"Année blanche" et deux jours fériés supprimés: Bayrou dévoile sa potion budgétaire, déjà rejetée par les oppositions
information fournie par AFP 15/07/2025 à 21:48

Le Premier ministre François Bayrou dévoile les grandes lignes du budget 2026 de la France, à Paris le 15 juillet 2025 ( AFP / Thomas SAMSON )

François Bayrou a présenté mardi une cure budgétaire draconienne de 43,8 milliards d'euros pour 2026, avec la suppression de deux jours fériés et le gel des prestations sociales et des retraites, immédiatement décriée par les oppositions qui le menacent de censure.

"C'est notre moment de vérité", a déclaré le Premier ministre, la mine grave, lors d'une conférence de presse.

Depuis des mois, le dirigeant centriste, qui a fait de la lutte contre les déficits et la dette son ADN politique, a multiplié les images esquissant un sombre tableau des finances publiques pour, dit-il, préparer les Français à un effort considérable.

"Le surendettement", qui oblige le pays à "emprunter tous les mois pour payer les retraites ou payer les salaires des fonctionnaires", "est une malédiction qui n'a pas d'issue", a-t-il martelé mardi, soulignant qu'à "chaque seconde, la dette de la France augmente de 5.000 euros".

Dans ce contexte, et malgré un paysage politique fracturé qui présage d'une mission quasi-impossible pour faire adopter les budgets pour 2026 au Parlement à l'automne, François Bayrou a présenté "un plan pour dire stop à la dette et un plan pour dire en avant la production".

- "Année noire" -

Pour le premier, l'objectif est de ramener le déficit à 4,6% du PIB l'an prochain, contre 5,8% en 2024. Le tout dans un contexte international inflammable qui a conduit Emmanuel Macron à demander une enveloppe additionnelle de 3,5 milliards d'euros en 2026 pour la défense.

Résultat, l'effort réclamé atteindra l'an prochain 43,8 milliards au lieu des 40 initialement évoqués.

Et la potion risque de paraître amère.

L'Etat, pour "montrer l'exemple", va geler ses dépenses en 2026 au niveau de 2025, à l'exception de la charge de la dette et du budget des armées, a énoncé François Bayrou. Il a aussi édicté "une règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois partant à la retraite", tandis que 5,3 milliards d'économies sont demandés aux collectivités locales.

L'Etat prévoit de supprimer 3.000 postes d'emplois publics dès 2026, ou encore de "supprimer des agences improductives qui dispersent l'action de l'Etat".

François Bayrou a aussi décidé d'une "année blanche" pour toutes les prestations sociales, y compris les pensions de retraite, c'est-à-dire qu'elles seront gelées sans revalorisation au rythme de l'inflation.

Le ministre français de l'Economie Eric Lombard (g) s'entretient avec le Premier ministre français François Bayrou après le conseil des ministres hebdomadaire au palais de l'Elysée à Paris, le 2 juillet 2025 ( AFP / Ludovic MARIN )

Même gel pour les barèmes de l'impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée - ce qui revient pour les détracteurs de cette mesure à augmenter ces prélèvements, alors même que la hausse des impôts est censée être une ligne rouge pour les partis qui soutiennent le gouvernement.

L'abattement de 10% pour frais professionnels dont bénéficient actuellement les retraités pour l'impôt sur le revenu sera remplacé par un forfait de 2.000 euros, a indiqué le ministre de l'Economie Eric Lombard.

Le plan prévoit par ailleurs le doublement à 100 euros de la franchise annuelle sur les remboursements de médicaments.

- "Provocation" et "censure" -

Parallèlement, le Premier ministre a proposé une mesure qui fait déjà grand bruit: la suppression de deux jours fériés, par "exemple" le "lundi de Pâques" et le "8-Mai", pour économiser "plusieurs milliards".

Dans le même but de doper l'activité qu'il juge insuffisante en France, François Bayrou va proposer aux partenaires sociaux de nouvelles négociations sur l'assurance chômage et le droit du travail.

Sans majorité, il a reconnu être "à la merci des oppositions", qui peuvent le faire tomber comme ce fut le cas en décembre pour son prédécesseur Michel Barnier, justement sur des textes budgétaires.

Or les premières réactions sont très négatives.

La suppression de jours fériés est une "provocation" et "une attaque directe contre notre histoire, contre nos racines, et contre la France du travail", a protesté le président du Rassemblement national Jordan Bardella. "Si François Bayrou ne revoit pas sa copie, nous le censurerons", a mis en garde Marine Le Pen.

Le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon a exhorté le RN et le Parti socialiste à se joindre à "une censure sans illusions ni palabres".

Si LFI et le RN décident de renverser le gouvernement, son sort dépendra mathématiquement du PS.

Mais "sur les bases actuelles (...) la seule perspective possible est la censure", a prévenu mardi soir le patron du PS Olivier Faure sur BFMTV.

"Nous ferons nos propres propositions et nous verrons comment réagira le gouvernement", a ajouté M. Faure, qui déplore que la taxe Zucman, qui vise à prélever 2% par an du patrimoine des "ultra-riches", ne soit "même pas évoquée" dans le plan gouvernemental.

Le Premier ministre François Bayrou dévoile les grandes lignes du budget 2026 de la France, à Paris le 15 juillet 2025 ( AFP / Thomas SAMSON )

François Bayrou s'est borné pour l'instant à promettre une "contribution de solidarité" pour "les plus hauts revenus" aux contours encore flous.

Le ministre de l'Economie a évoqué par la suite le maintien d'une contribution sur les hauts revenus mise en place en 2025 devant assurer que les personnes aux "revenus importants paient au moins 20% d'impôts".

De la macronie au parti Les Républicains de Bruno Retailleau, les alliés de François Bayrou, eux, sont restés extrêmement discrets.