A Cergy-Pontoise, la gendarmerie traque les incendies criminels grâce à la science
information fournie par AFP 13/08/2025 à 08:27

Le major de gendarmerie Christophe Briffa (à droite) et la capitaine Marion Payet manipulent des échantillons de bois brûlé à l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), à Cergy-Pontoise le 12 août 2025 ( AFP / STEPHANE DE SAKUTIN )

Sous la lumière froide du laboratoire, le major Christophe Rémillon ajuste sa blouse blanche et enfile ses gants de latex bleus avant de manipuler des échantillons de terre calcinée et de charbon de bois, prélevés sur les lieux d'un incendie pour analyse.

Sur "un feu en espace naturel, on reçoit généralement ce type de prélèvements: de la terre et des résidus de végétaux partiellement calcinés ou encore des reliquats de morceaux de bois brûlés", détaille le major, expert de la branche criminalistique en incendie de la gendarmerie nationale depuis 20 ans.

C'est dans les couloirs feutrés de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), à Cergy-Pontoise (Val-d'Oise), que ce spécialiste officie au sein du laboratoire du département environnement, incendies et explosifs, composé d'une équipe de 22 personnes dont six entièrement dédiées aux enquêtes sur les incendies.

"Au laboratoire, notre rôle va être de rechercher l'éventuelle présence de produits accélérants (...) souvent un liquide inflammable. Et si on arrive à caractériser la présence de tels produits dans les prélèvements qui nous sont confiés alors on peut étayer le caractère criminel de l'incendie", explique-t-il.

Un échantillon de bois brûlé à l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), à Cergy-Pontoise, le 12 août 2025 ( AFP / STEPHANE DE SAKUTIN )

Pour cela, la première étape consiste à rechercher les produits très volatils en chauffant les prélèvements à haute température, en recueillant les gaz libérés, analysés ensuite par "chromatographie en phase gazeuse", une technique permettant de séparer des molécules d'un mélange gazeux.

Après analyse dans un spectromètre de masse permettant d'identifier les molécules, l'empreinte chimique obtenue peut ainsi révéler la présence d'accélérants.

Une seconde phase cible les "produits plus lourds" (huiles végétales, lubrifiants, fiouls domestiques, etc.) grâce notamment à l'utilisation de solvants.

Ces derniers jours, le laboratoire est au cœur de l'enquête sur l'incendie qui a ravagé 16.000 hectares la semaine dernière dans le massif des Corbières, dans l'Aude, "un département souvent rattrapé par l'actualité", souligne le lieutenant-colonel Dominique Bousquet, chef de la division criminalistique physique et chimie.

- Equipe cynophile -

Avant d'arriver sur les paillasses immaculées du laboratoire, l'enquête débute d'abord sur le terrain, insiste le major Rémillon, par la délimitation de la zone de départ du feu où des techniciens en identification criminelle effectuent des prélèvements, en collaboration avec des experts pompiers et forestiers.

Le major de gendarmerie Christophe Briffa manipule des échantillons de bois brûlé à l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), à Cergy-Pontoise ( AFP / STEPHANE DE SAKUTIN )

Sur certains incendies, l'enquête mobilise également des équipes cynophiles spécialisées, comme ce fut le cas ce weekend dans l'Aude. "Certains techniciens travaillent avec des chiens dressés pour détecter des produits accélérants", explique le major Rémillon qui s'est rendu sur place.

Les canidés interviennent "notamment sur des grands espaces". "Si le chien marque un point, des prélèvements sont réalisés et envoyés au laboratoire. Nous déterminons alors s'il s'agit de produits suspects et, le cas échéant, si cela peut indiquer un incendie volontaire", précise-t-il.

Au terme d'analyses pouvant durer de quelques heures à plusieurs jours, un rapport est rédigé, exposant les conclusions, les tests réalisés, ainsi que leurs implications pour la poursuite de l'enquête.

Entouré par plusieurs dizaines de prélèvements scellés issus d'enquêtes en cours, le major Rémillon explique que si un "produit suspect" est finalement détecté, "il faut en déterminer la nature, son rôle possible dans le déclenchement du feu, et s'il est légitime à l'endroit où il a été trouvé. L'ensemble de ces éléments peut permettre de confirmer -ou d'infirmer- une intention criminelle", conclut-il.

Dans le cas de l'incendie de l'Aude, désormais maîtrisé, l'origine humaine est toujours "envisagée à l'heure actuelle" et les investigations se poursuivent. "Pour l'instant, aucun élément ne permet d'affirmer s'il est d'origine criminelle ou non. Il faut encore déterminer s'il s’agit d'un acte volontaire ou d'une négligence", souligne le major.

L'activité de son service est soutenue: l'an dernier, environ "1.000" dossiers lui ont été confiés, dont 60 à 70% étaient liés à des incendies. Et si "neuf feux sur dix" sont d'origine humaine, environ "40%" d'entre eux sont volontaires, rappelle-t-il.