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Acheter un bien immobilier est souvent un parcours semé d'embûches. Encore plus lorsque l'acquéreur est atteint d'un cancer du sein.
« Pas à vendre aux femmes ayant eu un cancer du sein ». Le groupe CNP Assurances, une filiale de la Banque Postale, a créé une fausse annonce choc pour sensibiliser les gens sur les difficultés rencontrées par les femmes ayant surmonté un cancer du sein pour acheter un bien immobilier. Une annonce diffusée durant tout le mois d'octobre, à l'occasion d' octobre rose , un mois de mobilisation autour de cette maladie. En 2023, en France, on estime à 61.214, le nombre de nouveaux cas de cancers du sein, soit une augmentation de 0,3 % par an depuis 2010, comptabilise le site de l'Assurance maladie, Ameli.fr.
Acheter un bien immobilier est bien souvent un parcours semé d'embûches pour ces femmes touchées par la maladie . « La première problématique c'est que ce sujet est tabou. En tant que courtier, on a besoin de savoir à quelle date les femmes atteintes d'un cancer du sein ont terminé leur chimiothérapie, si elles sont en rémission ou non. Elles bénéficient du droit à l'oubli à partir de 5 années de rémission si elles ne sont pas en rechute et que le protocole est terminé. Souvent, elles ne nous parlent pas de leur maladie. Il y a une forme de gêne de dire qu'elles ont été malades », explique Charlotte Jehenne, courtière chez Pretto.
Une autocensure
Les anciens malades d'un cancer étaient obligés de déclarer leur maladie dans les questionnaires de santé, même après leur rémission, pendant de longues années. Ce questionnaire médical a été supprimé pour les prêts immobiliers inférieurs à 200.000 euros par tête et dont la fin de remboursement du crédit a lieu avant le 60e anniversaire de l'emprunteur. « Notre travail est de faire en sorte de baisser la quotité d'assurance pour passer sous la barre des 200.000 euros d'emprunt par personne. Nos courtiers dirigent les clients vers des banques et des assurances où l'on sait que les formalités de santé ne sont pas intrusives », rassure Charlotte Jehenne.
Depuis 2006, les anciens malades bénéficient aussi d'un droit à l'oubli, après la fin d'un protocole thérapeutique, en l'absence de rechute. Le délai de ce droit à l'oubli a été réduit de 10 à 5 ans, dans le cadre de la loi Lemoine, en 2022. Le groupe CNP a lancé en mars dernier une assurance de prêt sans surprimes ni réductions de garanties , et ce, dès la fin du protocole thérapeutique et sans attendre le délai légal de 5 ans du droit à l'oubli. Malgré l'existence du droit à l'oubli, certaines personnes atteintes du cancer du sein s'autocensurent. « Une femme de mon entourage n'ose pas faire renégocier son contrat d'assurance emprunteur. Elle coche toutes les cases et peut bénéficier du droit à l'oubli mais elle n'ose pas, par crainte que cela ne passe pas alors qu'elle est en rémission depuis 7 ans », souligne Charlotte Jehenne.
La propriété comme sécurité
Audrey a été diagnostiquée en juin 2021, un peu avant le vote de la loi Lemoine. « Nous étions locataires à ce moment-là, ce qui nous offrait une certaine flexibilité pour changer d'endroit régulièrement. Mais quand j'ai été diagnostiquée, je me suis rendu compte de l'insécurité de cette situation pour ma famille. Si j'avais déjà acheté, l'assurance emprunteur aurait pris en charge le crédit pendant mon arrêt maladie, là en étant locataire, j'exposais mon mari et notre enfant. Si je ne m'en sors pas, ma famille perdra une compagne, une mère et à cela s'ajoutera une certaine précarité financière, voilà ce que je me disais », confie Audrey. La loi Lemoine a été adoptée en février 2022 et appliquée en juin.
Dès le mois de juin, Audrey, alors âgée de 39 ans, est allée voir les banques, bien décidée à acheter et à mettre sa famille à l'abri. «Je n'avais pas bonne mine quand j'allais voir les banquiers» , se remémore-t-elle. Audrey a expliqué de manière transparente sa situation et a indiqué vouloir rester sous la barre fatidique des 200.000 euros par personne pour ne pas avoir à remplir de questionnaire de santé. « Les banques ne savaient pas encore comment ça allait être appliqué, comme c'était le lancement de la loi Lemoine. Elles ne nous ont jamais faits d'offre de prê », déplore-t-elle.
Audrey souhaitait souscrire une assurance emprunteur à 40% pour elle et à 60% pour son conjoint qui gagnait un salaire un peu moins élevé que le sien. La quadragénaire est finalement passée par une banque en ligne, qui a accepté de leur octroyer un prêt sans poser plus de questions, et sans questionnaire de santé à remplir. Un mois environ après l'application de la loi Lemoine, le 15 juillet 2022. « J'avais peur jusqu'au dernier moment de recevoir un questionnaire de santé », se souvient avec stupeur l'employée en industrie pharmaceutique recherche et développement cancérologie.
« Nous étions restés loin des 35% de taux d'endettement afin d'être assez larges sur notre capacité d'emprunt. On a choisi une maison en Île-de-France à un prix pas exorbitant pour éviter que les banques creusent trop le dossier. Sans ce souci, on aurait pu acheter une maison plus récente, plus chère, avec moins de travaux à faire nous-mêmes », regrette Audrey. Aujourd'hui, elle est propriétaire et a pu reprendre son travail à temps plein.
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