Champagne, boulangeries, réseau immobilier, horlogerie... un nombre grandissant d'enseignes se présentent actuellement comme des «maisons». Analyse et explication d'un phénomène.
Il est loin le temps où les enseignes comprenant le mot «maison» ne concernaient quasiment que des constructeurs de logements individuels. Une époque qui remonte à l'après-Seconde Guerre mondiale lorsque les Maisons Phénix promettaient aux Français un toit à bas coût. Ce à quoi Bouygues n'a pas tardé à opposer sa «Maison Bouygues » avec le slogan «une maison de maçon». Mais peu à peu, les secteurs des métiers de bouche ainsi que ceux du luxe et du haut de gamme ont commencé à s'emparer du terme. Parfois pour le nom de l'enseigne mais plus généralement pour se présenter et parler de soi. Tout récemment, c'est le réseau de caviste Nicolas qui a annoncé que ses 550 magasins évolueraient pour prendre pour nom «Maison Nicolas» .
Mais qu'est-ce qui rend donc cet ajout du terme «maison» si magique? Dans le secteur de l'immobilier haut de gamme, le réseau d'agences Junot se plaît à se présenter comme la «Maison Junot» sans pour autant avoir changé sa marque. «Nous assumons effectivement pleinement le recours à ce mot, explique Sébastien Kuperfis, président du groupe, car nous nous sentons légitimes pour l'utiliser. Il désigne quelque chose d'artisanal mais aussi ancré localement, sans oublier le côté familial et indépendant de notre enseigne. Dans le haut de gamme, nous insistons sur le service et sur un aspect non standardisé. Toutes ces valeurs rattachées à la maison correspondent pleinement à notre ADN.» La concurrence du luxe l'emploie d'ailleurs également lorsque l'on constate que plusieurs agents et responsables d'agence se revendiquent de la «maison Féau». Quant à Barnes, le réseau utilise aussi ce qualificatif et a même a ouvert une véritable «Maison Barnes» à New York, un lieu qui doit incarner l'art de vivre tel que le conçoit l'enseigne entre art, décoration et gastronomie.
Un lieu qui rassemble
«Il y a actuellement plus de 10.000 marques déposées qui intègrent le mot maison, précise Nina Derai, présidente de l'agence de «naming» Nomen. C'est donc réellement un terme très employé dont l'usage s'est progressivement éloigné de l'aspect immobilier pour évoquer un savoir-faire, un héritage. Mais ce qui est plus fort encore que d'utiliser le mot dans la marque, c'est d'y faire référence dans sa signature, de se présenter dans sa communication comme certaines marques de champagne ou les Thés Mariage Frères comme une «maison fondée en...» Pour cette spécialiste des noms de marque la «maison», est un gage de «premiumisation», elle est associée au luxe, au savoir-faire, à la haute-couture et c'est aussi un lieu qui rassemble et où l'on se rassemble, des éléments précieux actuellement.
De son côté, Henri Buzy-Cazaux, président-fondateur de l'Institut de management des services immobiliers, et spécialiste reconnu du secteur estime que cette montée en puissance des «maisons» s'explique assez aisément. «Nous vivons une époque de digitalisation, de mondialisation et d'internationalisation où la relation clients a globalement tendance à se distendre, souligne-t-il. Le consommateur est un peu orphelin et il va rechercher cette maison synonyme de proximité, de solidité et de qualité. La maison, c'est un repère et un repaire.» Quitte à abuser du terme et à en faire parfois de l'esbroufe marketing, le fait d'accoler «maison» à son nom est un atout de réassurance, qui permet parfois de retrouver la confiance perdue du consommateur.
Une stratégie défensive
«En mode défensif, pour certaines maisons qui ont conservé le nom ancien des fondateurs avec une approche de plus en plus financière et de moins en moins servicielle, se revendiquer comme telle permet de se racheter de ce que la marque ne fait plus et des promesses de moins en moins tenues, estime Henry Buzy-Cazaux. Une vraie maison doit rester très identitaire et différenciante, elle offre un vrai service. C'est un endroit où l'on est connu et reconnu et qui suscite donc de la fidélité.» Des éléments qui justifient que le service ait un prix plus élevé que ce que propose la concurrence «standard», sans pour autant réserver ce terme aux seules enseignes de grand luxe. Aux consommateurs avisés de distinguer les vraies maisons de celles qui n'en font qu'un emballage. «Les véritables maisons, notamment artisanales, sont dépositaires d'un savoir-faire, précise-t-il. Elles témoignent d'un attachement au métier et suscitent le respect de la clientèle.»
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