
Pannes à répétition, recours limité : quand la pompe à chaleur échappe à la garantie décennale, les propriétaires doivent se tourner vers le contrat… et redoubler de vigilance. (Crédit photo : Shutterstock)
Quand une installation de chauffage tombe en panne à répétition, peut-on invoquer la garantie décennale pour obtenir réparation ?
En 2010, un couple commande à une société la fourniture et la pose d'une pompe à chaleur, censée assurer le chauffage de leur maison. Mais rapidement, l'appareil connaît de multiples dysfonctionnements : pannes répétées, températures insuffisantes en hiver, interventions à répétition.
Face à ces difficultés, les propriétaires engagent une procédure pour obtenir le remboursement et des dommages-intérêts. L'entreprise installatrice étant en liquidation judiciaire, ils se tournent également vers son assureur en invoquant la garantie décennale prévue par l'article 1792 du Code civil.
La garantie décennale : un régime protecteur mais limité
La garantie décennale impose au constructeur d'un ouvrage de réparer, pendant dix ans, les dommages rendant l'immeuble impropre à sa destination. Elle couvre notamment les vices graves affectant la solidité du bâtiment ou ses équipements indissociables.
Toute la question était donc de savoir si l'installation d'une pompe à chaleur dans une maison déjà construite pouvait être qualifiée d' « ouvrage » au sens de la loi.
La cour d'appel rejette la demande
En septembre 2023, la cour d'appel estime que la pompe à chaleur, installée sur un bâti existant avec des travaux limités, ne constitue pas un ouvrage au sens de l'article 1792. Elle considère que les désordres dénoncés relèvent non pas de la garantie décennale, mais du droit commun des contrats.
Les héritiers forment alors un pourvoi en cassation, reprochant notamment aux juges d'avoir écarté certaines pièces du dossier et de ne pas avoir pris en compte l'impact concret des pannes sur l'habitabilité du logement.
La Cour de cassation confirme : pas de garantie décennale
Dans son arrêt du 10 juillet 2025 (n° 23-22.242), la Cour de cassation rejette leur recours. Elle rappelle une jurisprudence désormais bien établie : les éléments d'équipement ajoutés à un bâtiment existant ne constituent pas, en eux-mêmes, un ouvrage. Même si les désordres sont graves et entraînent une perte d'usage prolongée, ils n'entrent pas dans le champ de la garantie décennale. Seule la responsabilité contractuelle de droit commun peut être invoquée.
Autrement dit, dans cette affaire, les propriétaires auraient pu agir contre l'installateur sur le terrain du contrat, mais pas exiger l'intervention de l'assureur décennal.
Cet arrêt illustre une frontière nette : la garantie décennale protège surtout les maîtres d'ouvrage lors de la construction ou de la rénovation lourde d'un bâtiment, mais elle ne couvre pas les simples équipements installés a posteriori.
Pour les particuliers, cela signifie qu'en cas de panne sérieuse d'une pompe à chaleur, d'une chaudière ou d'un autre appareil ajouté à une maison existante, le recours passera par les garanties contractuelles (garantie légale de conformité, garantie de bon fonctionnement, ou responsabilité de l'installateur), mais non par la garantie décennale.
En résumé : même si une installation défaillante peut gravement perturber la vie des occupants, elle n'est pas toujours juridiquement assimilée à un ouvrage. Cet arrêt confirme la vigilance à avoir au moment de la signature du contrat et du choix de l'installateur, car la protection offerte par l'assurance décennale ne s'applique pas dans tous les cas.
Source : Cour de cassation - 10 juillet 2025 – Pourvoi 23-22.242
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