
(Crédits: Adobe Stock - IA)
L'électricité est, de longue date, pénalisée par rapport aux énergies fossiles dans le calcul de la performance énergétique. Matignon va y remédier, en se pliant à la révision d'une directive européenne.
Êtes-vous propriétaire d'un logement chauffé à l'électricité dont le diagnostic de performance énergétique affiche F ou G ? Si c'est le cas, une bonne nouvelle se profile. Votre bien immobilier pourrait sortir du statut de passoire thermique au 1er janvier 2026. Et beaucoup d'autres logements devraient voir aussi leur DPE s'améliorer.
Matignon a annoncé le mercredi 9 juillet que le mode de calcul du diagnostic, qui pénalisait l'électricité par rapport aux énergies fossiles, va être modifié. « Le coefficient de conversion de l'électricité (coefficient énergie primaire ou CEP) dans le calcul du DPE, actuellement fixé à 2,3, sera abaissé à 1,9 », indique le communiqué publié par les services du premier ministre. Tout cela est bien sûr très technique mais c'est un vrai coup de pouce à l'énergie électrique. Et, ce coup de pouce vient - il convient de le souligner ! - de l'Union européenne. Il est la conséquence de la révision en 2023 de la directive relative à l'efficacité énergétique. Elle prévoit que les États membres appliquent à l'électricité un coefficient par défaut de 1,9, en baisse donc de 17 % par rapport au coefficient actuel de 2,4. Cette révision intervient tous les quatre ans, pour tenir compte de l'évolution du mix énergétique. La précédente révision était intervenue en 2021, lorsque le coefficient était passé de 2,58 à 2,3.
L'objectif est de moins pénaliser les déperditions entre la centrale où l'électricité est produite (énergie primaire) et l'habitation où elle est consommée (énergie finale), notamment lors de son transport sur les lignes à hautes tensions. Avec le développement des énergies renouvelables, notamment les éoliennes, ces déperditions sont moins importantes. « Le calcul actuel du DPE présente une limite importante en désavantageant l'électricité – pourtant une énergie bas carbone en France – au profit du gaz ou du fioul. Ce biais contribue à freiner l'électrification des usages, pourtant essentielle à notre stratégie énergétique et climatique, et nuit à la lisibilité des investissements pour les ménages », peut-on lire dans le communiqué. Une sorte de mea-culpa alors que cette modification du coefficient d'énergie primaire est demandée de longue date par nombre de propriétaires et de professionnels.
Il en résultera une amélioration de l'énergie primaire consommée telle qu'elle apparaît sur les DPE et, par ricochet, une éventuelle modification de l'étiquette énergétique des logements. Cette mesure, indique Matignon, « conduira à sortir du statut de passoire énergétique (étiquettes F et G) environ 850 000 logements principalement chauffés à l'électricité, qui étaient excessivement pénalisés par la méthodologie antérieure ». À entendre Thierry Marchand, consultant en diagnostic des bâtiments et ex-président du syndicat des diagnostiqueurs CDI-FNAIM, cette modification du mode de calcul aura des conséquences sur « tous les DPE sachant tous les Français utilisent l'électricité, au moins pour s'éclairer, regarder leur télévision ou recharger leur téléphone portable ». « Les Français se chauffant au fioul mais ayant un ballon électrique pour l'eau chaude , poursuit-il, devraient aussi voir leur DPE s'améliorer ». Mais les grands gagnants seront les consommateurs faisant appel au tout-électrique. «Si votre DPE affiche une consommation d'énergie primaire de 300 kWh par m² et par an, alors elle baissera à 247 kWh par m² et par an», calcule ce spécialiste .
L'arrêté doit être signé début septembre 2025, « après une consultation publique lancée dans les prochains jours sous l'égide du ministère chargé du logement et du ministère chargé de l'énergie ». Le logiciel, qui permet d'établir le DPE, sera modifié en conséquence.
La course contre la montre du gouvernement
La France a empilé pendant des années les législations et les contraintes autour du DPE, sans prêter attention aux conséquences redoutables que ces décisions auraient à terme sur le marché de l'immobilier et du logement. Dans un rapport au vitriol publié récemment, la Cour des comptes fustige ainsi la légèreté avec laquelle a été menée la réforme du DPE en 2021 , le rendant opposable. « D'un simple objet réglementaire technique à vocation informative, le DPE s'est dès lors, dans les faits, transformé en outil stratégique et politique aux conséquences majeures pour les particuliers et pour le régime de la propriété sans que les conséquences de cette transformation et de son calendrier de réalisation n'aient été clairement mesurées, notamment en termes de risque d'éviction, même temporaire, de logements du parc locatif», peut-on lire dans le document. Honni de nombre de propriétaires, le DPE est devenu un repoussoir, un objet politique à part entière, symbole de cette transition verte qui déclenche l'ire d'une part croissante de Français.
Depuis des mois, le gouvernement Bayrou fait feu de tout bois pour tenter de réparer les choix politiques faits par ses prédécesseurs autour DPE, devenu au fil des années un document central dans la location et la vente de biens immobiliers, avec notamment les interdictions de location à l'œuvre depuis le 1er janvier pour les logements classés G ou l'obligation de doter chaque copropriété d'un diagnostic technique global, faisant la part belle à la rénovation énergétique.
En mars, un plan de bataille était annoncé par la ministre du Logement, Valérie Létard, pour remettre de l'ordre le secteur du diagnostic immobilier et le professionnaliser alors que nombre de fraudes et d'erreurs sont recensées dans les DPE . Au programme : des contrôles renforcés, la création d'une formation initiale post-bac et l'éventuelle création d'un ordre des diagnostiqueurs ! Le gouvernement répare maintenant une forme d'injustice dans le traitement réservé à l'électricité. « Cette modification n'aurait jamais eu lieu sans la guerre en Ukraine qui a renchéri durablement les prix de l'énergie, ni avec le changement de pied de l'Allemagne sur l'énergie nucléaire », analyse un bon connaisseur du sujet.
Faire passer le coefficient de conversion de l'électricité de 2,3 à 1,9 n'est peut-être d'ailleurs qu'un début. Ce coefficient déterminé au niveau européen est révisable tous les quatre ans. Le gouvernement français dispose là d'un levier puissant pour éviter que de trop nombreux logements ne sortent du marché. Pour mémoire, la FNAIM rappelait récemment que pas moins de 1,3 million de logements classés F ou G pourraient d'ici à 2028 être interdits à la location, faute de rénovation. Un luxe que ne peut pas s'offrir la France qui s'enfonce dans une grave crise du logement.
0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer