Accord des Vingt-Sept pour accroître les dépenses de défense
information fournie par Reuters 07/03/2025 à 00:57

par Lili Bayer, Andrew Gray et Michel Rose

Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne sont convenus jeudi à Bruxelles d'accroître leurs dépenses de défense et ont promis de continuer à soutenir l'Ukraine, sur fond de craintes accrues provoquées par le revirement des Etats-Unis dans leur politique à l'égard de la guerre avec la Russie.

"Nous avons montré aujourd'hui que l'Union européenne relevait le défi, construisait l'Europe de la défense et se tenait aux côtés de l'Ukraine", a déclaré le président du Conseil européen, Antonio Costa.

Les dirigeants européens ont salué le plan de "réarmement" présenté deux jours plus tôt par la Commission européenne, qui vise à mobiliser 800 milliards d'euros dont 150 milliards d'euros via un emprunt commun, pour muscler les capacités des Vingt-Sept en matière de défense.

Dans une déclaration commune, les Vingt-Sept ont demandé à leurs gouvernements respectifs d'examiner en urgence les mesures proposées par l'exécutif européen.

"L'Europe doit relever ce défi, cette course à l'armement. Et elle doit la gagner", a déclaré le Premier ministre polonais, Donald Tusk, au cours de ce sommet extraordinaire sur la défense et l'Ukraine.

En tant que bloc, l'UE est "vraiment capable de remporter toute confrontation militaire, financière, économique avec la Russie", a ajouté l'ancien président du Conseil européen. "Nous sommes tout simplement plus forts".

Le président français Emmanuel Macron, qui a estimé mercredi que la Russie représentait une menace pour la France et pour l'Europe, a déclaré qu'il ne s'agissait que d'une première étape.

"Quoi qu'il advienne en Ukraine, nous avons besoin d'augmenter nos capacités de défense et nous avons besoin de bâtir, sur les quelques années qui viennent, des capacités de défense autonomes pour les Européens", a dit Emmanuel Macron à l'issue du sommet.

SOUTENIR L'UKRAINE

Les dirigeants l'UE ont également réaffirmé leur soutien à l'Ukraine dans une déclaration à laquelle la Hongrie ne s'est pas jointe. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban est proche de Donald Trump et a maintenu des liens avec le président russe Vladimir Poutine.

Ils ont souligné dans cette déclaration à Vingt-Six qu'il ne pouvait y avoir aucune négociation sur l'Ukraine sans l'Ukraine - une référence aux pourparlers bilatéraux ouverts par les Etats-Unis avec la Russie - et ils ont promis de continuer d'envoyer des aides à Kyiv, alors que Washington a gelé cette semaine ses aides militaires et son partage de renseignements.

"Nous sommes là pour défendre l'Ukraine", a dit Antonio Costa alors qu'il accueillait avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le président ukrainien, Volodimir Zelensky.

Reste que les décennies de dépendance à la protection américaine, les divergences sur les financements de défense et les interrogations sur la manière dont l'UE pourrait utiliser le "parapluie nucléaire" français mettent en exergue à quel point il pourrait être compliqué pour l'Europe de combler tout vide sécuritaire laissé par les Etats-Unis.

Cette difficulté est illustrée également par la question de l'aide militaire à l'Ukraine. Washington a fourni l'an dernier plus de 40% de l'aide militaire à Kyiv, selon des données de l'Otan, et le fossé sera difficile à combler pour les Européens.

"Nous devons nous assurer, en gardant la tête froide et avisée, que le soutien des Etats-Unis sera également garanti au cours des mois et années à venir, parce que l'Ukraine dépend également de leur soutien pour sa défense", a déclaré le chancelier allemand sortant, Olaf Scholz.

DISSUASION NUCLÉAIRE?

Le président français a proposé également un "débat stratégique" sur la protection des alliés européens par la dissuasion nucléaire de la France, une idée accueillie avec mesure par ses homologues européens.

Certains pays, comme la Lituanie ou la Pologne, ont jugé l'idée d'Emmanuel Macron comme "très intéressante" et qu'elle "valait la peine d'être étudiée", alors que d'autres, comme la République Tchèque, ont estimé que ce débat était "prématuré".

Si deux pays européens - France et Grande-Bretagne - sont dotés de l'arme nucléaire, la première force de dissuasion de la plupart des pays du continent relève des Etats-Unis, un symbole de la solidarité transatlantique depuis des décennies.

Toutefois, le virage radical opéré à Washington par Donald Trump préoccupe les esprits européens, alors que le président américain, revenu au pouvoir le 20 janvier, a adopté un ton conciliant avec la Russie et fait pression sur l'Ukraine pour accepter les conditions américaines en vue d'un accord de paix.

(avec Andreas Rinke, Jan Strupczewski, Tiffany Vermeylen, Jason Hovet, Alan Charlish, Charlotte Van Campenhout, Makini Brice et Dominique Vidalon, rédigé par Ingrid Melander; version française Camille Raynaud)