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Quand les ingénieurs se forment à l’origami pour mieux construire
information fournie par Le Figaro 02/08/2019 à 06:00

Architectes et bâtisseurs utilisent ces techniques depuis longtemps, les principes du pliage de papier sont aujourd’hui enseignés aux ingénieurs des Ponts Paritech. Une manière de mieux employer la matière semble-t-il.

C’est une tradition qui dure depuis des siècles, voire plus d’un millénaire. Aujourd’hui, l’origami, l’art japonais du pliage de papier, apprend à de futurs ingénieurs à «orienter la matière» pour réfléchir aux bâtiments qu’ils construiront un jour. «L’utilisation des origamis dans la construction des bâtiments (...) est très ancienne», explique Arthur Lebée, chercheur au laboratoire Navier, lié à l’École des Ponts Paristech. Il la relie à l’école allemande du Bauhaus au début du XXe siècle. Plusieurs architectes revendiquent d’ailleurs ouvertement cette technique. À Paris, Manuelle Gautrand a baptisé origami son immeuble de bureaux de l’avenue de Friedland et le show-room qu’elle avait réalisé pour Citroën sur les Champs-Élysées (aujourd’hui fermé) disposait d’un vaste origami de verre.

Au sein de l’annuaire de l’établissement, ex-école des Ponts et Chaussées et prestigieuse formation d’ingénieurs, M. Lebée est associé à des thématiques classiques: mécanique, construction... Ses recherches sont plus originales: il travaille sur «les sciences de l’origami». L’art de l’origami vise à créer des formes variées en pliant sans déchirer une feuille de papier. Il est difficile d’établir où et quand il est né - Chine ou Japon s’en disputent la paternité et certaines sources le font remonter à des usages religieux du Moyen-Âge - mais les premiers ouvrages à l’avoir formalisé sont japonais et datent d’environ trois siècles.

Rendre le meilleur service possible à l’occupant

Depuis plusieurs décennies émerge un volet scientifique. Plusieurs conférences internationales réunissent des chercheurs du monde entier et de multiples disciplines. «Cela combine un aspect ludique avec des mathématiques fondamentales, de la mécanique... plein de disciplines différentes», résume M. Lebée. Lui-même anime des enseignements qui s’inscrivent dans un double cursus d’architecte et d’ingénieur afin de relier deux métiers souvent dissociés dans la naissance d’un bâtiment: l’un compose et l’autre rend faisable.

«Pourquoi on construit? Pas juste pour que ce soit le plus résistant possible: il faut que cela rende le meilleur service à la personne qui habite», estime M. Lebée. «Un ingénieur doit être sensible à ça et l’architecte doit être sensible à la réalité physique.» «Les origamis ont une place tout à fait intéressante pour faire ce lien», poursuit-il. En première année, M. Lebée anime généralement un atelier de construction d’abris en origami - il envisage de passer prochainement aux ponts en cartons.

L’idée est d’éveiller les étudiants à de nouvelles formes. Plus tard dans le cursus, le chercheur donne un cours plus théorique sur les liens entre «plis et structures». «Je ne sais pas s’il y a d’autres enseignements de ce type: il y en a plutôt en école d’architecture», avance-t-il. «Par contre, la compréhension de la modélisation mécanique et du fonctionnement structurel des origamis, je pense que c’est une spécificité de l’École.»

L’éventail de ces cours illustre les leçons multiples de l’origami pour la construction: de manière évidente, il apprend à générer du volume à partir d’une surface plane. Via certaines techniques, il permet aussi de créer l’équivalent d’une paroi courbe en n’usant que de pliages rectilignes. Reste que «le contresens basique, c’est dire: +le pliage c’est génial, je veux faire un bâtiment, donc je vais plier un bâtiment+», prévient M. Lebée. «C’est quelque chose qui est naïf. Ça n’arrive pratiquement jamais qu’un bâtiment soit une cocotte.»

En général, l’origami «n’est pas une structure au sens de l’ingénieur: un objet qui peut supporter des charges (et) qui ne va pas se déformer tout seul», explique M. Lebée, pour qui l’enjeu des cours est de «comprendre le fonctionnement mécanique» des pliages. Une idée est centrale: améliorer la résistance d’une structure en changeant sa forme et non en lui ajoutant des matériaux plus solides. «Vous prenez une feuille de papier: si je la pince un petit peu, elle arrive à s’autoporter et à tenir horizontalement. En imposant une toute petite courbure, on obtient un objet beaucoup plus rigide», illustre M. Lebée. «Cela veut dire orienter la matière pour qu’elle travaille de la manière la plus efficace possible.»

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