par Gram Slattery et Matt Spetalnick
Lors de sa campagne électorale, le président américain Donald Trump promettait de mettre fin aux conflits les plus violents à travers le monde pour instaurer une paix mondiale.
Après près de cinq mois de présidence, ses espoirs sont mis à mal alors qu'Israël a attaqué l'Iran vendredi en parallèle de son offensive à Gaza et que la l'agression russe en Ukraine ne faiblit pas.
Vendredi, Israël, allié des États-Unis, a lancé une vaste attaque contre l'Iran qui, selon les analystes, pourrait dégénérer en une guerre régionale. Les frappes, visant des sites nucléaires, des usines de missiles balistiques et des chefs militaires, semblent être un camouflet pour Donald Trump, qui avait à plusieurs reprises poussé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à ne pas attaquer l'Iran.
Si Donald Trump avait lui-même menacé de bombarder l'Iran en cas d'échec des négociations sur le programme nucléaire de Téhéran, les frappes israéliennes constituent un camouflet pour l'administration américaine.
Steve Witkoff, émissaire de Donald Trump au Moyen-Orient qui chapeautait les pourparlers avec Téhéran, avait exhorté le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu de patienter le temps des discussions.
Si un nouveau cycle de négociations entre États-Unis et Iran étaient prévu ce week-end, la poursuite du processus et la signature d'un accord semblent compromises.
"La diplomatie trumpienne est l'une des premières victimes de ces attaques", a observé Brett Bruen, ancien conseiller en politique étrangère de l'ex-président américain Barack Obama, au sujet de l'opération "Rising Lion" (Lion dressé) d'Israël.
"Il (Donald Trump) a eu du mal à s'approcher d'un cessez-le-feu (à Gaza), sans parler de la paix dans tout conflit majeur. L'Iran était le pays le plus prometteur, et Benjamin Netanyahu a tout gâché."
La Maison blanche, l'ambassade d'Israël à Washington et la mission iranienne auprès des Nations unies n'ont pas répondu aux demandes de commentaires dans l'immédiat.
Certains alliés de Donald Trump reconnaissent en privé que ses efforts diplomatiques ont faibli avant même l'attaque israélienne.
Le début du second mandat du Donald Trump semblait malgré tout prometteur, alors que peu avant son investiture, Steve Witkoff et les collaborateurs de Joe Biden, alors président, avaient réussi à obtenir un accord de cessez-le-feu à Gaza entre Israël et les combattants du Hamas. L'accord s'est malgré tout effondré en quelques semaines.
En Europe, les efforts de paix américains n'ont guère rencontré plus de succès. Alors que Donald Trump s'était engagé à mettre fin à la guerre en Ukraine avant même d'entrer en fonction, l'agression de la Russie a gagné en intensité.
Enfin, son administration n'a pris aucune mesure visible pour élargir les accords d'Abraham, un pacte historique négocié lors du premier mandat de Donald Trump pour forger des liens diplomatiques entre Israël et plusieurs pays arabes voisins.
COUP FATAL OU SIMPLE REVERS ?
Alors que Donald Trump s'efforce de sceller des accords de paix, des divisions en matière de politique étrangère se sont creusées au sein de sa propre administration. Des dizaines de fonctionnaires, du Conseil national de sécurité au Pentagone en passant par le département d'État, ont été écartés dans le cadre de ces querelles intestines.
Avant même l'attaque israélienne de vendredi, plusieurs responsables de l'administration avaient commencé à se demander en privé si Steve Witkoff, qui manque d'expérience diplomatique mais s'est imposé comme le principal négociateur de Donald Trump, n'avait pas abusé de son temps de présence.
Alors que les frappes contre l'Iran se déroulaient, certains démocrates ont exprimé leur frustration quant au fait que Donald Trump avait mis au rebut en 2018, au cours de son premier mandat, un accord conclu en 2015 entre les États-Unis, l'Iran et des alliés européens, sous l'administration Obama.
Donald Trump et les républicains estimaient que cet accord, qui imposait d'importantes restrictions au programme nucléaire iranien en échange d'un allègement des sanctions imposées au pays, n'aurait pas empêché Téhéran de se doter de l'arme nucléaire.
Les démocrates reprochent à Donald Trump de ne pas encore avoir proposé d'alternative crédible.
"Il s'agit d'un désastre que Donald Trump et Benjamin Netanyahu ont eux-mêmes créé, et la région risque maintenant de s'enfoncer dans un nouveau conflit meurtrier", a déclaré le sénateur démocrate Chris Murphy dans un message publié sur X.
Il n'est néanmoins pas certain que les frappes israéliennes de vendredi déclenchent un conflit régional.
Certains analystes soulignent malgré tout que Téhéran pourrait considérer les actifs américains dans la région comme des cibles légitimes.
Les rebelles houthis au Yémen pourraient par ailleurs reprendre leur campagne de bombardement contre les navires transitant par la mer Rouge.
La capacité d'Israël à entraver durablement le programme nucléaire iranien est également questionnée.
Les analystes doutent en particulier de la capacité de l'État hébreu à détruire l'usine d'enrichissement iranienne de Fordow, profondément enfouie sous terre.
Bien qu'Israël puisse causer d'importants dommages au site, les experts estiment que pour infliger des dégâts durables, un soutien militaire des États-Unis serait nécessaire. Ce soutien n'a jusqu'à présent pas été fourni, selon les responsables américains.
Un autre point d'interrogation concerne l'efficacité de la riposte de Téhéran. Israël a indiqué qu'il avait ciblé plusieurs dirigeants iraniens lors de la campagne de bombardement, qui devrait se poursuivre dans les jours à venir.
Tous ces facteurs détermineront si le coup porté aux aspirations de Donald Trump à être perçu comme un artisan de la paix dans le monde sera fatal ou s'il s'agira simplement d'un revers.
"Si l'on croit Israël sur parole, à savoir que les frappes étaient le premier round d'une campagne israélienne totale contre les programmes nucléaires et de missiles de l'Iran, le régime iranien est maintenant au cœur d'un moment potentiellement existentiel, de vie ou de mort", a déclaré Charles Lister, responsable au Middle East Institute.
"Cela donne aux frappes une toute nouvelle dimension, sans précédent, et rend le risque d'une spirale d'escalade majeure bien plus réel que ce que nous avons vu jusqu'à présent."
(Rédigé par Gram Slattery et Matt Spetalnick, avec Humeyra Pamuk, Michelle Nichols et Jonathan Landay ; version française Etienne Breban ; édité par Kate Entringer)
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