Panneau à l'entrée du son site de Dunkerque d'ArcelorMittal à Grande-Synthe, dans le nord de la France, le 1er mai 2025 ( AFP / Sameer Al-DOUMY )
Le gouvernement et ArcelorMittal ont réaffirmé vendredi leur opposition ferme à toute nationalisation des actifs français de l'aciériste, au lendemain de l'adoption en première lecture à l'Assemblée nationale d'une proposition de loi LFI en ce sens, qui risque fort d'être retoquée par le Sénat.
Nationaliser le sidérurgiste ArcelorMittal France serait "une réponse populiste à un problème structurel", a déploré le ministre de l'Economie Roland Lescure.
"La France a besoin d'un cap industriel clair, pas d'une prétendue formule magique que serait la nationalisation", a-t-il écrit dans un message publié sur le réseau Bluesky.
L’Assemblée nationale a adopté jeudi en première lecture une proposition de loi LFI visant à nationaliser ArcelorMittal France, qui a annoncé en avril des mesures de réorganisation qui entraîneront des suppressions d'emplois, évaluées à 260 à ce stade.
"C'est un vote historique, c'est une victoire qui a été arrachée grâce à la mobilisation des travailleurs et des travailleuses et de toute la CGT", a réagi la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet après de l'AFP, appelant le gouvernement à "respecter le vote qu'il y a eu au Parlement".
Un employé d'ArcelorMittal, portant son équipement de protection orné d'autocollants de la CGT et d'un portrait du révolutionnaire argentin Ernesto Che Guevara, participe à une action organisée par la CGT sur l'Esplanade des Invalides, à Paris, le 27 novembre 2025, afin de soutenir le projet de loi LFI de nationalisation d'ArcelorMittal France ( AFP / Alain JOCARD )
Le texte a été adopté avec le soutien de la gauche (insoumis, socialistes, écologistes et communistes), tandis que le RN s'est abstenu et que le camp gouvernemental a voté contre. Son avenir est toutefois hautement incertain, car il lui sera difficile d'être adopté au Sénat, dominé par la droite et le centre.
"Le véritable enjeu, ce n'est pas de nationaliser Arcelor, c'est de se battre contre les importations massives d'acier chinois, c'est un débat au niveau européen", a relevé vendredi le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou, opposé comme l'ensemble du gouvernement à une nationalisation chiffrée à trois milliards d'euros, sur fond de disette budgétaire.
Le ministre de l'Industrie Sébastien Martin a estimé auprès de l'AFP que "ce vote crée l'illusion d'une protection, mais il ne résout ni la chute de la demande européenne, ni la concurrence mondiale faussée, ni les coûts de production qui pèsent sur la filière".
Ce que prévoit le texte, "ce n'est pas de nationaliser le groupe ArcelorMittal, c'est de n'en nationaliser qu'une partie", a renchéri Pascal Deshayes, délégué syndical central CFE-CGC pour ArcelorMittal France, qui estime qu'on va ainsi "nationaliser des dettes", l'Europe étant "l'enfant malade du groupe".
"L'avenir de la sidérurgie française ne se joue pas dans les postures. Il se joue dans des décisions courageuses : protéger l'acier européen à Bruxelles, investir, alléger les impôts de production, sécuriser les sites, lutter contre la concurrence déloyale", a ajouté Sébastien Martin.
- "Les leviers sont européens" -
Le plan acier de la Commission européenne prévoit de diviser par deux environ les quotas d'acier étranger pouvant être importés dans l'UE sans droits de douane, tout en doublant les droits de douane pour les importations dépassant ces quotas, à hauteur de 50% contre 25% précédemment.
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, lève le poing à côté d'un employé d'ArcelorMittal portant un masque de soudeur lors d'une action rassemblant des employés d'ArcelorMittal sur l'Esplanade des Invalides à Paris le 27 novembre 2025. ( AFP / Alain JOCARD )
En dépit de ces mesures de protection annoncées, les Insoumis voient dans une nationalisation "l'unique solution" pour sauver la filière et ses 15.000 emplois directs, lutter contrer le plan social et relancer la décarbonation des hauts-fourneaux.
Les socialistes, défendent davantage une "mise sous tutelle" qu'une nationalisation, mais ont voté pour le texte.
ArcelorMittal a estimé vendredi matin qu'une nationalisation "ne permettrait en aucun cas de résoudre les problèmes rencontrés par l'industrie de l'acier en France et en Europe", appelant à "agir sur les facteurs structurels de compétitivité", et soulignant que "les leviers sont européens".
"Le marché européen de l'acier est inondé d'importations massives à bas prix, qui ont un effet dévastateur pour les producteurs européens. L'Europe doit (...) appliquer au plus vite les mesures de défense commerciale annoncées en octobre, ainsi qu'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières efficace", plaide le groupe dans un communiqué.
ArcelorMittal, deuxième sidérurgiste mondial, emploie plus de 7.000 salariés dans son pôle du nord de la France qui compte sept usines. Le groupe emploie 15.000 personnes au total en France.
Des employés d'ArcelorMittal défilent derrière une banderole lors d'une action organisée par la CGT sur l'Esplanade des Invalides, à Paris, le 27 novembre 2025 ( AFP / Alain JOCARD )
Le groupe a fait le "choix stratégique assumé de privilégier la distribution" de liquidités "aux actionnaires, au détriment de l'anticipation" et de l'investissement, estimait le cabinet d'expertise Secafi mandaté par le comité social et économique central (CSEC), dans un rapport contesté par l'entreprise.

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