Ces propriétaires de Saint-Cast-le-Guildo ont opté pour une approche constructive, associant des résidents permanents de la commune bretonne à leurs réflexions. C’est peut-être une recette gagnante. La mairie vient de renoncer à augmenter la surtaxe à 60 %, le taux maximum autorisé.
Saint-Cast-le-Guildo, son port, ses jolies plages, ses vieilles pierres de granit et... sa surtaxe d’habitation. Dans ce bourg breton de 3.450 habitants permanents, situé non loin de Saint-Malo et Dinard, les élus ont décidé, comme dans tant d’autres communes et stations balnéaires françaises , de taxer lourdement les propriétaires de résidences secondaires.
Ici, l’étau financier s’est refermé de manière progressive. Un vrai supplice chinois. Il y a d’abord eu la mise en selle d’une surtaxe en 2024, à un niveau de 30 % voté comme un seul homme l’année précédente par tous les élus municipaux de la majorité et de l’opposition - à l’exception d’une abstention. Puis une hausse à 45 % pour 2025. La facture est salée. « Cette année, je paie 3915 euros au titre de la taxe foncière et de la taxe d’habitation. Si ma maison était une résidence principale, je ne paierai pas plus de 1575 euros », confie Sophie*, un brin agacée.
Élisabeth*, quant à elle, affirme avoir bien du mal à faire face. « Ma taxe d’habitation était de 1600 euros en 2023. Elle est passée à 1950 euros en 2024 et à 2300 euros cette année. J’ai 75 ans. Je suis veuve depuis peu et mes revenus ont beaucoup baissé. La première année, j’ai prêté ma maison à des amis et ils ont payé les charges. Maintenant, je me dis que je vais être obligée de la louer pour faire face aux impôts. J’ai vraiment beaucoup de petits-enfants et je préférerais qu’ils profitent de ma maison.» Ces augmentations passent d’autant plus mal que la commune a beaucoup d’argent. Elle dégage chaque année de très importants excédents sur le budget de fonctionnement. Ils peuvent atteindre jusqu’à 28 %, soit tout de même 2,8 millions d’euros. « La mairie n’a aucun problème d’argent et n’a donc aucune raison de nous taxer tant et plus », lâche un opposant.
Ces derniers ont donc de quoi se plaindre. Mais ils viennent aussi d’échapper in extremis à une nouvelle augmentation. La maire divers droite, Marie-Madeleine Michel, et les autres élus communaux s’étaient engagés à faire grimper la surtaxe à 60 %, le taux maximum autorisé. Ils avaient jusqu’à fin septembre pour cela. Lors du conseil municipal qui s’est tenu ce mardi 9 septembre au soir, la maire a fait savoir qu’elle renonçait et laissait le soin à la prochaine équipe municipale, celle qui sera élue lors des élections de mars 2026, de décider de cette hausse. Bien évidemment, les élections municipales à venir ont pesé.
Une première victoire
Ce renoncement est une première petite victoire pour les propriétaires de résidences secondaires à Saint-Cast-le-Guildo qui bataillent depuis un an contre la surtaxe et se sont mobilisés tout l’été pour éviter une nouvelle augmentation. Furieux et inquiets, ils s’étaient regroupés en collectif à l’automne 2024, avant de créer début 2025 l’association Citoyens castins - c’est ainsi que l’on appelle les habitants de la commune. La structure compterait déjà quelque 250 adhérents payants. Dans l’absolu, elle a de beaux jours devant elle puisque la commune compte tout de même deux tiers de résidences secondaires.
Certes, elle milite pour la suppression pure et simple de la surtaxe. Mais l’état d’esprit des fondateurs se veut bien plus constructif et moins belliqueux que ce qui est observé dans d’autres communes, où les résidents «intermittents» montent dans les aigus sans chercher à identifier les éventuelles voies de passage avec les élus et la population permanente. « On ne veut pas faire comme à Oléron », indique un membre. Le slogan de l’association Citoyens castins donne le ton : « Ensemble, œuvrons pour un Saint-Cast-le-Guildo solidaire, juste et prospère ». De même plus pour le visuel créé pour la pétition récemment lancée et qui a recueilli plus de 400 signatures. On peut y lire : «STOP aux impôts qui divisent Saint-Cast-le-Guildo. OUI à une commune qui rassemble». En raison de l’importante «cagnotte» dont disposerait la mairie du fait des excédents budgétaires à répétition, l’association réclame une baisse de la taxe foncière qui profiterait aussi aux résidents permanents. L’approche est suffisamment nouvelle et habile pour susciter beaucoup de curiosité. Des propriétaires de résidences secondaires mis à l’amende dans les communes de Saint-Malo, Concarneau et Matignon ont décroché leur téléphone pour en savoir plus et peut-être ensuite imiter Citoyens castins.
Parmi les choix à rebours de ce qui est observé ailleurs, il y a aussi la volonté affichée d’ouvrir en grand les portes de l’association aux résidents permanents de la commune. Une dizaine aurait déjà rejoint les rangs des adhérents. Parmi eux, Édouard*. Il a beau ne pas être concerné, il défend bec et ongles la suppression de la surtaxe. Mais pas au point tout de même d’accepter de voir lever son anonymat. « Le problème, c’est la jalousie, la guerre entre les nantis et ceux que l’on appelle les pauvres gens. Mais il n’y a pas de pauvres gens à Saint-Cast. Avant d’être en retraite, j’ai vécu et travaillé en région parisienne. Au début, je vivais à une heure tente de Paris. Avec le temps et avec mes promotions, je me suis rapproché du Graal. C’est la même chose ici, avec le bord de mer et Le Guildo qui est 10 kilomètres plus loin. Cette surtaxe n’est pas justifiée. Si la mairie a besoin d’argent, qu’elle fasse des économies ! » À ce face-à-face parfois difficile entre les supposés les «nantis» et les «pauvres gens», il convient d’ajouter la défiance et le ressentiment de la France des campagnes dite périphérique contre celles des métropoles. Les Parisiens qui viennent passer l’été et les vacances sur place parce qu’ils y ont une maison n’ont pas bonne presse à la mairie. De même pour les Rennais qui sont pourtant des Bretons.
