
(Crédits: Unsplash - Anthony Tan)
Une récente étude de la Fondation Jean Jaurès montre que les secteurs d'implantation des Français les plus fortunés ont tendance à s'ancrer durablement, surtout à Paris.
Certes, on parle d'immobilier, secteur d'activité qui n'est pas réputé comme étant celui du mouvement permanent. On aurait néanmoins pu penser que les évolutions rapides de la société actuelle se seraient accompagnées d'un bouleversement de la géographie de la richesse. Il n'en est rien, à en croire «La roue de la fortune, constitution et transmission des patrimoines dans la France contemporaine» , récente étude publiée par la Fondation Jean Jaurès. Dans ce document rédigé par Marie Gariazzo et Jérôme Fourquet , évoquant notamment la géographie sociale du pays avec les secteurs qui accumulent la richesse et ceux qui en sont exclus, on note que malgré certaines évolutions, ce sont surtout la «sédimentation», «l'ancrage» ou «l'enracinement» qui prédominent.
Comme le souligne cette étude, la concentration de patrimoine est particulièrement marquée à Paris, ce qui serait dû au fait que «la capitale est le théâtre depuis plusieurs siècles d'un processus ininterrompu de sédimentation des différentes couches élitaires» . À l'appui de cette thèse, les auteurs démontrent comment la noblesse, les hauts fonctionnaires ou les sièges sociaux d'entreprises se concentrent encore et toujours à Paris. On découvre notamment une carte de la noblesse à Paris (établie sur la base de la proportion des électeurs inscrits en 2016 appartenant à la noblesse française, voir ci-dessous). On y remarque que cette dernière est présente surtout dans quelques arrondissements, globalement les plus chers de la capitale où étaient implantés bon nombre d'hôtels particuliers : les 7e, 8e et 16e et dans une moindre mesure le 17e et le 6e.
Maintien des traditions
«On mesure ici la permanence de l'ancrage de ces familles dans certains quartiers, relèvent les auteurs. Cette permanence s'explique par le fait qu'elles sont historiquement propriétaires de leur logement dans ces beaux quartiers et le transmettent de génération en génération, mais aussi par un très fort taux d'endogamie, permettant la conservation et la consolidation des patrimoines.» Un maintien des traditions qui va au-delà de la conservation d'une adresse puisque Marie Gariazzo et Jérôme Fourquet notent aussi que 32% des nobles vivant à Paris sont mariés(e)s à un(e) noble (en rapprochant les noms à particules des listes électorales) alors qu'ils ne pèsent que 2% de la population parisienne. De la même façon, les cadres dirigeants et hauts fonctionnaires habitent généralement dans ces mêmes secteurs, proches des lieux d'argent et de pouvoir.
Au-delà de ces éléments sociologiques, l'étude s'appuie sur un élément inattendu, qu'elle surnomme «l'index Barnes». Pour suivre de près la géographie des riches, les auteurs ont choisi un réseau immobilier qui vise spécifiquement cette clientèle et ont épluché les localisations des agences. Une initiative qu'apprécie très peu le réseau en question qui estime dans un communiqué que «cette utilisation abusive porte préjudice à une société reconnue depuis trente ans pour sa discrétion et son respect absolu de la confidentialité de ses clients» . Toujours est-il que l'implantation du réseau est fidèle à cette concentration parisienne avec pas moins de 14 agences, surtout installées dans les arrondissements évoqués ci-dessus.
Certes, il y a quelques innovations avec la rue des Martyrs dans le 9e arrondissement, Montmartre pour le 18e ou encore une agence pour «Paris Est». Mais globalement, rien à l'est d'un axe Montmartre/Bastille/Panthéon, l'Est étant traditionnellement boudé par les plus riches puisque les vents dominants ont tendance à pousser fumées et pollution dans cette direction. Les «bonnes localisations» ont peu évolué et les gros patrimoines ne bougent globalement pas de ces secteurs très recherchés où la valorisation immobilière fluctue rarement à la baisse. Il en résulterait «une rente qui se transmet mécaniquement à leurs enfants, créant ainsi ce que l'on pourrait appeler des sortes de dynasties urbaines» .
Ce qui permet aux auteurs de l'étude de parler de véritables « lignées résidentielles » . Il y a en tout cas un élément qui peut se mesurer objectivement, c'est la fermeture progressive du marché parisien au commun des mortels. Au cours des 30 dernières années, les ouvriers et employés n'ont pas cessé de reculer parmi les acquéreurs et quelles que soient les catégories socioprofessionnelles, ce sont les plus âgés qui progressent le plus ces dernières années. La part des acheteurs de plus de 60 ans a ainsi bondi, passant de moins de 10% à près de 16% (voir ci-dessous) .
En dehors de la capitale, l'index Barnes permet de retrouver les banlieues huppées (Boulogne-Billancourt, Neuilly-sur-Seine, Saint-Germain-en-Laye, Versailles, Vincennes, voire Deauville, le «21e arrondissement de Paris). On distingue aussi de grandes métropoles régionales: Lille, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Marseille, Aix-en-Provence ou Lyon. Il manque pourtant d'autres cités telles que Strasbourg, Angers, Rennes ou Grenoble. Si l'on y retrouve des quartiers chics, ces villes ne présenteraient pas de marché suffisamment actif.
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