François Bayrou a demandé mardi un "effort à tous les Français" pour redresser les finances publiques en ouvrant la porte à une "TVA sociale", deux semaines après Emmanuel Macron.

( AFP / PHILIPPE HUGUEN )
Emmanuel Macron l'avait annoncé à la mi-mai : il souhaite "un modèle social qui soit moins financé par le travail et davantage sur d'autres facteurs, en particulier la consommation". Ayant remis sur la table la question de la "TVA sociale" -augmenter la TVA pour financer le modèle social français-, il a provoqué la colère de la gauche et des syndicats. Mais la mesure est soutenue par le patronat et certions économistes.
• Une arlésienne
"La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un impôt général sur la consommation", rappelle le ministère de l'Économie sur son site. Il existe actuellement quatre taux de TVA: 20% (contre 19,6% avant 2014, pour "la majorité des produits et services"), 10% (contre 7% auparavant pour la "restauration", "médicaments non remboursés", ...), deux taux réduits à 5,5% (produits dits de première nécessité tels que l'"alimentaire, boissons sans alcool") et 2,1% (presse et médicaments remboursés par la Sécurité sociale, notamment).
La TVA dite "sociale" consiste à augmenter le taux de TVA (taux réduit et/ou taux normal)" pour affecter les recettes supplémentaires de TVA "au budget de la Sécurité sociale" , tout en diminuant en parallèle les cotisations patronales et éventuellement salariales.
Votée en 2012 sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, elle avait été immédiatement abrogée par François Hollande après son élection. Mais mi-mai, le président Emmanuel Macron a remis le sujet sur la table, jugeant qu'il fallait "aller chercher de l'argent en dehors du seul travail" et souhaité l'ouverture d'un "chantier" sur ce sujet avec les partenaires sociaux . Mardi, François Bayrou lui a emboîté le pas et demandé un "effort à tous les Français".
• "Ressource immédiate" mais "inéquitable"
Le premier intérêt d'augmenter la TVA est de "redonner des ressources aux entreprises", a estimé dimanche le président du COR (Conseil d'orientation des retraites) et professeur à Neoma Business School, Gilbert Cette, dans La Tribune Dimanche . Pour cet économiste libéral, "le gain de compétitivité qui en résulterait donnerait (aux entreprises) des marges de manœuvre pour augmenter leur compétitivité et embaucher ou maintenir l'emploi" . Le moment semble opportun selon lui puisque "l’inflation est particulièrement basse". "Un point de TVA permettrait de rapporter entre 8 et 12 milliards d'euros selon que l'on module les taux. C’est une ressource immédiate et facile", argue-t-il.
Plus "mitigé", le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a rappelé lundi que la mesure "existe déjà" puisqu' "une partie significative (28%) de nos dépenses d'assurance maladie , de nos dépenses sociales sont financées par la TVA".
En outre, l'ancien ministre socialiste a jugé la mesure "inéquitable": "Ça crée des problèmes d'équité, d'inégalités importantes, parce que la proportion à consommer, c'est-à-dire la part que chacun consomme de son revenu, est plus forte chez ceux qui ont moins."
• "Inacceptable"
Pour la patronne de la CFDT, première organisation syndicale, Marylise Léon, interrogée sur RTL, "la priorité" c'est "la question des retraites" débattue jusqu'au 17 juin par une partie des partenaires sociaux (Medef, CPME, CFDT, CFTC et CFC-CGC) et pas de "discuter de choses macro-budgétaires de milliards d'euros".
La TVA dite sociale est "une supercherie, c'est l'impôt le plus antisocial qu'il soit puisque plus on est pauvre, plus on le paye ", a fustigé mardi Sophie Binet, la numéro un de la CGT, en conférence de presse. "Le patronat commence d'ailleurs à chiffrer ses demandes puisqu'il nous dit qu'il voudrait y trouver 40 milliards d'euros (...) soit autour de quatre points de TVA" ce qui veut dire "une baisse massive de pouvoir d'achat pour les salariés" , a poursuivi la leader syndicale.
Côté politique, la gauche reste vent debout contre cette mesure à l'instar du député insoumis Manuel Bompard, qui estime qu'elle serait "totalement inacceptable" et "totalement scandaleuse" .
• Plébiscite patronal
"Est-ce aux travailleurs de payer la santé de tous les Français, la politique familiale de la nation ?", faisait mine d'interroger début avril, le président de la CPME Amir Reza-Tofighi, favorable à un transfert des financements sociaux vers d'autres fiscalités telles que la TVA, de "plus qu'un point". Une position également défendue par le Medef.
L'U2P (troisième organisation patronale) suggère de supprimer en cinq ans CSG (contribution sociale généralisée) et CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) de tous ceux qui travaillent, et de répartir en compensation ces 116 milliards d'euros sur un mélange de hausse de TVA, de taxation supplémentaire des dividendes, des revenus fonciers et de l'héritage, et d'une contribution accrue des retraités.
24 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer