Aller au contenu principal
Fermer

Le titre-restaurant deviendrait-il un titre alimentaire ?
information fournie par The Conversation 11/10/2025 à 12:00
Temps de lecture: 4 min

Titre-restaurant : 84% de ses bénéficiaires considèrent que c'est un avantage social important. (crédit : Adobe Stock)

Titre-restaurant : 84% de ses bénéficiaires considèrent que c'est un avantage social important. (crédit : Adobe Stock)

Depuis les années 1960, le titre-restaurant a su s'imposer comme un avantage social majeur en France. En 2022, la loi sur le pouvoir d'achat l'ouvre aux produits alimentaires – œufs, riz, etc. Un dispositif prolongé le 23 janvier dernier. Remettrait-il en cause le principe originel de pause repas du salarié, à laquelle participe financièrement l'employeur et l'État?

Les titres-restaurant, tels que Ticket Restaurant, UpDéjeuner, Pluxee Restaurant, Resto Flash ou encore Swile, sont des avantages sociaux précieux en France. Ils permettent aux salariés de payer leurs repas dans les restaurants ou d'acheter des aliments immédiatement consommables. Dans un contexte d'inflation galopante, la loi dite «pouvoir d'achat» d'août 2022 étend leur usage aux produits alimentaires non directement consommables. Le 23 janvier dernier, le législateur prolonge le dispositif jusqu'au 31 décembre 2026.

Cette mesure répond à l'inflation, mais également à l'augmentation induite des repas «faits maison» et à l'essor du télétravail au sein des entreprises depuis le Covid. Environ 13% des journées sont télétravaillées d'après Xerfi, soit cinq fois plus qu'en 2019. Les restaurateurs pourraient considérer que ce dispositif détourne les titres-restaurant de leur fonction première. Les gagnants de cette bataille législative sont les grandes et moyennes surfaces (GMS).

Entre pouvoir d'achat, exonération d'impôt et périmètre d'application, les titres-restaurant sont devenus un véritable enjeu économique, social et politique qui mérite une réflexion approfondie dans les prochains mois.

Une success-story à l'origine anglaise

Le concept du titre-restaurant est né à Londres après la Seconde Guerre mondiale grâce au docteur Winchendron. Propriétaire d'une clinique, il avait passé un accord avec les restaurateurs du quartier pour que ses employés puissent utiliser les «bons-repas» qu'il émettait. En 1949, le gouvernement britannique approuva un texte réglementaire permettant aux entreprises de subventionner la nourriture de leur personnel.

En France, il a fallu attendre le début des années 1960 pour que le concept soit adopté avec la création de trois sociétés: «Chèque restaurant», «Ticket restaurant» et «Chèque coopératif pour la restauration (CCR)». Georges Pompidou, alors premier ministre, dota le titre-restaurant d'un cadre législatif en 1967. Il conféra à ce dispositif le caractère d'un avantage social avec des exonérations fiscales et sociales. Avec ce nouveau statut officiel, le décollage du marché fut immédiat.

Un avantage social incontesté

Près de 60 ans plus tard, le titre-restaurant rime avec dynamisme et vitalité. Son utilisation est régie par la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR), organisme français de référence qui réunit tous les acteurs du marché.

Selon la CNTR, le titre-restaurant représente un marché de 9,4 milliards d'euros répartis entre une douzaine d'émetteurs spécialisés. Il a un rôle majeur dans le soutien à la restauration quotidienne des salariés, à l'économie locale et à l'emploi de 100.000 personnes dans les établissements affiliés. Par ailleurs, les exonérations fiscales et sociales du titre-restaurant sont compensées par des recettes significatives notamment liées aux 3 milliards d'euros par an de TVA. Le bénéfice net annuel pour l'État est ainsi estimé à 845 millions d'euros.

Qu'il soit sous forme de carte, d'application mobile ou encore de chèque, le titre-restaurant est simple d'utilisation. Sa mise en place donne satisfaction aux entreprises en permettant une économie de place et d'argent. Aucun investissement particulier n'est nécessaire. Les titres-restaurant peuvent être proposés à des salariés, aux agents des administrations et collectivités publiques, mais aussi à des volontaires et des bénévoles.

Un soutien immédiat au pouvoir d'achat

Grâce à la diversité et à la richesse de son réseau de 230.000 établissements affiliés (restaurants, primeurs, métiers de bouche, supermarchés), le titre-restaurant permet à 5,4 millions de bénéficiaires de se restaurer librement à l'heure du repas. Aujourd'hui, selon Viavoice, 84% de ses bénéficiaires considèrent que c'est un avantage social important à leurs yeux; 78% estiment qu'il est un élément important de leur rémunération.

