blanche", a-t-il souligné.

Au-delà de la question du 49.3, les marges de manoeuvre du Parlement sont limitées, notamment par l'article 40 de la Constitution, qui empêche les parlementaires de déposer des amendements ou des propositions de loi créant des charges supplémentaires sans être compensées.

La présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet lors d'une séance à l'Assemblée nationale, le 8 septembre 2025 à Paris ( AFP / Bertrand GUAY )

C'est au nom de cet article que la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a pu écarter des amendements tendant à abroger la réforme des retraites, en 2023 puis en 2024.

"Manifestement, (M. Lecornu) a décidé de ne pas rester Premier ministre très longtemps", a ironisé M. Brossat, jugeant que "si le Premier ministre persiste", on va "inévitablement vers une censure et sans doute vers une dissolution".

Le Rassemblement national ne se montre pas beaucoup plus clément, même si M. Lecornu dit vouloir "examiner (...) dans le détail" l'Aide médicale d'Etat, destinée aux étrangers et que le RN veut voir réduite à une aide d'urgence.

"Il y a un certain nombre d'intentions qui sont exprimées, mais si ces intentions débouchent sur des mesures qui sont anecdotiques ou dérisoires, qui ne sont pas à la mesure de ce qui est nécessaire pour rétablir la stabilité budgétaire du pays, alors ça n'ira pas", a déclaré samedi à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) sa cheffe de file Marine Le Pen.

"Moi, j'attends le discours de politique générale", a-t-elle dit, jugeant "extrêmement floue" l'interview de M. Lecornu.

"On a un Premier ministre qui avait promis (...) une rupture et il vient dans cette interview dire qu'il ne changera rien (...) Et donc aujourd'hui, on est avec un Premier ministre qui fonce droit dans le mur", avait affirmé plus tôt sur France Inter le porte-parole du groupe RN à l'Assemblée Thomas Ménagé, menaçant d'une censure à moins d'un "changement de cap clair".