Affaire Christophe Ruggia-Adèle Haenel: le procès en appel se poursuivra le 23 janvier
information fournie par AFP 19/12/2025 à 20:42

L'audience s'éternisant, la cour d'appel de Paris a décidé de remettre vendredi au 23 janvier la suite du procès en appel du cinéaste Christophe Ruggia, jugé pour agressions sexuelles sur l'actrice Adèle Haenel entre ses 12 et 14 ans.

A 20 heures, la cour avait seulement eu le temps de procéder à l'interrogatoire laborieux du réalisateur de 60 ans alors que le dossier n'était audiencé que sur une après-midi. Sur le banc de la partie civile, Adèle Haenel trépignait d'impatience et de nervosité.

Lors d'un interrogatoire éreintant long de cinq heures, le cinéaste, veste noire sur pull sombre, s'est enferré dans le déni, martelant comme depuis le premier jour n'être "ni un agresseur sexuel, ni un violeur, ni un pédophile ou quoi que ce soit de ce genre".

Christophe Ruggia est poursuivi pour agressions sexuelles de 2001 à 2004 sur la comédienne dans la foulée de l'éprouvant tournage du film d'auteur "Les diables", où le réalisateur de vingt-quatre ans son aîné avait offert à la jeune adolescente son premier rôle de cinéma.

Dans cette affaire emblématique du #MeToo du cinéma français, révélée en 2019 dans une enquête de Mediapart, il a été condamné en février à quatre ans de prison, dont deux ferme à effectuer sous bracelet électronique.

"Si j'avais fait ce qu'elle m'accuse d'avoir fait, avoir mis la main dans son pantalon ne serait-ce qu'une fois, je n'aurais jamais pu me regarder dans la glace et j'aurais cessé immédiatement de la voir. Ça n'est jamais arrivé", s'est indigné Christophe Ruggia devant la cour.

Pour justifier les visites d'Adèle Haenel à son domicile parisien chaque samedi après-midi, il s'est présenté en passeur de culture pour une jeune comédienne faisant ses premiers pas dans le métier, avide de conseils et de découvrir le monde.

"J'ai plus de 5.000 DVD à la maison, plein de livres (...). On parle de livres, de films, de voyages, de son école, de mes projets", a-t-il soutenu.

- "Reconstruction" -

De manière constante, de sa première prise de parole publique au premier procès électrique de décembre 2024, Adèle Haenel décrit à l'occasion de ces rendez-vous des caresses répétées et non consenties de Christophe Ruggia sur son corps de collégienne.

S'il concède une "souffrance authentique" de la part de l'actrice aujourd'hui âgée de 36 ans, le réalisateur attribue ses accusations à une "reconstruction" mentale postérieure de sa part.

D'après lui, Adèle Haenel, qui avait à l'époque du mal à décrocher un autre rôle après "Les diables", lui en aurait voulu de ne pas pouvoir tourner dans le film suivant qu'il préparait.

"Il y a une reconstruction dans les souvenirs d'Adèle qui va jusqu'à un truc du genre +ouais en fait il voulait coucher avec moi+", a-t-il hasardé. "Elle est dans un milieu lesbien, contre lequel j'ai absolument rien, mais qui a une vision particulière des rapports entre les femmes et les hommes, des violences sexuelles".

En raison du report de l'audience, Adèle Haenel, extrêmement nerveuse et agitée, n'a pas eu l'occasion d'être appelée à la barre vendredi.

En première instance, les démentis répétés du prévenu avaient excédé l'actrice, qui a tourné le dos au monde du cinéma, au point que celle-ci avait interrompu son interrogatoire en hurlant "mais ferme ta gueule !" avant de quitter la salle d'audience.

Dans son jugement de première instance, le tribunal de Paris a estimé que le prévenu avait profité de son "ascendance" sur l'actrice débutante, "conséquence de la relation instaurée" pendant le tournage du film "Les diables".

À l'occasion des rendez-vous hebdomadaires à son domicile, Christophe Ruggia "continuait d'exercer son autorité de réalisateur, (l'adolescente) n'était pas en mesure de s'opposer ni de s'extraire de cette emprise", ont estimé les juges.

Après son rôle le plus marquant dans "Portrait de la jeune fille en feu" (2019) de la réalisatrice Céline Sciamma, devenue une œuvre féministe et lesbienne de référence, Adèle Haenel a rompu avec le 7e art à partir de 2020 pour se consacrer au théâtre et au militantisme de gauche radicale.