Crédit photo : Shutterstock
Alors que les situations de tutelle et de curatelle se multiplient, une question importante se pose : qui peut manipuler l'argent du majeur protégé ? Les règles viennent d'être précisées afin d'assurer une protection maximale et d'éviter tout risque de confusion ou de détournement.
Une question simple, une réponse ferme
Tout est parti d'une interrogation du tribunal judiciaire d'Aurillac. Le juge des tutelles pouvait-il autoriser qu'un tiers rémunéré — mandaté par le tuteur — reçoive temporairement des fonds sur son propre compte, avant de les reverser sur celui du majeur protégé ? Autrement dit : peut-on laisser transiter l'argent d'une personne vulnérable par le compte bancaire d'un mandataire ?
Saisie pour donner un avis, la Cour de cassation a répondu « non », de manière catégorique.
La règle : seul le compte du majeur protégé doit être utilisé
La Cour rappelle d'abord un principe essentiel : les opérations bancaires concernant le majeur protégé doivent obligatoirement être effectuées sur des comptes ouverts à son nom. Ce principe est inscrit dans le code civil et vise à éviter toute confusion de patrimoine, tout risque de détournement ou d'erreur de gestion.
Certes, le tuteur ou le curateur peut se faire aider par un tiers pour certaines tâches, notamment administratives. Mais cette délégation est strictement limitée :
- elle ne peut porter que sur des actes conservatoires (protéger un bien),
- ou des actes d'administration sans manipulation d'argent.
Le tiers ne peut donc ni encaisser ni payer des sommes pour la personne protégée. Toute opération financière — comme percevoir des loyers ou régler des factures — doit être réalisée directement depuis ou sur le compte bancaire du majeur.
Pourquoi cette interdiction ?
Pour la Cour, autoriser un tiers à encaisser des fonds à la place du majeur reviendrait à contourner l'esprit de la protection juridique. Le risque : créer une « zone grise » dans laquelle l'argent du majeur transiterait par un compte extérieur, rendant plus difficile le contrôle, la traçabilité et, au besoin, la contestation des opérations.
Le tuteur ou le curateur, bien qu'accompagné d'un tiers, reste seul responsable des actes accomplis. Il ne peut donc déléguer des opérations qui impliquent la gestion directe de l'argent.
La Cour ajoute que le juge des tutelles n'a pas le pouvoir d'autoriser une telle pratique, même à titre exceptionnel. Le cadre légal est strict et ne peut être assoupli par une décision judiciaire.
Quels effets pour les familles et les professionnels ?
Cette clarification concerne à la fois :
- les familles impliquées dans la gestion d'un proche vulnérable,
- les tuteurs familiaux ou professionnels,
- les mandataires susceptibles d'être sollicités pour gérer un bien ou un logement.
Les revenus issus d'un patrimoine — par exemple les loyers d'un appartement — doivent être versés directement sur le compte du majeur protégé. Les prestataires chargés d'administrer un bien (état des lieux, petites réparations, contacts avec les locataires) ne peuvent en aucun cas gérer les flux financiers.
En réaffirmant clairement la séparation des patrimoines et l'interdiction pour un tiers de manipuler l'argent d'un majeur protégé, la Cour de cassation sécurise les pratiques et prévient les risques d'abus.
Source : 5 décembre 2025 - Cour de cassation - Pourvoi n° 25-70.019
0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer