Amnesty dénonce esclavage et torture dans les "centres d’escroquerie" au Cambodge
information fournie par Reuters 26/06/2025 à 11:20

Amnesty International a accusé jeudi le gouvernement cambodgien de "fermer délibérément les yeux" sur les abus commis par des gangs de cybercriminels qui réduisent en esclavage des adultes et des enfants dans des centres d’escroquerie "infernaux".

L'organisation londonienne a déclaré dans un rapport avoir identifié au moins 53 centres d’escroquerie situés au Cambodge, ainsi que plusieurs dizaines d'autres sites jugés suspects à travers le pays, y compris dans la capitale Phnom Penh.

Ces centres ressemblant à des prisons sont entourés de hautes clôtures munies de fils barbelés et gardés par des hommes armés. Leurs occupants sont soumis à des châtiments tels que des chocs infligés à l'aide de matraques électriques, l’enfermement dans des pièces sombres ou des passages à tabac.

"Trompées, victimes de la traite des êtres humains et réduites en esclavage, les victimes des centres d’escroquerie décrivent un véritable cauchemar : elles sont enrôlées dans des entreprises criminelles qui opèrent avec le consentement apparent du gouvernement cambodgien", a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

Selon l'organisation, l'Etat cambodgien est coupable de défaillances qui permettent à cette industrie florissante de prospérer en l'absence d'enquête sur les violations des droits de l'homme ou d'identification et d'assistance aux victimes.

Des allégations d'inaction rejetées par le porte-parole du gouvernement cambodgien, Pen Bona, qui souligne qu'un groupe de travail dirigé par le Premier ministre Hun Manet a été créé en janvier et affirme que le rapport est "exagéré".

Le Cambodge est selon lui une victime de l'industrie de l'escroquerie en ligne et souhaite coopérer plutôt qu'être blâmé.

Bien que le Cambodge ait supervisé des raids pour libérer certains travailleurs victimes de la traite, Amnesty International a constaté que plus des deux tiers des centres d’escroquerie n’avaient pas fait l'objet d'enquêtes ou continuaient à fonctionner même après des descentes de police.

L'ONG laisse entendre que les défaillances de la police découlent de sa collaboration ou de sa coordination avec les chefs de ces centres.

Pendant la pandémie de covid-19, le Cambodge est devenu une plaque tournante de l’industrie mondiale de l’escroquerie en ligne. Selon les Nations unies, des groupes criminels principalement dirigés par des Chinois ont transformé d’anciens casinos et hôtels en centres d’escroquerie, employant jusqu’à 100.000 personnes. Des enclaves similaires ont fleuri au Myanmar et au Laos.

Au Cambodge, le secteur rapporterait plus de 12,5  milliards de dollars (10,6 milliards d'euros) par an, soit la moitié du PIB, selon l’Institut américain pour la paix.

Selon Amnesty International, la plupart des victimes sont attirées par des offres d’emploi trompeuses sur les réseaux sociaux tels que Facebook ou Instagram.

(Reportage Poppy McPherson, version française Elena Smirnova, édité par Jean-Stéphane Brosse)