(Crédits photo : Adobe Stock - Tête de gondole en supermarché avec méga promos sur les produits d'entretien)
Les méga promotions sur les produits d'hygiène et d'entretien appartiendront bientôt au passé : applicable au 1er mars, la loi Descrozaille va les encadrer afin d'éviter des déséquilibres dans les relations commerciales entre les acteurs de la grande distribution et leurs fournisseurs. Le principe semble plutôt sain. En revanche, comment les consommateurs vont-ils appréhender cette hausse du ticket de caisse ? De même, les grandes surfaces resteront-elles aussi attractives avec moins de promotions massives sur les articles du quotidien ? Éléments de réponse.
Les termes de la nouvelle loi Descrozaille : des rabais bientôt limités à -34%
Il n'était pas rare que dans les rayons des supermarchés, les promotions sur les produits non alimentaires (d'hygiène, d'entretien, de droguerie et de parfumerie) atteignent des taux à couper le souffle : de -40 jusqu'à -70%. À partir du 1er mars prochain, la remise maximale sera de 34% selon la nouvelle réglementation (1).
Son objectif : faire baisser la pression sur les prix qu'exerce la grande distribution sur les PME. Les promotions alléchantes pouvaient jusqu'alors revêtir plusieurs formes : «un produit acheté, un produit offert», «50% de produit en plus pour le même prix» etc.
Malgré un moratoire demandé par le PDG de Carrefour (partenaire The Corner*) qui mise sur les promotions d'envergure pour accompagner ses clients dans la maîtrise de leur budget , la loi Descrozaille va finalement rentrer en vigueur selon l'échéance prévue.
Quel intérêt avait la grande distribution à casser autant certains prix de vente ? L'enjeu était mercantile puisqu'en attirant le chaland sur le point de vente avec des rabais annoncés et affichés sur le catalogue, l'enseigne comptait sur le fait que le visiteur en profiterait pour acheter d'autres articles, afin que le geste commercial éventuellement consenti soit compensé par des ventes additionnelles simultanées.
Une aubaine pour les consommateurs avant fin février : des prix cassés !
Le réflexe des dénicheurs de promotions est donc de saisir dès maintenant les généreuses offres pendant qu'il en est encore temps. Cela tombe bien : s'agissant d'articles non périssables, il suffit d'avoir des placards vides, une buanderie avec un peu d'espace disponible ou une cave pour accueillir tous les produits qui sont sur le point de repasser à des prix beaucoup plus onéreux qu'avant. Mais le budget mensuel n'étant pas extensible, la fièvre acheteuse aura ses limites.
Opération déstockage en cours ! Toutes les enseignes procèdent à un grand coup de balai sur les produits non alimentaires : gels douche, shampoings, lessive, pastilles lave-vaisselle, nettoyants tous usages, mouchoirs en papier, papier hygiénique, eaux de toilette… Les têtes de gondole sont remplies de consommables du quotidien jusqu'à la fin du mois de janvier.
Et le soutien aux PME-PMI françaises dans tout cela ?
Face aux grandes multinationales que sont Procter et Gamble, Colgate-Palmolive ou Unilever qui sont concernées au premier chef mais qui seront moins impactées par la loi du fait de leur solidité financière (2), il y a une centaine de fabricants français que la loi sera censée protéger de «ces promos choc destructrices de valeur», comme l'indique le Sénat (3).
Pour se faire entendre, 40 dirigeants de PME-ETI du secteur DPH ont d'ailleurs signé une tribune dans Les Échos début février pour rappeler qu'ils subissaient des négociations commerciales très agressives et souvent en leur défaveur. À titre d'exemple, l'accroissement du «taux de générosité» dans les actions promotionnelles a atteint 41,8% en 2022 (4).
En limitant les taux de rabais à 34% dans la grande distribution, la concurrence déloyale entre les grands acteurs et les autres de taille intermédiaire pourrait donc être contenue.
Des promotions plus fréquentes mais de moindre ampleur
Pour ne plus apparaître dans les radars des autorités de contrôle, la grande distribution devra mettre en place de nouveaux outils marketing pour fidéliser autrement ses clients. Voici un échantillon des mesures qu'elles pourraient prendre en faveur du pouvoir d'achat de leurs clients :
- La mise en place de promotions régulières, mais plus modérées.
- Le lancement de jeux-concours pour faire gagner aux clients des bons d'achat.
- La valorisation de certains articles du panier avec un crédit reversé sur la cagnotte : système de cashback.
- Le positionnement meilleur marché de leurs produits de marques distributeur.
A savoir
Le cas des boutiques spécialisées
Les boutiques de l'enseigne Normal proposent notamment des produits d'hygiène et d'entretien «normaux à des prix anormalement bas et toujours fixes». Quant aux cosmétiques et parfums, le français Yves Rocher (partenaire The Corner*) fait bénéficier à ses clients détenteurs de la carte de fidélité d'offres spéciales, de cadeaux et récompenses fidélité. Sur la vitrine du site web et en boutique, il y a par exemple en ce moment plus de 200 produits en promotion, dont la moitié est inférieure à 10 euros l'unité, avec des nouveautés et des best sellers !
La loi Descrozaille ne semble pas œuvrer en faveur du pouvoir d'achat des Français. Avec son supposé soutien aux fabricants et fournisseurs de la grande distribution, elle s'inscrit dans un rééquilibrage des rapports de force commerciaux. Quant aux consommateurs, toujours à la recherche d'économies, ils pourraient se tourner vers les hard-discounters ou les marques distributeurs. À moins qu'ils ne décident de se procurer leurs produits préférés sur Internet auprès d'autres acteurs, mais avec un risque possible sur la qualité.
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(1) https://www.francetvinfo.fr/economie/commerce/grande-distribution-derniers-gros-rabais-sur-les-produits-d-hygiene-avant-une-nouvelle-loi_6377749.html
(2) https://rambouillet.ufcquechoisir.fr/2024/01/18/loi-anti-promo-une-veritable-aberration/
(3) https://www.vie-publique.fr/loi/287878-grande-distribution-relation-fournisseurs-loi-descrozaille-30-mars-2023
(4) https://www.feef.org/tribune-co-signee-proposition-de-loi-sur-les-produits-de-consommation-ne-sacrifions-pas-les-fabricants-pme-eti-et-notre-souverainete-industrielle/
