Arnaque à la cryptomonnaie : défense de Javier Milei, risque judiciaire... ce que l'on sait du scandale "cryptogate" en Argentine
information fournie par Boursorama avec Media Services 19/02/2025 à 12:02

( AFP / FILIPPO MONTEFORTE )

Que sait-on du "cryptogate", cette arnaque à la cryptomonnaie qui ébranle le président argentin, Javier Milei ?

Plus d'une centaine de plaintes et un "président négligent" au coeur d'un scandale... Le "cryptogate" secoue la politique argentine depuis le 15 février. Tout a commencé avec l'envoi par le président Javier Milei, "de bonne foi" assure-t-il, d'une publication promouvant une cryptomonnaie qui s'est ensuite effondrée, provoquant des pertes par millions. Voici ce que l'on sait à ce stade du déroulé, des acteurs et de l'impact potentiel de ce que l'opposition qualifie "d'arnaque".

L'opération

Vendredi peu après 19h, Javier Milei, aux 3,8 millions de followers sur X, a relayé un message sur le lancement d'une cryptomonnaie, la $LIBRA, visant à "stimuler la croissance de l'économie argentine", en finançant des PME. Près de quatre heures plus tard, le président ultralibéral supprime cette publication et publie un autre message dans lequel il explique "après avoir pris connaissance" des détails du projet $LIBRA, ne "plus continuer à lui donner diffusion".

Entretemps, la cryptomonnaie a bondi de quelques dizaines de cents à près de 5 dollars, avant de s'effondrer à nouveau. En quelques heures, le volume de transactions atteint "plus de 4,5 milliards de dollars", selon des experts, dont Javier Smaldone, informaticien et influenceur connu pour sa dénonciation d'arnaques pyramidales. Avec des pertes difficiles à estimer, entre 100 et 250 millions selon lui, et des gains empochés par une poignée de détenteurs initiaux.

Les acteurs

Hayden Davis, un Américain à la tête d'une société, Kelsier Ventures, co-lanceur du projet, se définit comme "investisseur et consultant" dans le domaine des "blockchain, crypto et IA". Javier Milei l'avait reçu en janvier, saluant "une conversation très intéressante" sur l'impact et les applications de la blockchain et de l'intelligence artificielle. Dans un communiqué, Hayden Davis a assuré "n'avoir reçu" aucun des fonds généré par $LIBRA, dont il n'est que le "gardien". Mais il a regretté que "malgré des engagements antérieurs, Milei et son équipe aient de façon inattendue revu leur position et retiré leur soutien" au projet.

Mauricio Novelli, trader argentin gérant de la société "Tech Forum", se définit comme "conseil en actifs crypto et organisation d'événements thématiques pour la tech". Javier Milei dit le connaître depuis des années. Dans un communiqué, Tech Forum dit avoir "conseillé" Kelsier Ventures et KIP Protocol (qui a fourni la plate-forme) sur le lancement de $LIBRA, mais n'avoir "ni accès", "ni connaissance" des fonds générés.

La défense de Javier Milei

Adoptant un ton combatif, Javier Milei a minimisé son rôle dans une longue interview télévisée lundi, affirmant n'avoir nullement "promu", ou "recommandé" mais juste "diffusé" un projet qui lui avait paru "intéressant". Pour lui, les opérateurs de cryptoactifs qui ont investi sont des "traders de volatilité", et "savaient très bien ce qu'ils faisaient". "Si tu vas au casino et que tu perds de l'argent, de quoi tu peux te plaindre, si tu savais qu'il y avait ces risques ?". Pour lui, c'est "un problème entre (personnes) privées".

Un extrait, finalement retiré de cette interview pré-enregistrée, est devenu viral mardi, portant sur un échange à propos du compte X sur lequel Javier Milei a relayé le message :

-"C'est mon compte personnel", dit le dirigeant.

- "Oui, mais vous êtes président...", répond l'intervieweur disant que "cela pourrait vous mettre dans un pétrin judiciaire".

Le risque judiciaire

Plus d'une centaine de plaintes ont été déposées par des organismes et des individus. Elles sont centralisées par une juge et un procureur. Le Bureau anti-corruption a été saisi par la présidence pour enquêter sur une éventuelle "conduite inappropriée d'un membre du gouvernement, y compris le président". La présidence a annoncé une enquête distincte sur le lancement de la $LIBRA "et les sociétés ou personnes impliquées" par une unité de spécialistes des cryptoactifs et de la finance.

Javier Milei a affirmé n'avoir "rien à cacher" et rien à craindre : "Si la justice démontre qu'une guillotine doit couper une tête, allons-y !" Le porte-parole présidentiel a indiqué mardi "ne pas savoir" encore qui défendrait le président. En tant que président, Javier Milei jouit d'une immunité judiciaire, que seule pourrait lever une procédure parlementaire de destitution, jugée hautement improbable. Mais ensuite, en temps que citoyen, il restera "sous un risque latent de la justice ordinaire", souligne pour l'AFP l'avocat Adolfo Suarez Erdaire, spécialiste des arnaques numériques.

L'impact politique

Dans l'opposition, seul le parti kirchnériste (centre-gauche), a indiqué sa volonté d'initier un "procès politique", procédure parlementaire visant éventuellement à une destitution. Laquelle n'a quasiment aucune de chance de prospérer, requerrant pour démarrer les deux-tiers de chaque Chambre. L'ex-président libéral Mauricio Macri (2015-2019), chef du PRO, troisième force au Parlement, a dit mardi "ne pas douter de l'honnêteté" de Javier Milei. Mais il a considéré que cet "épisode grave" a montré "un président négligent" qui doit "mieux s'entourer".

Sur le plan économique, l'épisode a généré une nervosité palpable à la Bourse de Buenos Aires, qui a clôturé en chute de 5,58% lundi avant de reprendre 6% mardi. Le ministre de l'Economie Luis Caputo a assuré qu'il aura "zéro" impact sur les discussions qu'aura Javier Milei jeudi à Washington avec Kristilina Georgieva, la directrice du Fonds monétaire international (FMI), auprès duquel l'Argentine négocie un nouveau programme de financement.