- Malgré plusieurs dizaines de milliers d’euros, des locataires ne sont pas expulsés et réclament même des travaux de rénovation de leur logement.
Non contents de ne pas payer leur loyer , certains locataires se permettent d’alourdir encore plus la facture pour les propriétaires. À Seyssinet-Pariset, près de Grenoble, un couple de bailleurs a loué son appartement à un locataire de 65 ans, en octobre 2019, qui leur aurait été recommandé par les précédents occupants. « Au début, tout se passait bien : il payait bien son loyer et nos relations étaient cordiales », confie au Figaro , Nathalie, 56 ans. « Et puis, je ne sais pour quelle raison, il a cessé de payer son loyer, est devenu agressif et même menaçant, car il est fréquemment alcoolisé. J’ai arrêté de discuter avec lui. »
Le couple de propriétaires, qui a chiffré à plus de 18.700 euros de loyers impayés , lance une procédure d’ expulsion contre ce locataire devenu septuagénaire. Comme il s’agit d’un locataire, donc d’une personne rentrée légalement - grâce à un contrat de location - dans le logement, ils sont obligés de passer par une action judiciaire plus longue et donc coûteuse qu’une procédure de 72 heures réservées aux squatteurs. Devant le juge, le locataire a expliqué avoir cessé de payer son loyer car son logement serait indécent. Or, la loi ( article 7 de la loi du 6 juillet 1989 ) interdit à un locataire de cesser d’acquitter son loyer, même si son logement est insalubre ou indécent.
Le 17 avril 2025, le couperet tombe. Le Tribunal judiciaire de Grenoble donne raison aux propriétaires et ordonne la résiliation du bail « à compter du 24 juin 2024 » - date à partir de laquelle le locataire a cessé de payer son loyer - ainsi que l’expulsion du locataire mauvais payeur. « Le bail conclu par les parties contient une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du contrat pour défaut de paiement des loyers après un commandement de payer resté infructueux », a constaté le juge, dans sa décision que Le Figaro s’est procurée. Le juge a également donné raison aux propriétaires sur l’éventuelle indécence du logement. « Il ne ressort pas des éléments versés aux débats que le logement serait indécent , a conclu le tribunal. En outre, le locataire n’a pas été autorisé à arrêter de verser le loyer courant.
Le préfet refuse l’expulsion mais prend un arrêté d’insalubrité
La fin du tunnel pour le couple de propriétaires ? Non. Pire, le cauchemar continue. C’est la douche froide à double titre pour eux. La première déconvenue : le préfet refuse d’exécuter la décision du juge , sans donner de motif. La loi ne l’oblige pas à le faire, dans le cas de logements occupés par des locataires mauvais payeurs, contrairement à ceux où vivent des squatteurs. La seconde mauvaise nouvelle ? Prévenu par le commissaire de justice qu’il allait bientôt être expulsé s’il ne s’en va pas de son propre chef, le locataire a saisi l’Agence régionale de santé pour... insalubrité. Et le 30 juillet 2025, le préfet prend, contre la décision du juge, un arrêté d’insalubrité dans lequel il « met en demeure (les propriétaires) de prendre les mesures propres à remédier à la situation d’insalubrité de ce logement ».
« À compter du 1er jour du mois qui suit l’envoi de la notification de l’arrêté », le locataire est autorisé, par cet arrêté, à cesser de payer son loyer. Jusqu’au « premier jour du mois qui suit l’envoi de la notification de l’arrêté de mainlevée ». Décidés à mettre fin à cette « impasse », les propriétaires s’exécutent et démarrent les travaux nécessaires - isolation de la façade, pose d’une porte en PVC, rénovation de la toiture pour plus de 4000 euros - mais la situation s’envenime rapidement. « Le locataire avait accepté de laisser les propriétaires entrer pour ces travaux mais les relations se sont tendues. Il a été agressif et a dit oralement qu’il ne les laisserait plus rentrer », raconte Céline Hartmann, directrice de l’UNPI 38. Or, la loi ( article 7 de la loi du 6 juillet 1989 ) interdit à un locataire de refuser l’accès au logement au propriétaire en cas de « travaux d’amélioration de la performance énergétique ».
Les propriétaires se démènent également pour trouver une solution de relogement à leur locataire récalcitrant. Ils lui auraient proposé deux HLM mais il les a refusés parce qu’ils étaient soit trop petit ou mal situé. « Il m’a été indiqué que le locataire se vantait de ne jamais libérer les lieux, qu’il y restera jusqu’à sa mort », a noté le commissaire de justice, dans son procès-verbal de tentative d’expulsion que Le Figaro s’est procuré. « Dès qu’il accepte une solution de relogement, nous lui accordons une remise de dette », promet Nathalie. « Épuisée », cette coiffeuse quinquagénaire, qui a sollicité l’aide du maire, croise les doigts pour que le locataire quitte rapidement les lieux qu’elle espère récupérer pour son activité professionnelle.
«Mon client n’est pas Rothschild !»
Une situation tout aussi aberrante s’est produite à Paris. « Il faut dénoncer l’aberration du système. Un rapport sanitaire enjoint à mon client de faire des travaux alors qu’il n’a pas reçu un euro de loyer depuis trois ans », se plaint Me Pierre Farge, avocat au barreau de Paris. La « réalité dépasse la fiction » selon ses mots. Malgré les 50.000 euros d’impayés, la justice n’expulse pas le locataire et les services d’hygiène de la Ville enjoignent au propriétaire de réaliser des travaux pour cause d’insalubrité. Mais le bailleur ne peut pas effectuer ces travaux, faute de moyens.
« Mon client n’est pas Rothschild. Il doit respecter les échéances d’emprunt de 900 euros par mois s’il ne veut pas être fiché à la Banque de France. Il se retrouve en difficultés financières car il n’a pas reçu un euro de loyer depuis 3 ans alors qu’il devrait percevoir 1300 euros de loyer par mois », dénonce Me Farge. Il affirme que le logement de 80 m² composé de deux chambres et deux salles de bains, à Montrouge, est en mauvais état, mais n’est pas insalubre. Son client a perdu devant le juge des référés, « une décision insensée », selon Me Farge. Mais en appel, le juge lui a donné partiellement raison.
Ce dernier n’a certes pas résilié le bail mais il a condamné le locataire à payer les loyers qu’il doit depuis trois ans. L’affaire est jugée aujourd’hui au fond. « Si on obtient gain de cause se posera la question de l’intervention publique. La préfecture de Nanterre met deux ans à intervenir. Les locataires le savent et jouent dessus », se lamente Me Farge. La question de la solvabilité du locataire va se poser également. Avant d’ajouter : « Si la justice avait été plus utile dès le départ, mon client aurait eu les moyens de réaliser les travaux », assène-t-il.

0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer