Accorder une victoire à la gauche sur la taxation des ultra-riches, seul remède à la censure pour le nouveau gouvernement ? information fournie par Boursorama avec Media Services 12/09/2025 à 15:21
"La taxe est plébiscitée dans tous les électorats (...) Il ne reste qu'un blocage, il est du côté du chef de l'État", assure l'économiste Gabriel Zucman, dont la taxe eponyme prévoit une taxation des patrimoines de plus de 100 millions d'euros.
Le centre et la droite semble s'être fait à l'idée qu'accepter une taxation plus importante des ultra-riches permettrait à une gouvernement d'échapper à la censure de la gauche. Sans pour autant aller jusqu'à l'instauration de la taxe Zucman, mesure phare brandie par les socialistes.
Le 20 février 2025, en plein débat à l'Assemblée nationale sur la taxe de l'économiste Gabriel Zucman, le député macroniste Sylvain Maillard s'exclame : "Une telle taxation est confiscatoire ! Elle n'a aucun intérêt, pire, elle est dangereuse" . Six mois plus tard, au lendemain de la chute du gouvernement Bayrou, l'élu reconnaît dans les colonnes du Figaro la nécessité de "lâcher" à la gauche "une victoire symbolique sur l'imposition des plus fortunés" .
Pourtant la macronie, dont l'une des premières mesures avait été de supprimer l'impôt sur la fortune (ISF), était il y a peu encore farouchement opposée à toute hausse d'impôt dans le budget 2026. L'idée d'une contribution sur les très hauts patrimoines, "fait clairement son chemin", admet le député macroniste Charles Sitzenstuhl. Pour Renaissance, "ce sont des évolutions idéologiques profondes qui ne sont pas anodines, mais la situation politique l'exige" pour "éviter une nouvelle censure".
Face à un Rassemblement national (RN) désormais fixé sur un objectif de dissolution, les socialistes se retrouvent au centre des négociations pour la survie du nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu. Fin août, le PS a présenté un projet de contre-budget reposant en grande partie sur la taxe Zucman, impôt plancher de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, que le chef des députés PS Boris Vallaud a présentée comme "fondamentale".
Pour justifier de jouer le jeu du gouvernement en se détachant du reste de la gauche, le PS a besoin d'"un gain qu'ils puissent mettre en scène ", souligne une ministre démissionnaire. L'imposition des hauts revenus s'impose peu à peu comme le point de rencontre possible. "Pour la macronie, c'est plus facile de lâcher sur Zucman que sur les retraites" , estime un député de droite.
Taxe Zucman "édulcorée"
Sentant son moment, l'économiste truste l'espace médiatique. "La taxe est plébiscitée dans tous les électorats", martèle-t-il au Monde . "Les partis le savent (...) Il ne reste qu'un blocage, il est du côté du chef de l'État." Emmanuel Macron serait-il prêt à céder ? Pour un ancien ministre macroniste, la déclaration d'ouverture du député Maillard montre qu'il y "a eu un échange avec l'Élysée qui lui a dit: Oui, tu peux avancer en ce sens." Surtout, "cette fois-ci, le président a vraiment envie d'aider son Premier ministre" en se montrant prêt à des concessions, ajoute-t-il.
Le président LR du Sénat Gérard Larcher a redit jeudi son opposition à la taxe Zucman, qu'il estime, comme d'autres, notamment inconstitutionnelle. Il a rappelé que les sénateurs l'avaient rejetée en juin, après son adoption à l'Assemblée. Malgré tout, une dizaine de députés de la droite et du centre interrogés par l' AFP se disent désormais prêts à mettre à contribution les ultra-riches face aux économies à trouver. Le LR Julien Dive est ainsi contre une taxe Zucman "en l'état", mais pourquoi pas "édulcorée". On peut "faire quelque chose de symbolique, mais ne pas être excessif" , estime aussi Henri Alfandari (Horizons).
Tout le débat se concentre sur la question de l'assiette, les macronistes souhaitant exclure "l'outil de production" du calcul. En résumé, "si vous possédez LVMH et une Rolex dans votre fortune on compte la Rolex, mais pas les actions LVMH. Parce qu'on considère que c'est un outil industriel français", explique le ministre pré-cité, convenant que les recettes seraient alors bien moindres.
La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a d'ailleurs déjà travaillé sur "plusieurs options" alternatives, comme "des mécanismes de lutte contre la suroptimisation fiscale" .
Mais pour le PS, cette fois, pas question de céder le terrain, après les négociations peu fructueuses sur les retraites lors du budget 2025. Moins timoré qu'il y a quelques moins face au risque d'une nouvelle dissolution, ils font monter les enchères. "On ne va pas participer à une parodie de négociation où on irait pendant des semaines (...) pour qu'à la fin, on nous donne une micro-taxe sur les plus riches", a prévenu vendredi sur France 2 le député PS Philippe Brun.