Budget 2026 : la démission de Sébastien Lecornu chamboule le calendrier, des chances "très faibles" d'adoption avant la fin de l'année information fournie par Boursorama avec Media Services 06/10/2025 à 17:27
Le vote d'une loi spéciale paraît de nouveau s'imposer, comme en décembre 2024. Elle gèle les dépenses de l'État, les limitant au strict nécessaire mais permet de percevoir l'impôt.
La démission de Sébastien Lecornu, à peine 12h après la formation de son gouvernement compromet fortement l'adoption du budget 2026 dans les temps. Il va probablement falloir passer par le vote d'une loi spéciale pour permettre à l'État de fonctionner a minima, un moindre mal pour les finances publiques selon certains économistes.
Le gouvernement avait jusqu'au 13 octobre pour soumettre au Parlement ses projets de budget de l'Etat (PLF) et de la Sécurité sociale (PLFSS), ce dernier devant disposer de 70 jours pour en débattre avant publication des textes au plus tard au Journal officiel le 31 décembre.
Ce calendrier semble compromis par la démission surprise du Premier ministre. "La possibilité de passer un budget avant le 31 décembre risque de s'avérer très faible", constate Mathieu Carpentier, professeur de droit public à l'Université Toulouse Capitole, interrogé par l' AFP : "La loi spéciale paraît de nouveau s'imposer". Quoique cela fasse "débat", l'expert estime qu'un gouvernement démissionnaire, censé n'expédier que les affaires courantes, ne peut déposer un PLF "car il s'agit d'un acte politique majeur", ni recourir à des ordonnances budgétaires.
Le Parlement avait dû voter une telle loi spéciale en décembre 2024 après la chute du gouvernement Barnier pour assurer le fonctionnement de l'État jusqu'à l'adoption d'un budget 2025 à la mi-février.
Impact "modéré"
Cette loi gèle les dépenses de l'État, les limitant au strict nécessaire , mais pas celles de la Sécurité sociale, et l'autorise à percevoir les impôts existants mais pas à en créer de nouveau. Il n'y a donc pas de de paralysie budgétaire à l'américaine ("shutdown") à craindre : les fonctionnaires sont payés, les retraites versées, les soins remboursés.
Toutefois, la loi spéciale ne permet pas d'indexer sur l'inflation le barème de l'impôt sur le revenu. Des dizaines de milliers de nouveaux ménages risquent donc d'être assujettis à l'impôt sur le revenu, et d'autres risquent d'en payer davantage.
Le scénario d'une loi spéciale, avec un nouveau Premier ministre ou un gouvernement technique, "aurait un impact relativement modéré sur l'économie", estime Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade, auprès de l' AFP . Il pointe une incertitude un peu plus forte et un renchérissement du coût d'emprunt de la France. Mais elle aurait aussi l'avantage de "réduire modérément le déficit public l'an prochain", développe l'économiste, plutôt que de le laisser filer.
Il chiffre de 15 à 20 milliards d'euros les économies possibles (soit moins de la moitié de l'effort budgétaire de 44 milliards initialement souhaité par l'ex-Premier ministre, François Bayrou) "grâce au gel des dépenses de l'État central" et par ricochet d'une partie "des dépenses des collectivités locales". Après 5,4% du produit intérieur brut (PIB) attendus cette année, le déficit pourrait tendre vers 5% du PIB, alors que Sébastien Lecornu souhaitait le ramener à 4,7% du PIB en 2026, et à maximum 3% en 2029.
Pas de panique
La démission de Sébastien Lecornu a fait grimper le coût auquel la France emprunte, au-dessus de celui de l'Italie et s'éloignant davantage de celui de l'Allemagne, qui fait référence en Europe . "Une France stable est une contribution importante pour l'Europe", a prévenu le porte-parole du gouvernement allemand, Stefan Kornelius.
Mais s'ils ont mal accueilli la nouvelle, les marchés n'ont pas non plus paniqué.
"C'est toujours problématique qu'on soit incapable de voter un budget. Mais pas forcément plus problématique qu'il y a trois semaines : on se doutait bien que cela serait très difficile", sur fond de crise politique chronique depuis la dissolution en juin 2024, souligne l'économiste Sylvain Bersinger, du cabinet Bersingéco.
Le tableau serait bien plus sombre si l'absence de budget s'accompagnait de nouvelles élections législatives, avec de nombreux risques : envolée des taux d'intérêt, suspension des investissements des entreprises, attentisme des ménages, notamment pour leurs achats immobiliers, dégradation d'une croissance déjà molle, et donc pression sur les recettes fiscales. Dans ce scénario-là, "le déficit ne ferait que se stabiliser" autour de 5,5% dans le meilleur des cas, estime Maxime Darmet.