A entendre Jean-Pierre Mortier, 85 ans, membre actif de l’association, la création de cette surtaxe sur les résidences secondaires n’a fait que renforcer les clivages entre résidents principaux et secondaires. « Cette dichotomie est tellement idiote. Il y a une responsabilité de l’État qui a permis cela, mais aussi de la mairie qui a choisi de mettre en œuvre la taxe à Saint-Cast ». « La solution, c’est de parvenir à augmenter la durée de la saison, pour la faire aller de mai à septembre. Et surtout de ne pas retirer, comme le fait la maire tous les ans, à la fin de la saison, les drapeaux et décorations qui sont installées pour l’été. Vous imaginez ce que peuvent ressentir les résidents permanents ? », souligne Edouard*.
Règlement de compte contre l’artisan plombier, également élu municipal
Au sein de l’association, la ligne est la suivante : pas question de mettre de l’huile sur le feu entre les uns et les autres. Et gare à ceux des membres qui emprunteraient ce chemin glissant. L’association a envoyé une lettre d’excuses à un conseiller municipal, plombier de métier. Celui-ci avait été agoni d’injures par un membre, qui lui avait rappelé de manière musclée qu’il devait beaucoup aux habitants « intermittents ». Comme tant d’autres, ce propriétaire avait choisi l’élu plombier pour faire réaliser des travaux dans sa résidence secondaire. Il a vu rouge quand il a appris que l’artisan avait voté en faveur de la surtaxe, mordant donc la main de celui qui le nourrissait.
Si elle tente de canaliser et d’anticiper les tensions éventuelles, l’association met un point d’honneur à faciliter les échanges entre les uns et les autres. Le «Forum castin», une boucle WhatsApp créée initialement à son initiative, est accessible à tous les résidents, secondaires ou principaux, adhérents ou non de l’association. Mardi après-midi, avant le fameux conseil municipal, la discussion était très nourrie, notamment entre Ronan et Xavier, au sujet du coût de la station d’épuration. L’équipement est dimensionné non pas pour les seuls 3450 résidents permanents mais pour faire face au pic de population de l’été, pouvant atteindre jusqu’à 35.000 personnes. « Une infrastructure 10 fois plus petite aurait suffi pour les résidences principales. Dans cet exemple, qui doit payer ? », interrogeait Ronan quand Xavier faisait valoir que les résidences secondaires n’utilisent cet équipement que « quelques semaines par an ».
Peu importe qu’ils ne soient pas d’accord. L’important, c’est qu’ils se parlent, apprennent à se connaître, mesurent les difficultés et les incompréhensions de la partie opposée, estime-t-on au sein de l’association. « Le choix a été fait dès le début d’avoir une démarche constructive. On s’est rendu compte qu’il n’était pas suffisant de dire non à la surtaxe et qu’on ne pouvait pas analyser les choses seulement depuis notre propre bocal», résume le coprésident, René de Laigue. De fait, l’association ne nie pas les problèmes de la commune et des résidents permanents : le déséquilibre entre les résidences secondaires et principales qui plonge la station dans une sorte de léthargie 9 mois sur 12 ou encore le manque de logements et les difficultés qu’ont les locaux à trouver un toit à des tarifs raisonnables. S’ajoute à cela l’emprunt toxique – parce qu’aligné sur la parité de l’euro par rapport au franc suisse - contracté par la commune en 2007 auprès de la banque Dexia et qui lui vaut de devoir payer actuellement quelque 33 % d’intérêts sur les fonds restant à rembourser. Un dossier sur lequel des membres de l’association, anciens cadres dirigeants de la banque et de la finance, ont planché durant des semaines pour trouver des solutions qui permettraient d’en finir avec cette épée de Damoclès , remises à la maire.
Un très mystérieux «plan logement»
Pour autant, il n’est pas question pour eux de prendre pour argent comptant les explications de la première élue, notamment celle selon laquelle la manne de la surtaxe sur les résidences secondaires permettrait de financer un vaste plan en faveur du logement social sur la commune, du moins la préparer à atteindre les 25 % de logements sociaux lorsque la ville dépassera les 3500 habitants et devra donc se conformer à la loi SRU. « Ce plan logement, on ne l’a jamais vu. Et, de toute façon, on ne nous imposera jamais 25 % de logements sociaux du jour au lendemain », réagit Christophe Marechal, l’autre coprésident de l’association. Avant de songer à créer des logements, il faudrait aussi mettre en place une véritable politique en faveur développement économique de la station, qui pour l’heure est en panne.
Grâce à cette association, ses membres entendent devenir et être considérés comme des acteurs à part entière dans les choix qui seront faits pour l’avenir de Saint-Cast-le-Guildo. Certains ont, d’ailleurs, décidé de s’inscrire sur les listes électorales de Saint-Cast-le-Guildo afin d’y voter en 2026. D’autres y songent très sérieusement. D’autres encore pourraient se porter candidat aux élections municipales de 2026. Rien de tout cela n’a échappé aux élus de la commune et à la maire de Saint-Cast-le-Guildo.
*Le prénom a été modifié.
0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer