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Parler d’argent à ses enfants, c’est leur transmettre des repères plutôt que des peurs, un équilibre délicat à trouver dès le plus jeune âge.
Parler d’argent à ses enfants n’a rien d’anodin. C’est souvent là que se joue leur rapport futur à la valeur des choses, à la consommation et également à la confiance. Trop longtemps, ce sujet a été réservé aux adultes, relégué aux conversations sérieuses ou aux fins de mois tendues. Pourtant, l’argent s’invite très tôt dans la vie familiale : dans les jeux, les envies, les questions candides sur ce qui « coûte cher ». Comment alors initier le dialogue sans transmettre ses propres inquiétudes ? Et comment en faire un apprentissage plutôt qu’un poids ?
Les enfants sont prêts à parler d’argent
Les études le confirment : les enfants sont prêts à en parler. Selon une étude Harris Interactive, 92 % d’entre eux touchent de l’argent de poche et commencent donc, très tôt, à gérer de petites sommes. Les experts soulignent que les 8-14 ans échangent déjà régulièrement avec leurs parents sur le sujet. Ces conversations, encore timides dans certains foyers, deviennent néanmoins précieuses pour ancrer la notion de valeur et rendre l’argent concret, loin des tabous hérités. Plus tôt elles s’installent, plus elles gagnent en simplicité.
Rester factuel, c’est la clé. La psychologue Rachael Sharman, dans The Conversation , recommande de ne pas laisser ses propres angoisses contaminer la discussion. « Les enfants de cet âge considèrent leurs parents comme des points de repère et vont refléter toute crainte ou anxiété que vous exprimez, parfois de manière disproportionnée », indique la spécialiste. En cas de difficulté financière, il vaut mieux expliquer calmement que certaines dépenses devront attendre, plutôt que de taire le problème. Les enfants observent, ressentent et interprètent. Leur dire la vérité, simplement, avec des mots adaptés à leur âge, les rassure davantage qu’un silence ou une phrase expéditive. L’argent devient alors un outil de compréhension, pas une source de peur.
L’argent de poche, une première leçon de liberté
Introduire l’argent de poche, c’est offrir à l’enfant un terrain concret pour apprendre à gérer. Dans le podcast Les Adultes de Demain , Christian Junod y voit un véritable laboratoire d’expérimentation : une petite somme, une liberté encadrée et le droit de se tromper. Cette marge de manœuvre leur permet de tester, de choisir, de différer un achat ou d’assumer la conséquence d’une dépense trop rapide. En pratique, il suffit parfois de donner quelques euros chaque semaine et de laisser l’enfant décider s’il veut tout dépenser en friandises ou économiser pour un jouet. Ces essais et erreurs sont essentiels pour comprendre la valeur de l’argent. Des programmes comme Mes Questions d’Argent ou EDUCFI proposent d’ailleurs des jeux et des cahiers d’activités pour accompagner ces apprentissages de manière ludique.
Expliquer la réalité d’un budget familial est tout aussi formateur. Christian Junod invite les parents à détailler simplement la répartition des dépenses : le logement, l’alimentation, les factures, puis ce qu’il reste pour les loisirs. « La transparence, ce sont les faits, pas les peurs », résume-t-il. Inutile de parler chiffres exacts : l’idée est de montrer comment les priorités se décident, comment certains achats doivent attendre, et pourquoi tout ne peut pas être financé à la fois. Selon La Finance pour tous , un foyer consacre en moyenne plus de 1 000 euros par mois à ses dépenses contraintes. Une donnée parlante, qui aide les enfants à saisir la notion de budget, sans les inquiéter ni les culpabiliser.
Donner du sens à l’argent, au-delà du prix
Au-delà des chiffres, c’est la distinction entre prix et valeur qu’il faut enseigner. Un jouet d’occasion choisi avec soin, un vêtement transmis entre frères et sœurs ou un repas cuisiné ensemble peuvent avoir bien plus de valeur qu’un achat neuf. Montrer à l’enfant que la richesse ne se résume pas à ce qu’on possède, c’est l’aider à résister aux comparaisons et aux apparences. Comme le rappelle Christian Junod, « ce n’est pas parce que je ne veux plus quelque chose que ça n’a plus de valeur ». Reconnaître ce qui compte vraiment, c’est déjà comprendre que l’argent n’achète ni la joie, ni le lien, ni la fierté d’un effort accompli.
Parler d’argent, c’est aussi parler d’égalité. Il est essentiel de ne pas transmettre, même inconsciemment, de différences de traitement entre filles et garçons. Leur enseigner les mêmes notions d’épargne, de choix et de responsabilité, c’est leur donner les mêmes outils pour devenir autonomes. Une tirelire, un premier livret d’épargne ou une carte bancaire pour adolescents : autant d’étapes concrètes pour apprendre à gérer et à décider. Aborder le sujet tôt, avec simplicité et sans crainte, c’est offrir à ses enfants une relation apaisée à l’argent, fondée sur la compréhension plutôt que sur la peur.
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