L'Assemblée nationale s'engage dans une bataille sur la Nouvelle-Calédonie information fournie par AFP 22/10/2025 à 15:41
Le report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie a déclenché mercredi une nouvelle bataille parlementaire à l'Assemblée, les Insoumis faisant un "barrage" d'amendements au texte, estimant qu'il pave la voie à un accord, contesté, sur l'avenir de l'archipel, le camp gouvernemental tentant de contourner les amendements.
Les députés ont commencé l'examen dans l'hémicycle d'une proposition de loi organique, déjà adoptée au Sénat pour reporter des élections provinciales cruciales pour la composition du Congrès et du gouvernement de l'archipel.
Prévues d'ici au 30 novembre, le texte sénatorial entend les décaler au 28 juin 2026 "au plus tard". Il s'agirait d'un premier pas dans la difficile réforme institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, qui à ce stade doit passer par un accord signé à Bougival cet été entre l'État et les délégations indépendantistes et non-indépendantistes.
Il prévoit notamment la création d'un "État de la Nouvelle-Calédonie" inscrit dans la Constitution et la reconnaissance d'une nationalité calédonienne, et nécessitera un projet de loi constitutionnelle, déposé en Conseil des ministres mi-octobre.
Mais il prévoit également d'élargir le corps électoral des élections locales. Actuellement, seuls certains habitants peuvent voter, notamment ceux établis sur le territoire avant 1998 et leurs descendants. C'est en partie au nom de ce "dégel" que les partisans du texte prônent le report des élections provinciales.
Certains opposants estiment que le gouvernement veut s'appuyer dessus pour paver la voie de l'accord de Bougival, alors que ce dernier a été rejeté depuis sa signature par le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), principale coalition indépendantiste.
"Vous faites porter aux parlementaires la responsabilité d'une proposition de loi (...) pour permettre la mise en œuvre du projet d'accord Bougival", a critiqué mercredi le député indépendantiste Emmanuel Tjibaou lors d'une séance de questions au gouvernement.
Pour le député Bastien Lachaud (LFI), qui dénonce une "volonté de passer en force" l'accord de Bougival, "on est contraint de relancer un nouveau cycle de négociations".
Ainsi, des députés insoumis ont déposé plus de 1.600 amendements (une partie peut être déclarée irrecevable). Un "barrage parlementaire" assumé pour LFI. Il compromet en l'état l'adoption du texte dans les temps, alors que le budget de l'État est attendu dans l'hémicycle vendredi.
- "Bougival ne résout pas tout" -
Accusant les Insoumis de vouloir faire de la question de la Nouvelle-Calédonie un "champ de bataille politique", la nouvelle ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, a estimé que "ne pas voter cette proposition de loi est susceptible d'ouvrir la porte à la crise".
Démentant tout "passage en force" du gouvernement, elle estime également que "Bougival ne résout pas tout". "Il pourra être complété, consolidé pour que tout le monde se l'approprie", a souligné la ministre, annonçant qu'elle se rendrait "très bientôt en Nouvelle-Calédonie".
Face au mur d'amendements, le député macroniste Vincent Caure va défendre une motion de rejet stratégique, pour interrompre les débats avant même l'examen des amendements.
Une manoeuvre qui permettrait de contourner les amendements, et de forcer la poursuite de la navette parlementaire en envoyant la proposition de loi en commission mixte paritaire, réunissant sept députés et sept sénateurs.
En cas d'échec, M. Caure et son collègue Nicolas Metzdorf (Nouvelle-Calédonie), ont aussi déposé des amendements pour supprimer ses trois articles, tout comme des indépendants du groupe Liot, ce qui aboutirait au même effet.
Mais l'avenir de ces deux stratégies dépendra de la mobilisation, alors que le Rassemblement national et la majorité de la gauche sont opposés à la proposition de loi. Les socialistes la soutiennent mais rien ne garantit qu'ils aideraient pour autant à contourner les amendements.
"Les Insoumis se trompent de débat. Il ne doit pas porter sur le report des élections", déplore Philippe Gosselin (LR), rapporteur du texte. D'autant, argue-t-il, que "le mouvement indépendantiste est divisé sur le sujet".
Signataire de l'accord de Bougival, l'Union nationale pour l'indépendance a appelé les députés à "voter en faveur du report des élections provinciales", dans une lettre ouverte mardi.
Le mouvement indépendantiste, qui s'est retiré du FLNKS en novembre 2024, affirme que ce vote marquerait un "soutien au compromis, à la responsabilité et à la paix" et que le report garantirait "l'existence, l'amélioration et la mise en oeuvre de l'accord de Bougival".