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Éducation financière : pourquoi on ne l’apprend (toujours) pas à l’école – et comment s’y mettre à l’âge adulte

information fournie par aufeminin 14/12/2025 à 17:03

Shutterstock

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L’éducation financière reste le grand angle mort de l’école. Pourtant, ses lacunes pèsent lourd quand vient le moment d’entrer dans la vie adulte.

On passe des années à résoudre des équations, à commenter des textes et à mémoriser des dates… mais rarement à décoder un bulletin de salaire ou à comprendre la mécanique d’un crédit. Selon une enquête conduite par la Banque de France et l’OCDE, la culture financière des adultes français plafonne à 12,45/20, tout juste la moyenne. Derrière cette note, une réalité bien plus vive : entrer dans la vie adulte sans maîtriser les bases financières crée du stress, des erreurs coûteuses et un sentiment d’impuissance, particulièrement marqué chez les femmes, souvent moins encouragées à se sentir légitimes sur ces sujets.

Un système scolaire qui peine à intégrer l’éducation financière

L’école n’est pourtant pas absente du débat, mais elle arrive tard, et surtout de manière très partielle. L’éducation financière reste marginale, reléguée à quelques heures au collège ou au lycée, largement insuffisantes pour comprendre comment fonctionne un crédit, comment lire une fiche de paie ou comment éviter les arnaques en ligne. Depuis 2016, la France s’est dotée d’une stratégie nationale (EDUCFI) et d’un passeport du même nom proposé en quatrième, mais ces outils ne forment que des bases superficielles. Deux heures d’initiation au long de toute une scolarité ne permettent pas aux élèves d’acquérir des réflexes solides, ni de s’adapter à des usages bancaires devenus presque entièrement numériques. On attend des familles qu’elles complètent ce que l’école ne donne pas, alors même que leurs connaissances sont très inégales.

Cette insuffisance devient alors une question de justice sociale. Les enquêtes de l’OCDE montrent que les jeunes issus de milieux modestes obtiennent les résultats les plus faibles et sont plus vulnérables face au crédit facile, aux découverts et aux arnaques. Quand l’école ne joue pas son rôle, elle laisse se reproduire un cycle de méconnaissance financière : on hérite autant du rapport à l’argent que d’un éventuel patrimoine. Le genre renforce encore ces écarts : les femmes investissent moins, négocient moins et, de fait, s’exposent davantage aux inégalités existantes. Hélène Gherbi, fondatrice de Femca, le rappelle avec force dans les colonnes des Échos : « Il y a un véritable enjeu de sécurisation financière pour les femmes. Elles sont moins bien payées et, à la retraite, elles se retrouvent à toucher 40 % de moins que les hommes ! ».

Des femmes qui reprennent la main sur leurs finances

Face à ce manque, de nombreuses femmes ont décidé de s’emparer du sujet et de partager ce qu’elles ont appris. Maeva, alias @monbudgetbento, en a pris conscience lors d’une discussion familiale où son frère lui a rappelé que « tout le monde n’a pas les moyens d’investir comme (elle) ! », rapportent nos confrères des Échos . À partir de là, elle s’est donné pour mission de simplifier la gestion de budget et l’investissement, avec son approche très accessible du « budget and chill » et des finances mises sur « mode automatique ». Alexandra, qui anime le compte @parlonsbudget_, s’appuie sur ce qu’elle a observé petite en voyant sa mère répartir chaque dépense dans des enveloppes. Elle l’a transformé en une méthode de coaching directe et pragmatique : « Savoir gérer son budget et épargner, c’est la clé de l’indépendance. Si je suis en couple et que je veux partir, je pars. Si je veux quitter mon boulot, je peux le faire. Si je veux voyager, c’est possible ! ». À leurs côtés, la coach Mariama Ndiaye transmet la même philosophie, rappelant que « l’argent est une source de liberté. Il donne le choix, il permet d’explorer, d’apprendre et de réaliser beaucoup de choses . »

Commencer l’éducation financière à l’âge adulte, c’est simplement accepter qu’on n’a pas reçu ces bases plus tôt. Il s’agit moins de viser l’expertise que de comprendre comment l’argent circule concrètement dans son quotidien : combien entre chaque mois, combien sort, quelles dépenses sont incompressibles et lesquelles relèvent plutôt d’envies ou d’habitudes sociales. Des quiz en ligne, des livres ou des guides pratiques permettent d’identifier rapidement ses zones de faiblesse, qu’il s’agisse d’épargne de précaution, de crédit, de retraite ou de fiscalité. Cette première étape rend possible un apprentissage ciblé, thème par thème, au lieu de chercher à tout maîtriser d’un coup, ce qui est le moyen le plus sûr de se décourager.

Des ressources variées pour avancer dans son éducation financière

Viennent ensuite les fondamentaux pratiques : construire un petit matelas de sécurité, apprendre à lire ses relevés, sécuriser ses moyens de paiement, comprendre ce que coûte vraiment un crédit ou un découvert. Les méthodes diffèrent, mais l’idée reste la même : reprendre la main. Certaines, comme Maeva, aiment compartimenter leurs comptes comme un bento. D’autres suivent les conseils de Plan Cash, une newsletter d’« éducation féministe » qui répète : « Commencer dès que possible à préparer une épargne de précaution, équivalente à trois mois de salaire environ, et se former aux bases de l’investissement ! ». L’essentiel est d’installer des automatismes, comme des virements programmés, des notifications, des rendez-vous réguliers avec ses propres comptes, pour ne plus subir.

Pour s’outiller, il existe désormais un écosystème riche… à condition de savoir le repérer. Côté institutions, la Banque de France, la stratégie nationale EDUCFI ou encore les ressources labellisées sur Eduscol proposent des contenus neutres sur le budget, l’épargne, les moyens de paiement ou la prévention des fraudes. Côté terrain, une foule de créatrices de contenu comme Femca, @monbudgetbento, @parlonsbudget_, la newsletter Plan Cash, Oseille & Compagnie ou encore les programmes de The Money Coach, déclinent la pédagogie au féminin, avec des ateliers, des newsletters, des communautés où poser ses questions sans être jugée. Hélène Gherbi le résume : « Investir, c’est voter économiquement. Selon une étude de la banque Lombard Odier, huit femmes sur dix sont sensibles aux critères de durabilité quand elles investissent. Il est donc plus que jamais primordial qu’elles se saisissent de ce pouvoir. »

Reste une dernière étape : assumer que l’on ne peut plus déléguer entièrement la question de l’argent. Héloïse Bolle, fondatrice d’Oseille & Compagnie, insiste : « Personne ne le fera aussi bien que nous. S’il faut déléguer, déléguons autre chose, mais pas nos finances ! Il en va de notre indépendance économique et de notre indépendance tout court ! ». Parler salaire entre amies, poser des questions à son banquier, négocier, investir petit à petit… Ce n’est pas seulement bâtir son propre filet de sécurité, c’est aussi, comme le rappellent Morgane Dion et Léa Lejeune, fondatrices de Plan Cash , se souvenir que « quand on négocie son salaire ou qu’on investit, on ne le fait pas que pour soi, mais aussi pour donner l’exemple à toutes les autres femmes ! ». L’école a encore un train de retard. En attendant qu’elle le rattrape, l’éducation financière peut très bien commencer ici et maintenant, entre nos mains.

2 commentaires

  • 19:16

    ... le vrai coût du travail (à donner au salarié : il verrait de combien l'Etat le rackette, et non l'employeur), le vrai coût d'une pension de retraite, les bases de l'entreprise non-salariée, etc.

    par des marxistes ? ;-)


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