Aux assises, une mère jugée pour avoir empoisonné ses filles aux médicaments information fournie par AFP 24/11/2025 à 07:37
Le procès d'une femme de 53 ans, accusée d'avoir empoisonné ses deux filles, dont l'une est décédée, en les assommant de médicaments, puis d'avoir voulu faire assassiner leur père depuis la prison, s'ouvre lundi devant la cour d'assises des Landes.
Maylis Daubon affirme, depuis sa mise en examen et son incarcération en janvier 2022, que l'aînée morte à l'âge de 18 ans s'est suicidée.
Le 13 novembre 2019 vers midi, la mère appelle les secours, alertée par la cadette - Luan - d'une crise de convulsions de sa sœur Enea, au domicile familial de Dax. Le Samu découvre celle-ci dans son lit en état de mort respiratoire, la réanime mais elle succombe six jours plus tard à l'hôpital.
L'enquête sur les causes du décès, outre la présence d'un médicament surdosé, met au jour un conflit parental majeur. Depuis leur divorce en 2009, Maylis Daubon et Yannick Reverdy, ancien joueur international de handball, se déchiraient autour de leurs filles, coupées de toute relation avec leur père à partir de 2011.
"Pendant dix ans, je me suis battu un peu tout seul", a confié à l'AFP, avant l'audience, celui que l'accusée aurait voulu faire assassiner en soudoyant des codétenues à la maison d'arrêt de Pau.
- "50 à 75 cachets" -
Les analyses sur le corps de la défunte ont révélé un taux de 1.882 milligrammes de Propranolol, un traitement qui ralentit le cœur, soit "l'équivalent de 50 à 75 cachets" quand la dose thérapeutique oscille entre 40 et 200 mg.
Le rapport d'expertise fait aussi apparaître 22 molécules différentes et une "consommation régulière et importante" de cannabis. Les médecins légistes ont lié le décès à une "décompensation cardiorespiratoire aiguë d'origine toxique".
Durant les mois précédents, la défunte s'était vu prescrire quantité de neuroleptiques, anxiolytiques sédatifs, traitements contre les convulsions et antidépresseurs. Les enquêteurs estiment qu'elle a consulté près de 30 médecins au cours de sa jeune vie.
L'avocat de Yannick Reverdy, Me Victor Font, s'interroge sur cet enchevêtrement risqué d'ordonnances délivrées "sans coordination".
Pour le père, sa fille "n'avait pas de pathologie", sa mère lui en a "inventé" pour la mettre "sous emprise psychique, puis chimique".
- Münchhausen par procuration -
L'explication d'un syndrome de Münchhausen par procuration a été avancée par une psychologue de la Protection de l'enfance, intervenue en 2018 face à l'absentéisme scolaire anormal d'Enea.
Ce syndrome conduit un parent à exagérer ou provoquer des problèmes de santé sérieux chez son enfant, dans un désir d'attirer l'attention ou la compassion. En août 2019, Maylis Daubon avait répété dans son entourage que sa fille était hospitalisée en soins palliatifs pour une leucémie et qu'elle préparait son enterrement.
"Il n'y a pas de Münchhausen par procuration", balaie Me Carine Monzat en défense, l'autre avocat de l'accusée, Me Gérard Danglade soulignant qu'"aucun expert psychiatre n'a, dans le cadre de l'instruction, posé clairement ce diagnostic".
La personnalité de la mère, décrite comme "menteuse et manipulatrice" par des témoins, sera au cœur des débats. Tantôt professeure à la Sorbonne, ingénieure nucléaire ou casque bleu à Sarajevo, elle manifeste "le besoin d'être sur le devant de la scène", selon l'accusation.
- "Incohérences" -
La mère devra s'expliquer sur les "importantes et graves incohérences" pointées par les juges dans ses déclarations sur le déroulé de la matinée du 13 novembre 2019, touchant à son emploi du temps, ses échanges téléphoniques et la disparition du portable d'Enea.
Si l'accusée maintient la thèse du suicide, la cadette a évoqué les "projets d'avenir" qu'avait sa sœur - passer son permis de conduire ou être re-scolarisée.
L'absentéisme scolaire de Luan a également éveillé les soupçons et des analyses ont révélé des traces de médicaments - codéine, anxiolytique sédatif, somnifère ou antidépresseur - dans ses cheveux, sans prescriptions médicales, conduisant à une nouvelle mise en examen de Maylis Daubon.
Sa deuxième fille n'a jamais voulu la mettre en cause: elle sera entendue comme témoin au procès, prévu jusqu'au 3 décembre.