Aux Pays-Bas, l'extrême droite loin d'être à terre
information fournie par AFP 26/11/2025 à 08:37

Des électeurs dans un bureau de vote à Staphorst le 9 juillet 2010, aux Pays-Bas ( AFP / ANOEK DE GROOT )

C'est toutes vêtues pareil, couvre-chef et gilet bleus, robe plissée, collants et souliers noirs, que des femmes âgées font leurs courses un lundi matin dans un village à moins de deux heures de route d'Amsterdam.

Une scène des plus normales à Staphorst, commune néerlandaise restée fidèle au calvinisme dans le nord du pays, où des centaines de femmes portent toujours le costume traditionnel au quotidien.

Staphorst est aussi la preuve que l'extrême droite aux Pays-Bas est loin d'être battue, malgré la défaite sur le fil de Geert Wilders lors des élections parlementaires en octobre, remportées d'une très courte tête par les centristes.

Car deux autres partis situés très à droite de la sphère politique ont tiré leur épingle du jeu. Une extrême droite donc plus divisée, mais loin d'être à terre.

Si le PVV de M. Wilders, une des figures de l'extrême droite en Europe, a perdu une dizaine de sièges au parlement, le Forum pour la démocratie (FvD), parti conservateur et eurosceptique, est passé de trois à sept sièges.

Et c'est à Staphorst que cette formation nationaliste, climatosceptique et qui plaide pour un "Nexit", une sortie des Pays-Bas de l'Union européenne, a réalisé son meilleur score.

"A la maison, on est fan du FvD", confie à l'AFP Irena Nobel, une habitante de 18 ans, convaincue par le discours de Lidewij de Vos, 28 ans, nouvelle figure de proue du parti.

"C'est une femme très intelligente qui ne suit pas l'avis général", ajoute Mme Nobel, dont les parents ont également voté pour le FvD.

- Tatouages et costume trois pièces -

Des électeurs dans un bureau de vote à Staphorst le 9 juillet 2010, aux Pays-Bas ( AFP / ANOEK DE GROOT )

Le parti a récolté près de 10% des voix à Staphorst, commune de 18.000 habitants, derrière l'inamovible Parti politique réformé (SGP) - formation protestante traditionnaliste - le PVV et les chrétiens-démocrates (CDA).

Les électeurs du Forum pour la démocratie viennent de toutes les classes sociales, explique auprès de l'AFP Remco Roelofs, élu du FvD dans la province d'Overijssel, où se situe Staphorst.

"Ils ont des tatouages, sont habillés en costumes trois-pièces ou vont voter avec des sabots en bois" traditionnels, déclare-t-il.

Celui qui a fait le plus grand bond aux élections, c'est le parti JA21, issu d'une scission du Forum pour la démocratie. Il est passé de seulement un siège au parlement à neuf.

"Le FvD et le JA21 peuvent être considérés comme faisant partie d'un bloc plus large de partis d'extrême droite aux Pays-Bas", observe auprès de l'AFP Stijn van Kessel, professeur de science politique comparée à l'Université Queen Mary de Londres.

JA21 étant un parti d'extrême droite plus "modéré", quand le FvD défend une "idéologie plus radicale", note M. Van Kessel.

- "Idéologie normalisée" -

"Leur idéologie s'est largement normalisée, et avec le PVV, ils attirent un grand nombre d'électeurs", relève-t-il.

Ensemble, ces trois mouvements arriveraient à 42 sièges, sur les 150 que comptent le parlement.

Mais le Forum pour la démocratie, qui dit avoir des liens avec le AfD en Allemagne et le mouvement d'Eric Zemmour en France, estime que M. Wilders, qu'il compare à Marine Le Pen, a mis trop d'eau dans son vin pour faire partie des formations politique établies.

Son parti, le PVV, a perdu en popularité, et un nombre significatif de ses électeurs se sont tournés vers le FvD et le JA21, note M. Van Kessel.

Ces partis attirent des électeurs culturellement conservateurs, comme c'est le cas à Staphorst, explique-t-il.

Cela se traduit par des positions anti-immigration et un désir de préserver "l'identité nationale et les valeurs traditionnelles", ajoute le professeur.

"Le FvD incarne ces positions +nativistes+ et autoritaires", estime-t-il.

Au vu de la percée de l'extrême droite partout sur le continent, les Pays-Bas s'inscrivent dans la tendance européenne.

"Mais il est remarquable de constater le nombre de partis d'extrême droite différents représentés au parlement néerlandais", observe M. Van Kessel.