Budget 2024 : superprofits des entreprises, transition écologique, logement... les points de friction d'un débat suspendu à l'article 49.3 information fournie par Boursorama avec Media Services 18/10/2023 à 08:04
L'Assemblée nationale a entamé mardi soir l'examen du projet de budget 2024, avec d'âpres débats sur le logement, le pouvoir d'achat ou les superprofits. Mais le marathon devrait être rapidement écourté par l'arme constitutionnelle du 49.3, que le gouvernement s'apprête à dégainer.
En l'absence de majorité absolue au Palais Bourbon, "il y aura un 49.3" pour faire adopter sans vote le projet de loi de finances (PLF) 2024, a convenu le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave, qui défend son premier budget.
Transition écologique, fiscalité des grandes entreprises, logement... Les points de friction s'annoncent encore nombreux cette année, entre oppositions et gouvernement et au sein même du camp présidentiel. Mais le recours à l'article 49.3 de la Constitution, qui permet au Premier ministre de faire adopter un texte sans vote des députés, amputera largement les débats, peut-être dès le milieu de semaine.
• Superprofits et taxes des entreprises
Les oppositions vont tenter de faire passer une taxe sur les "superdividendes" des entreprises . Ils reprennent une proposition du chef des députés MoDem Jean-Paul Mattei , écartée l'an dernier grâce au 49.3. Plus largement les députés de la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale - La France insoumise, écologistes, Parti communiste, Parti socialiste), de Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires - centristes), du Rassemblement national, mais aussi une poignée d'élus Horizons, membres de la majorité, défendront des taxes sur les "superprofits" des grandes entreprises. Jean-Paul Mattei propose cette année une autre mesure qui divise la majorité : taxer davantage les opérations de rachats d'actions des plus grandes entreprises. "Nous ne devons être ni punitifs, ni stigmatiser", rétorque Mathieu Lefèvre (Renaissance), qui propose plutôt un système pour favoriser le rachat d'actions par les employés.
Le rapporteur du Budget Jean-René Cazeneuve (Renaissance) a, lui, fait voter en commission la reconduction d'une taxe sur les profits exceptionnels des énergéticiens. Mais sa proposition se heurte notamment à TotalÉnergies , qui a brandi la menace d'un arrêt du plafonnement du litre de carburant à 1,99 euro en cas de nouvelle taxe. Le ministère de l'Économie pourrait choisir de l'écarter. "Le plus important c'est que Total respecte ses engagements", a concédé mardi Jean-René Cazeneuve mardi 17 octobre.
Le gouvernement, à la recherche d'un milliard d'économies supplémentaires , pourrait choisir de remettre en question certaines exonérations de cotisations sociales patronales sur les salaires supérieurs à 2,5 Smic. C'est ce que prônent Marc Ferracci (Renaissance) et Jérôme Guedj (PS). Mais ce sujet se réglera dans le budget de la Sécurité sociale.
• Financement de la transition écologique
Fort de la parution du rapport Pisani-Ferry/Mahfouz sur la transition écologique , la gauche doit proposer de transcrire ses préconisations, avec des "prélèvements exceptionnels" sur les hauts patrimoines pour financer la transition écologique. LFI demande aussi de conditionner la baisse d'un impôt de production (la CVAE), à des engagements environnementaux. Les écologistes et socialistes plaideront pour alourdir la fiscalité des frais de déplacement domicile-travail pour les véhicules les plus pollueurs.
Côté Horizons, on propose plutôt un système de bonus-malus fiscal pour les grandes entreprises, afin de les inciter à réinvestir leur capital, notamment dans le verdissement, plutôt que dans des dividendes. Chez Renaissance, on défend avant tout les "7 milliards" supplémentaires consacrés à la transition écologique pour 2024, et un crédit d'impôt pour favoriser l'installation de bornes de recharge de véhicules électriques à domicile.
Le RN et Les Républicains poussent en revanche pour revoir la suppression de la niche fiscale sur le gazole non-routier (GNR), qui inquiète notamment les agriculteurs.
• Pouvoir d'achat
L'examen du budget, grevé par un contexte d'inflation forte, sera l'occasion pour tous les groupes de défendre le pouvoir d'achat. À commencer par les LR, qui feront des baisses des prélèvements obligatoires un cheval de bataille. Ils demandent une baisse de la fiscalité du carburant.
Horizons appelle également à une baisse visible des impôts pour les classes moyennes dès 2024. "Personne ne dit que ce sont de mauvaises idées simplement (...) qu'on ne peut pas se payer" actuellement, avait déjà répondu Jean-René Cazeneuve.
Les communistes proposeront à nouveau un impôt sur le revenu beaucoup plus progressif; les socialistes veulent abaisser la TVA dans les transports.
• Logement
C'est peut-être le sujet sur lequel la pression est la plus forte pour le gouvernement, y compris au sein de sa majorité. Des députés de la plupart des bancs s'opposent à la réforme annoncée du prêt à taux zéro (PTZ) . Le gouvernement proroge cette mesure, mais la resserre, pour le logement neuf, sur les zones "tendues". Autre gros dossier : les locations de type "AirBnb", que de nombreux députés accusent d'obstruer le secteur. En commission, les députés ont voté pour une réduction de 71% à 50% de l'abattement sur les revenus de ces meublés touristiques. Mais certains, à gauche et dans la majorité, voudraient s'attaquer plus fortement à cette niche fiscale.