Adolescentes prostituées: treize condamnations, 14 ans de prison pour le cerveau information fournie par AFP 10/10/2025 à 16:53
Treize membres d'un réseau de prostitution ont été condamnés vendredi par le tribunal correctionnel de Toulouse, qui a prononcé une peine de 14 ans de prison contre le cerveau qui opérait depuis sa cellule et recrutait des adolescentes de 14 à 16 ans.
Les douze autres membres du réseau, âgés d'une vingtaine d'années, ont été condamnés à des peines allant de 2 à 6 ans d'emprisonnement, en fonction de leur degré d'implication dans cette organisation qui prostituait des jeunes filles placées ou suivies par l'Aide sociale à l'enfance (ASE).
L'un des quatorze prévenus a été relaxé à l'issue du procès qui avait débuté lundi. Huit mineurs membres du réseau seront jugés ultérieurement par le tribunal pour enfants.
L'enquête a permis d'établir que les proxénètes avaient organisé des voyages pour prostituer les adolescentes à Paris, en Suisse et en Belgique, avec l'objectif de profiter de législations plus favorables.
Le principal prévenu, Olivier Habchi Hamadouche, 29 ans, avait déjà été condamné dans une autre affaire à 25 ans de réclusion criminelle pour des faits d'enlèvement et séquestration suivis de mort.
Mercredi, le procureur avait requis vingt ans, maximum de la peine encourue devant un tribunal correctionnel en état de récidive, contre cet individu surnommé Mowgli, qui a créé et dirigé le réseau depuis sa cellule de prison à Béziers.
"Mettez-moi une peine, je la mérite. Mais je ne mérite pas vingt ans", avait-il lancé plus tôt vendredi depuis le box, lors de sa dernière prise de parole devant le tribunal.
- "Polytraumatisées" -
Il se serait enrichi d'au moins 100.000 euros de juillet 2023 à janvier 2024, période retenue par le tribunal, selon les estimations des enquêteurs. Le tribunal l'a condamné à 50.000 euros d'amende et à verser des sommes aux victimes au titre du préjudice moral.
Le réseau a été démantelé par les gendarmes de la section de recherche de Toulouse.
Quatre adolescentes se sont constitué partie civile sur les -au moins- dix victimes identifiées lors de l'enquête.
Certaines recevaient entre 20 et 30 clients par jour, elles étaient "polytraumatisées" selon le représentant du ministère public M. Lamouille.
"La responsabilité des uns et des autres a été reconnue. C'est une décision un peu du milieu. Car on aurait envie de dire que pour des faits aussi graves, aucune peine n'est suffisante", a estimé Me Jonathan Bomstain, avocat d'une partie civile.
- "Comme une entreprise" -
"Ces jeunes filles n'ont jamais perdu leur dignité. On a fini la première étape. Elles sont reconnues victimes et c'était très important qu'elles le soient, pour qu'elles puissent ensuite le comprendre", a pour sa part déclaré Me Tabatha Merlateau, autre avocate d'une victime.
Pour Me Guillaume Léguevaques, lui aussi avocat de partie civile, "il est nécessaire de poursuivre l'effort judiciaire afin que chacun prenne la mesure de ce que subissent les victimes, en particulier lorsqu'elles sont jeunes et vulnérables".
Une des victimes, qui n'avait que 15 ans, a assuré aux enquêteurs avoir été séquestrée alors qu'elle ne voulait plus continuer à se prostituer.
Plusieurs membres du réseau, dont son chef, avaient réfuté toute forme de contrainte. "Franchement ça m'a plu, c'était comme une entreprise", a déclaré devant le tribunal correctionnel le chef du réseau, "je suis un commercial. Le proxénétisme, c'est de l'amour, les personnes étaient consentantes".
"La femme est payée, ce n'est pas un viol", "vous voulez me faire passer pour un monstre", a-t-il encore dit à la barre durant le procès.
Les victimes du réseau "sont des jeunes filles qui sont dans la précarité émotionnelle, sociale, psychologique", a déclaré devant le tribunal une enquêtrice de la gendarmerie.
Le procureur Tristan Lamouille a souligné qu'il s'agissait d'adolescentes "en difficulté psychologique" du fait de leurs parcours personnels, des victimes comme l'on en retrouve désormais dans de nombreux dossiers du même type, égrainant pour en témoigner plus de 80 prénoms cités dans des procédures similaires, rien qu'en région toulousaine, ainsi que leur âge, de 12 à 17 ans.
L'exploitation sexuelle des mineures est en pleine croissance en France, où les condamnations de proxénètes se multiplient. Dans le pays, les associations estiment à au moins 15.000 voire plus de 20.000 le nombre de mineurs, essentiellement des jeunes filles, en situation de prostitution.