7-Octobre: tensions entre l'armée et le pouvoir en Israël, Netanyahu accusé de se dédouaner
information fournie par AFP 26/11/2025 à 18:42

Un manifestant costumé comme Donald Trump tient une marionnette de Benjamin Netanyahu lors d'une manifestation en faveur de l'établissement d'une commission d'enquête nationale sur le 7-Octobre le 15 Novembre 2025 à Tel-Aviv. ( AFP / Jack GUEZ )

Les tensions montent en Israël entre le pouvoir politique et l'armée autour d'enquêtes sur le 7 octobre 2023, le Premier ministre Benjamin Netanyahu étant accusé de fuir ses responsabilités dans l'échec des autorités à voir venir et empêcher l'attaque la plus meurtrière qu'ait connue le pays.

Emblématiques de la colère d'une partie de l'opinion, des manifestations hebdomadaires rassemblent des milliers d'Israéliens appelant à la démission de M. Netanyahu, qui cumule plus de 18 années au pouvoir depuis 1996.

Selon des sondages, plus de 70% des Israéliens souhaitent la création d'une commission nationale d'enquête pour établir les responsabilités dans les défaillances ayant permis au mouvement islamiste palestinien Hamas de percer la barrière réputée inviolable érigée autour de la bande de Gaza, et de semer la mort dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023.

Les commissions nationales d'enquête n'ont rien d'exceptionnel en Israël. Celle mise sur pied après la guerre israélo-arabe d'octobre 1973, où le pays avait été pris par surprise par une attaque conjuguée de l'Egypte et de la Syrie, avait mené à la démission du Premier ministre Golda Meir en 1974.

Selon la loi, la décision de créer une commission d'enquête d'Etat revient au gouvernement, mais ses membres doivent être nommés par le président de la Cour suprême, institution que M. Netanyahu et ses alliés accusent de lui être intrinsèquement hostile.

Plus de deux ans après le début de la guerre déclenchée par le Hamas, aucune commission nationale d'enquête n'a été créée et M. Netanyahu a encore repoussé l'idée le 10 novembre devant les députés.

"Netanyahu n'assume la responsabilité de rien, c'est toujours la faute de quelqu'un d’autre", note Yossi Mekelberg, spécialiste du Moyen-Orient au cercle de réflexion Chatham House de Londres.

- "Outil politique" -

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'une rencontre avec le vice-président américain à Jerusalem le 22 octobre 2025. ( POOL / Nathan HOWARD )

"L'idée que deux ans plus tard, il n'y ait aucune enquête, et qu'il essaie d'y échapper: la plupart des Israéliens ne l'acceptent pas", dit-il à l'AFP.

Dimanche, l'armée a annoncé plusieurs limogeages dans le cadre de sanctions contre une douzaine de hauts gradés pour leur responsabilité de commandement en lien avec le 7-Octobre.

Ces mesures découlent des conclusions du rapport d'un comité d'experts mandaté par le chef d'état-major, le général Eyal Zamir.

En présentant les conclusions de ce rapport le 10 novembre, le jour même où M. Netanyahu déclarait devant les députés ne pas vouloir d'une commission d'enquête qui serait un "outil politique" aux mains de ses adversaires, M. Zamir avait appelé à une "enquête systémique" sur le 7-Octobre.

Selon des médias israéliens, ces propos ont été vécus comme une trahison par M. Netanyahu dont le général Zamir a été le conseiller militaire.

Lundi, le ministre de la Défense Israël Katz a annoncé avoir ordonné un réexamen des enquêtes internes de l'armée.

Le chef d'état-major de l'armée israélienne, le général Eyal Zamir, prend la parole lors des funérailles du lieutenant Hadar Goldin, tué à Gaza en 2014 et dont la dépouille a été rapatriée en Israël en novembre, le 11 novembre 2025 au cimetière de Kfar Saba. ( POOL / Abir SULTAN )

La réponse du général Zamir n'a pas tardé. Jugeant "déroutante" la décision du ministre, il a souligné que l'armée était "la seule institution [...] à avoir enquêté de manière approfondie sur ses propres défaillances et à en avoir assumé la responsabilité".

"Si un complément d'enquête est nécessaire, il doit prendre la forme d'une commission externe, objective et indépendante" examinant aussi les responsabilités des politiques, a-t-il ajouté.

- "Yes-man" -

M. Katz est perçu par le public israélien comme "un loyaliste politique, un 'yes-man' qui s'écarte rarement de Netanyahu", commente Michael Horowitz, analyste indépendant.

Ces frictions entre le politique et l'armée ne sont pas nouvelles en Israël, mais là, le "conflit dépasse les questions de personnalité", dit-il à l'AFP: "Il est lié à la bataille autour de qui portera la responsabilité du 7-Octobre, et à la manière dont cette responsabilité doit être déterminée."

Pour M. Netanyahu, l'affaire est entendue : pas de commission nationale d'enquête, en tout cas pas avant la fin de la guerre.

Des manifestants israéliens demandent la tenue d'une commission d'enquête nationale sur le 7-Octobre lors d'un rassemblement à Tel-Aviv le 8 novembre 2025. ( AFP / Jack GUEZ )

A la place, le gouvernement a annoncé mi-novembre la création d'une commission d'enquête "indépendante" sur le 7-Octobre... dont les membres doivent être choisis par des ministres.

Cette décision a suscité la colère en Israël, et des milliers de manifestants ont défilé samedi à Tel-Aviv pour réclamer la mise en place d'une commission nationale d'enquête.

"Cette commission doit être objective", a dit à l'AFP Eliad Shraga, président du Mouvement pour la probité du pouvoir, "elle doit vraiment établir comment un tel échec, une telle crise, ont pu se produire".

Sous le feu des critiques de l'opposition et d'une bonne partie de l'opinion publique, M. Netanyahu n'a jusque-là jamais reconnu la moindre responsabilité dans les défaillances ayant conduit au samedi noir d'octobre 2023.

Pour M. Horowitz, "il a un intérêt évident à éviter toute reconnaissance de responsabilité [car cela] signifierait quitter ses fonctions, avant la fin de son mandat ou juste après."

M. Netanyahu a déjà annoncé qu'il serait candidat aux prochaines élections, devant avoir lieu au plus tard fin 2026.