L'intérêt pour ce dispositif réside notamment dans le soutien immédiat au pouvoir d'achat des salariés de façon quotidienne et visible. Pour l'employeur, sa participation est nette d'impôts et de taxes sur les salaires. Pour le salarié, le titre-restaurant représente un avantage social concret et motivant. Contrairement à une augmentation de salaire classique, il ne sera jamais intégré dans le montant brut. Les entreprises peuvent ainsi offrir à leurs employés jusqu'à 1.582€ en 2025, soit 7,26€ de part patronale exonérée en 2025 multipliés par 218 jours travaillés.

Vers un titre alimentaire ou titre-caddie?

Les parlementaires ont entendu les craintes des professionnels de la restauration en janvier 2025. Ils n'ont prolongé le dispositif d'élargissement à tous les produits alimentaires que de deux ans jusqu'au 31 décembre 2026. L'objectif? Laisser au gouvernement le temps d'une refonte des titres-restaurant.

Cependant, cette loi pose la question de l'avenir du dispositif réglementaire du titre-restaurant. Et si le titre-restaurant devenait un titre alimentaire ou un titre-caddie?

En effet, instituer de manière pérenne cet élargissement à tous les produits alimentaires pourrait remettre en cause l'essence même du dispositif. Son objectif social reste associé à la pause repas du salarié, à laquelle participent financièrement son employeur et l'État. Si le gouvernement décidait de supprimer ou de réduire les exonérations sociales et fiscales, ne pourrait-on pas voir syndicats et patronat main dans la main pour protéger cet avantage social si populaire?

Titres de services, titres-restaurant, titres alimentaire, l'avenir de cet avantage social est ouvert…

Par Pierre-Olivier Giffard (Enseignant et directeur du département Marketing, Entrepreneuriat et Développement commercial, ESCE International Business School)

A lire aussi:

Les consommateurs acceptent-ils de manger des produits valorisés à partir de déchets alimentaires?

Une alimentation à base de protéines végétales est-elle bonne pour la santé?

L'île de France pourrait-elle être autonome sur le plan alimentaire?


Cet article est issu du site The Conversation

A lire aussi

  • La fonction principale du dentifrice n'est pas de tuer directement les bactéries, mais de perturber le biofilm dans lequel prospèrent les bactéries nuisibles. (crédit : Adobe Stock)
    information fournie par The Conversation 22.10.2025 16:30 

    L'objectif du brossage de dents est de prévenir les caries et de rafraîchir l'haleine. Mais que sait-on de l'effet du dentifrice sur le microbiote buccal, cet écosystème complexe constitué par les bactéries qui vivent dans notre bouche? La bouche est l'un des habitats ... Lire la suite

  • Il est parfois difficile d'obtenir un remboursement lors d'un achat entre particuliers sur internet. (Rupixen / Pixabay)
    information fournie par Boursorama avec Newsgene 22.10.2025 12:00 

    Les achats d'occasion entre particuliers ne cessent de se développer via les multiples plateformes en ligne. Mais attention aux déconvenues... Leboncoin, Vinted, Ebay: les sites de vente entre particuliers sont devenus incontournables depuis de nombreuses années. ... Lire la suite

  • Les cimetières sont des lieux de recueillement, mais également des sites historiques, artistiques et même touristiques. ( crédit photo : Getty Images )
    information fournie par Le Particulier pour Conso 22.10.2025 08:30 

    La Toussaint, c’est aussi l’occasion de redécouvrir le patrimoine funéraire français. De grands cimetières, parfois méconnus, abritent les sépultures de personnalités, des œuvres d’art ou des panoramas étonnants. Cinq lieux où l’histoire et la mémoire se rencontrent, ... Lire la suite

  • Le glucose est le carburant préféré du cerveau qui en consomme à lui seul 20% de tous les besoins corporels, soit environ 4 grammes par heure. (crédit : Adobe Stock)
    information fournie par The Conversation 21.10.2025 16:30 

    Le sucre est un carburant énergétique indispensable. Il est préférable de le consommer sous la forme d'un apport en sucres lents, limitant ainsi le risque de diabète. Son goût nous procure du plaisir, mais peut-on le comparer à une drogue? Le sucre, chimiquement ... Lire la suite

Pages les plus populaires