3 QUESTIONS A-Vers un effort budgétaire moindre en France, sans panique sur les rendements-Nomura information fournie par Reuters 09/09/2025 à 11:36
Les opérateurs de marché, qui avaient déjà intégré la chute du gouvernement Bayrou dans les rendements des obligations souveraines de la France, pourraient réduire la prime de risque sur les OAT françaises face aux Bund allemands malgré une consolidation budgétaire moins importante qu'espéré, estime Marine Mazet, stratège taux chez Nomura.
1 / Comment expliquer la hausse modérée des rendements obligataires français après la chute du gouvernement Bayrou ?
Marine Mazet - "La majorité des investisseurs et analystes partageait comme scénario central la chute du gouvernement de François Bayrou. Maintenant se pose la question de la nomination d’un nouveau Premier ministre ou d’une dissolution de l’Assemblée nationale. Ce qui est vraiment dans les prix, et qui semble être la solution envisagée par le président, c’est un nouveau Premier ministre : c’est donc le statu quo sur les marchés.
"Au-delà de cela, on observe dans les mouvements historiques que les rendements de l’OAT performent assez bien lors des stress politiques significatifs sur les marchés une fois le pic d’informations passé."
2 / La période pourrait-elle finalement s’avérer positive pour les rendements ?
Marine Mazet - "Le statu quo repose sur la nomination d’un Premier ministre issu du centre qui devra tendre la main aux socialistes, supposant donc que l’effort budgétaire sera moins important de quelques milliards d’euros. Un tel scénario pourrait, à court terme, permettre à la différence de rendement entre les obligations allemandes et françaises à 10 ans de se resserrer un petit peu sans nécessairement que le rendement de l’OAT diminue en valeur absolue.
"A long terme, il y a cette fragmentation politique qui empêche une consolidation fiscale sérieuse et retarde ainsi la trajectoire de réduction du déficit. Il faudra donc émettre plus de dette, la prime de terme se reconstruira plus vite que dans d'autres pays de la zone euro, avec une pentification de la courbe des taux. Si les investisseurs peuvent être tactiques à court terme sur la dette française, leur positionnement reste globalement structurellement négatif sur l’OAT."
3/ Des scénarios catastrophes sont-ils envisageables ?
Marine Mazet - "Un nouveau Premier ministre issu de la gauche pourrait être plus ‘bearish’ (négatif) sur les OAT en remettant en lumière les risques fiscaux. L’autre possibilité, celle d’une dissolution de l’Assemblée nationale, raviverait tous les scénarios à risque qui ont une faible probabilité mais des conséquences majeures : un Premier ministre d’extrême droite ou d’extrême gauche pourrait amener les rendements beaucoup plus hauts. Finalement, en restant prudent, on peut estimer que le spread devrait se maintenir autour des 80 points environ, et pourrait atteindre les 90 points en cas de dissolution.
"Le seuil des 100 points me semble d’autant moins probable que le marché a déjà intégré que le note de crédit la France devrait être abaissée par les agences de notation, la fragmentation parlementaire s’installer et la consolidation fiscale moins importante qu’espéré. Pour que le spread s’écarte autant, il faudrait que des investisseurs étrangers vendent massivement des OAT ou qu’une banque soit obligée de recapitaliser sa position en OAT."
(Propos recueillis par Bertrand De Meyer, édité par Blandine Hénault)