A Cagnac-les-Mines, la maison inachevée des Jubillar, au coeur du procès
information fournie par AFP 21/09/2025 à 09:55

La maison de Delphine et Cédric Jubillar, à Cagnac-les-Mines, dans le Tarn, le 6 mars 2025 ( AFP / Lionel BONAVENTURE )

Au milieu des ronces, des bidons rouillés et des jouets d'enfants épars, la maison inachevée des Jubillar, possible scène de crime, cristallisait les tensions du couple, au point d'apparaître comme un mobile potentiel du meurtre présumé de Delphine.

Perchée sur un talus d'herbes folles, la maison de briques orange détonne au coeur d'un lotissement coquet de Cagnac-les-Mines, à quelques kilomètres d'Albi, où se tient à partir de lundi le procès pour meurtre sur conjoint de Cédric Jubillar.

Au 19 rue Yves Montand, les murs n'ont pas de crépi, le balcon n'a pas de rambarde et l'habitation n'a plus d'occupant depuis que la mère de famille Delphine a disparu dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, que son mari a été écroué six mois plus tard et que les deux enfants ont été placés chez leur tante.

Seul signe glaçant du drame qui s'est peut-être noué ici, un petit mémorial de bougies et de fleurs en plastique poussiéreuses réclame "Justice et vérité pour Delphine, Louis et Elyah".

Près de cinq ans après la disparition, la photo de la jeune infirmière, dont le corps n'a jamais été retrouvé, y trône encore, dégradée et écornée par les intempéries.

La maison de Delphine et Cédric Jubillar, le 13 décembre 2022 à Cagnac-les-Mines, dans le Tarn ( AFP / Charly TRIBALLEAU )

"Elle ne supportait pas de vivre là", raconte Philippe Pressecq, avocat de Lolita, la cousine et confidente de Delphine. "Comment peut-on construire dans un environnement qui n'est pas construit ?", demande-t-il à l'AFP.

Avec des "trous" et des câbles partout, "il y a des choses dans cette maison qui parlent de folie", ajoute l'avocat des parties civiles qui n'a "jamais vu une maison comme çà, abracadabrante, surtout quand celui qui l'a construite est du métier".

La jeune femme, qui entretenait une relation extraconjugale et avait demandé le divorce, avait confié à ses proches son "ras-le-bol" de vivre dans une maison en travaux depuis des années alors que son mari peintre-plaquiste avait promis de la finir.

- "Beyrouth" -

Cette propriété, les proches voisins l'appelaient "Beyrouth", selon la presse locale, tant les gravats et autres déchets s'y amoncelaient.

Un portrait de Delphine Jubillar, et des fleurs et bougies déposées devant sa maison à Cagnac-les-Mines, dans le Tarn, le 6 mars 2025 ( AFP / Lionel BONAVENTURE )

Olga Cailhol, dont la terrasse fait face à la maison inachevée, "aurait aimé" que le jardin des Jubillar soit "nettoyé. "On a demandé à la municipalité. Ils ne peuvent pas. C'est interdit", dit-elle à l'AFP.

La maison placée sous scellés est devenue lieu de perquisitions à l'annonce de la disparition, puis de reconstitutions pendant l'instruction.

"Le moment où on est rentrés dans la maison (pour la reconstitution criminelle), Cédric Jubillar a eu une espèce de fléchissement, il a blêmi", se souvient Me Pressecq. "On s'est même demandé s'il n'allait pas craquer et avouer qu'il l'avait tuée", ajoute l'avocat, pour lequel "il n'y a aucun doute, c'est la scène du crime".

- "Obsession" -

Pour l'accusation, cette maison, que l'ouvrier en bâtiment allait perdre avec le divorce, pourrait être aussi l'un des mobiles du crime dont il est accusé.

La maison de Delphine et Cédric Jubillar, le 19 décembre 2021 à Cagnac-les-Mines, dans le Tarn ( AFP / FRED SCHEIBER )

Informé début décembre 2020 de la volonté de Delphine d'accélérer son départ, Cédric était obsédé par le devenir de la maison, vouée à la vente, qu'il avait construite de ses mains, selon des documents judiciaires.

Sa mère a parlé de son "obsession" sur la question du versement d'une soulte pour rembourser à Delphine sa part de la maison. Mais la situation professionnelle et financière ne le lui permettait pas.

"C'est une maison qui appartenait à Cédric Jubillar parce qu'il était propriétaire du terrain", rappelle son avocat Alexandre Martin.

"Et il eut fallu, s'il voulait la garder, qu'il indemnise Delphine Jubillar, mais à hauteur de ce qui avait été remboursé, c'est-à-dire pas grand-chose pour l'instant", affirme-t-il à l'AFP.

L'accusé qui clame son innocence "aurait fini de la retaper pour la revendre et que chacun puisse rentrer dans ses billes", insiste encore son avocat, qui assure que la maison ne peut pas être "le moteur du crime qu'on lui impute".