Avec ses "tranchées gelées" et ses "steppes brûlantes", l'Ukraine marque 1.000 jours de guerre information fournie par Reuters 19/11/2024 à 12:25
par Tom Balmforth
L'Ukraine franchit ce mardi le cap des 1.000 jours de guerre depuis le début de son invasion à grande échelle par la Russie, avec des soldats épuisés tentant de résister sur plusieurs fronts, sa capitale Kyiv soumise à des bombardements réguliers de drones et de missiles russes et la crainte d'un affaiblissement du soutien américain avec le retour imminent de Donald Trump à la Maison blanche en janvier.
Au milieu de ce sombre tableau, l'actuel président américain Joe Biden a fourni un maigre motif d'espoir à l'Ukraine en donnant son autorisation à l'utilisation de missiles fournis par les Etats-Unis pour frapper en profondeur le territoire russe, ce qui pourrait limiter la capacité de Moscou à lancer des attaques aériennes et à approvisionner le front.
Les experts militaires pensent cependant que cette évolution américaine, réclamée de longue date par les dirigeants ukrainiens, ne suffira pas à elle seule à changer le cours de la guerre. D'autant qu'un changement de posture radical de la part des Etats-Unis ne peut pas être exclu avec Donald Trump, qui s'est dit en mesure de mettre un terme au conflit en 24 heures, sans préciser comment.
Le président ukrainien Volodimir Zelensky a diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo rappelant certains événements majeurs du conflit, notamment son discours annonçant le déclenchement de l'offensive russe le 24 février 2022 dans lequel il prononçait ces mots : "Ne cédez pas à la panique, nous sommes forts, nous sommes prêts à tout, nous (les) vaincrons tous."
Depuis, des milliers de civils ukrainiens sont morts, plus de six millions se sont exilés et la population du pays a fondu d'un quart.
Le bilan des pertes militaires reste un secret dans cette guerre, la plus importante sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale. Les experts occidentaux estiment sur la base des informations des services de renseignement que des centaines de milliers de soldats ont été tués ou blessés dans chaque camp.
KYIV CRAINT UNE LASSITUDE OCCIDENTALE
Aucune famille ne semble épargnée à travers l'Ukraine, où les cérémonies militaires en hommage aux défunts sont devenues monnaie courante tandis que les civils vivent au rythme de nuits sans sommeil dans la crainte du déclenchement des sirènes d'alerte aérienne.
Dans les premiers mois du conflit, les forces ukrainiennes sont parvenues à repousser l'armée russe des faubourgs de Kyiv et à reconquérir des pans entiers de territoire face à un ennemi pourtant supérieur en nombre et censément mieux équipé.
Après cette première phase de mouvement, le conflit s'est enlisé dans une guerre de tranchées réduisant nombre de localités de l'est de l'Ukraine à l'état de ruines. Les Russes, qui occupent environ un cinquième du territoire ukrainien, ont toutefois lentement mais inexorablement regagné du terrain au cours de l'année écoulée.
"Dans les tranchées gelées de la région de Donetsk et dans les steppes brûlantes de la région de Kherson, sous les obus, le déluge de feu et les armes antiaériennes, nous combattons pour le droit à vivre", a écrit le commandant en chef de l'armée ukrainienne, Oleksandr Syrsky, sur la messagerie Telegram.
Les Ukrainiens redoutent désormais aussi une lassitude occidentale face à la détermination affichée par le président russe Vladimir Poutine et Kyiv comme Moscou semblent vouloir renforcer leurs positions sur le champ de bataille en prévision d'éventuels pourparlers pour mettre fin à la guerre.
La Russie, qui pouvait déjà compter sur les drones fournis par l'Iran et les obus d'artillerie et missiles balistiques livrés par la Corée du Nord, bénéficie maintenant de l'appui de 11.000 soldats nord-coréens, dont certains, selon Kyiv, ont déjà été engagés au combat dans la région russe de Koursk. Un haut responsable ukrainien a estimé que la Corée du Nord avait la capacité de fournir 100.000 soldats pour l'effort de guerre russe.
L'Ukraine a pour sa part déployé certaines de ses meilleures unités à Koursk pour tenter de tenir ce petit bout de territoire russe conquis en août comme possible monnaie d'échange lors d'éventuelles négociations à venir.
ZELENSKY RÉCLAME UNE "PAIX VÉRITABLE"
Alors que l'hiver s'installe, la Russie a repris dimanche sa campagne de bombardements aériens contre le réseau électrique ukrainien, effectuant son plus important tir de barrage depuis août avec 120 missiles et 90 drones.
Pour mettre fin à la guerre, l'Ukraine réclame le retrait de la Russie de tous les territoires occupés et des garanties de sécurité de la part de l'Occident comparables au traité de défense mutuelle de l'Otan pour empêcher toute future attaque russe.
La Russie exige pour sa part que l'Ukraine renonce à toute ambition de rejoindre l'Otan et lui abandonne les régions qu'elle a annexées.
Au-delà du retour de Donald Trump, des signes indiquent que l'Occident semble se préparer à des pourparlers de paix alors que Volodimir Zelensky a lui-même déclaré la semaine dernière que l'Ukraine devait tout faire pour mettre fin au conflit l'an prochain par des voies diplomatiques.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a ainsi appelé vendredi Vladimir Poutine pour la première fois en près de deux ans, ce qui lui a valu de vives critiques de Volodimir Zelensky.
Le président ukrainien a jugé que cette initiative allemande ne faisait que réduire l'isolement du président russe. Il a en outre déclaré que d'éventuelles négociations ne devaient pas aboutir au même résultat que les accords de Minsk qui, sous l'égide de la France et de l'Allemagne, ont gelé le conflit déclenché en 2014 par une rébellion de séparatistes prorusses dans l'est de l'Ukraine, sans véritable garantie de sécurité pour Kyiv.
"Ce dont nous avons besoin, c'est une paix véritable", a-t-il dit.
"Notre soutien ne faiblira pas", a pour sa part assuré sur le réseau social X le président français Emmanuel Macron.
"Mille jours que l'Ukraine oppose une résistance courageuse à une guerre d’agression illégale et injustifiable. Mille jours que la Russie poursuit son dessein impérialiste et brutal (...) Mille jours que nous nous tenons résolument aux côtés de l'Ukraine et de son peuple, pour faire triompher la liberté, la paix et la justice", a-t-il écrit.
(Rédigé par Tom Balmforth; avec Olena Harmash, version française Bertrand Boucey, édité par Kate Entringer)