Au départ était mon travail ardu, ingrat et peu valorisé, en échange duquel mon employeur me versait une rémunération. Cette rémunération brute était soumise à des cotisations sociales, puis à un impôt annuel versé à l’État. Avec ma rémunération nette, je pouvais me vêtir, manger et boire, m’abriter sous un toit. Toutes consommations soumises à une taxe sur la valeur ajoutée et d’autres taxes (sur l’énergie notamment ) allant directement dans les caisses de l’État. S’il me restait un peu d’argent à la fin du mois, je le mettais de côté en prévision de mes dépenses futures, notamment l’achat d’une maison ou d’un appartement. Le jour dit, j’empruntais à ma banque le reliquat nécessaire à mon investissement ; au passage la banque se rémunérait sur l’argent emprunté et l’État me faisait payer des « frais de notaire » en proportion du bien acquis ; plus tard, l’État taxerait l’habitation et le foncier y afférent.
Mes économies étant réduites à peau de chagrin, mais pas découragé, je continuais de travailler, de dépenser et d’économiser jusqu’à acquérir, mes tempes commençant à grisonner, un petit pécule. Ledit pécule fût investi dans le capital d’entreprises ou dans l’acquisition d’obligations du Trésor, dans ce dernier cas rendant service à un État impécunieux et peu soucieux d’économiser l’argent des contribuables. Ce faisant, je prenais le risque de perdre mon argent, raison pour laquelle l’entreprise me versait un dividende prélevé sur les profits, et l’État rémunérait l’argent que j’avais prêté à un taux proche de l’inflation ; on appelle ça le retour sur investissement je crois. Bien sûr, cette « rente » (nouveau mot à la mode) était soumise à des prélèvements sociaux et à l’impôt sur le revenu. Mais j’étais devenu rentier. Une fois à la retraite, je touchais une pension - autre forme de rente mais j’avais cotisé pour cela, soumise aux prélèvements sociaux puis à l’impôt sur le revenu destiné aux caisses toujours vides de l’État.
Rentier à double titre, je devins suspect aux yeux du gouvernement. L’État, toujours aussi impécunieux, véritable panier percé, cherchait des rentrées d’argent, étant incapable de penser un seul instant qu’il pouvait réduire ses propres dépenses. Alors il imagina une taxe sur les rentes, qui s’ajouterait à tous les impôts et taxes déjà prélevés. Le rentier, épuisé par ces saignées successives, quitta le pays et le gouvernement s’en trouva fort marri et passablement étourdi.