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Quand ChatGPT donne des réponses truffées d’erreurs et ne connaît pas les nouvelles lois votées en immobilier
information fournie par Le Figaro 08/11/2025 à 07:00

CHATGPT (Crédits: Adobe Stock)

CHATGPT (Crédits: Adobe Stock)

Une avocate a testé ChatGPT afin de voir ses limites en lui posant une question simple «expulser un locataire qui ne paie pas son loyer sans avocat ?» et le résultat est édifiant.

« ChatGPT est un fléau dans ma pratique ». Me Héloïse Aubret, avocate en droit de l'urbanisme, débute ainsi un post LinkedIn . Elle explique que des clients lui soumettent des raisonnements juridiques étayés et de fausses jurisprudences. Il manque souvent la moitié du raisonnement et une vision stratégique globale du dossier. « Et surtout, cela me prend beaucoup d'énergie et de perte de temps, d'expliquer pourquoi ce raisonnement est faux. Et cela m'agace, car mon temps est précieux », s'emporte-t-elle.

Cette avocate a donc pris une décision radicale : l'ajout d'une nouvelle clause type dans sa convention d'honoraires. « Toute relecture d'une analyse réalisée par une intelligence artificielle de type ChatGPT sera facturée en sus. L'avocat précise par ailleurs au client que ces analyses sont souvent très erronées ». Si cela ne suffit pas, elle envisage même d'insérer par la suite que « tout raisonnement proposé par l'IA ne sera pas examiné ».

Et effectivement, le robot conversationnel produit de nombreuses erreurs. Me Valérie Moulines-Denis, avocate en droit immobilier, a réalisé une vidéo , afin de tester cette intelligence artificielle. En l'occurrence, la version payante du logiciel. Elle lui a posé une question simple que pourrait se poser n'importe quel propriétaire : « Expulser un locataire qui ne paie pas son loyer sans avocat ? » Elle s'est mise dans la peau d'un justiciable néophyte et a alors obtenu un mode d'emploi très détaillé, structuré en plusieurs parties.

Des imprécisions et une méconnaissance des nouvelles lois

Un vrai guide étape par étape, très simple à suivre, bien synthétisé, qui donne l'illusion d'un résultat complet. « Avec mon œil de néophyte, je trouve que la réponse de ChatGPT est bien rédigée. J'ai tout ce que je veux, la démarche à suivre, son exécution. Avec mon œil d'avocate, je vois le raisonnement que je fais et que ChatGPT ne fait pas », analyse-t-elle.

Tout d'abord, ChatGPT ne se pose pas la question de la nature du bien immobilier, est-ce une habitation ? Un commerce ? La distinction est importante puisque pour un local commercial, on ne peut pas enclencher de procédure pour loyers impayés sans avocat, contrairement à un logement. La présence d'un avocat devant le tribunal judiciaire est obligatoire dans ce cas. Une distinction importante donc.

En plus de cette imprécision, ChatGPT fournit une réponse qui n'est pas actualisée, il ne semble pas connaître la loi Kasbarian de 2023 sur les impayés de loyer. « Il évoque un article du Code pénal qui n'est pas à jour. Il se réfère à l'ancienne loi, et non à la loi Kasbarian qui date de 2023, et réduit le délai pour la régularisation du loyer après le commandement de payer qui passe à 6 semaines au lieu de 8. De plus, il existe un avis de la Cour de cassation pour interpréter cette loi, en fonction des contrats s'ils sont en cours ou nouveaux et ça, ChatGPT n'en parle pas non plus », relève Me Moulines-Denis auprès du Figaro . ChatGPT indique juste deux mois comme délai. Il reste en surface et offre un développement très généraliste qui ne va pas assez loin, en n'offrant pas d'interprétation de la loi.

Chat GPT n'est pas près de remplacer les avocats

De même, ChatGPT indique de quelle manière saisir le tribunal. Il évoque l'utilisation d'un Cerfa (formulaire administratif réglementé) mais lorsque l'on clique sur le lien, une page introuvable s'affiche. Lorsque Me Moulines-Denis cherche sur Google ce lien, cela la conduit à une demande de conciliation et pas à une démarche d'expulsion. « Renvoyer vers des Cerfa, c'est dangereux, cela donne l'impression que l'on peut saisir le tribunal via un Cerfa. Or, c'est impossible de saisir le tribunal de cette manière-là. La demande sera irrecevable. Une assignation est obligatoire, que ce soit par un commissaire de justice ou un avocat. Si on remplit un formulaire quelconque, cela donnera l'illusion d'avoir entamé la démarche adéquate alors que ça ne servira à rien », alerte l'avocate.

« ChatGPT n'est pas un humain. C'est un robot qui donne une suite logique de mots choisis qui ont un sens mais il ne comprend pas ce qu'il écrit. Il ne peut pas faire l'analyse des pièces, ne peut pas apprécier tout cela et ne se pose pas certaines questions que l'on se pose en tant qu'avocat. Il ne peut pas mesurer les chances de succès, ou d'échec. Il recourt à des sites publics, pas toujours à jour, et non des bases de données juridiques professionnelles », commente l'avocate en droit immobilier qui utilise une IA exploitée par des éditeurs juridiques, dans le cadre de sa vie professionnelle, et là encore il y a des marges de progression selon elle.

ChatGPT, Me Moulines-Denis ne l'utilise donc jamais dans son travail. L'assistant IA peut être utile pour rechercher de l'information, mais dangereux dans des domaines techniques que l'on ne maîtrise pas, car il donne des indications trop générales et imprécises. À ce jour, il a des limites et n'est pas capable de remplacer un professionnel du droit. Il peut conduire parfois à commettre des erreurs. Valérie Moulines-Denis recommande plutôt d'utiliser des sites grand public comme Légifrance ou Service Public pour obtenir des informations fiables et à jour. Or, selon Nathalie Gardes, maître de conférences à l'Université de Bordeaux, qui a animé une conférence au salon de l'immobilier Rent, axé sur l'IA cette année , plus de la moitié des gens font plus confiance à l'IA qu'à Google, ce qui est plutôt inquiétant. D'autant plus que son style de communication est convaincant, son orthographe et sa grammaire parfaites.

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