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Budget 2026 : la future taxe vapotage agite les consommateurs et divise les professionnels de santé
information fournie par Le Figaro 16/10/2025 à 19:22

(Crédits: Adobe Stock)

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Mardi dans son projet budgétaire, le gouvernement a proposé d'instaurer une taxe qui irait de 30 à 50 centimes par flacon de 10 millilitres selon le taux de nicotine contenu. Une mesure qui agite les consommateurs et divise les professionnels de santé.

«Ras-le-bol de la taxe», s'exclame sans ambages un vendeur de cigarettes électroniques. Il raccroche abruptement. Mardi, dans son projet budgétaire, le gouvernement Lecornu a proposé d'instaurer une taxe qui irait de 30 à 50 centimes par flacon de 10 millilitres selon le taux de nicotine contenu. Une mesure qui agite les consommateurs et divise les professionnels de santé.

«Parce qu'elle est efficace et facilement accessible, la vape est devenue l'outil d'aide le plus populaire pour arrêter de fumer et se sevrer de la nicotine» . Ces quelques mots figurent en page principale du site de la Filière Française de la Vape ( Fivape ), un syndicat qui rassemble des centaines de commerçants indépendants et de PME de la cigarette électronique.

Ces mots reflètent aussi l'état d'esprit de Kaïs, 25 ans. Longtemps, il s'est défini comme un «gros fumeur» . Grâce au passage à la cigarette électronique, il dit avoir remplacé presque exclusivement sa consommation de tabac. Ce projet de taxe l'irrite au plus haut point. «C'est une grosse connerie, dans le panel de choses qu'il est possible de taxer dans ce pays, pourquoi taxer le seul substitut sérieux à la cigarette ? Dans un pays où c'est une cause forte de mortalité ?» .

«Mesures farfelues»

Au vu de sa consommation personnelle, - 3 recharges de 10 ml par mois - la taxe ne lui coûtera pas plus d'un euro cinquante. Il s'agace davantage du symbole, et pointe «Lecornu, comme Bayrou avec les jours fériés» , qui «essaie de sortir du chapeau toutes les mesures farfelues pour faire croire qu'il pondra un bon budget.» Si cette taxe voyait le jour, Kaïs envisage des alternatives interlopes : «j'irai acheter mes cigarettes électroniques aux puces de Clignancourt !» .

Côté vendeur, le son de cloche varie. Romain Raby est le gérant du Clopa Cabana, un petit établissement qui vend des cigarettes électroniques à Nice. «Parmi toutes les idées qu'on a vues passer depuis quelques années, (cette taxe) est la plus sensée. Il avait quand même été question d'interdire la vente de toutes les saveurs du vapotage» . Il est principalement inquiet par la désinformation qui entoure cette taxe : «on a peur du quiproquo, que des gens n'aillent plus en magasin parce qu'ils se disent que la cigarette électronique est plus chère que le tabac» .

La cigarette électronique, un recours au tabac ?

Si la comparaison entre le tabac et la cigarette électronique revient sans cesse, c'est que la seconde se veut le moindre mal de l'autre. Et d'aucuns, jusqu'au sein du personnel soignant, craignent qu'une taxation de la cigarette électronique donne un mauvais signal aux fumeurs qui se reconvertiraient vapoteurs.

Interrogé par 20 Minutes , Christophe Cutarella est addictologue, psychiatre et tabacologue. Selon lui, ce nouveau prélèvement va à «l'encontre de la lutte contre le tabac» et l'appliquer serait se «tromp(er) de cible» . Au jeu des comparaisons toxicologiques, les résultats ne lui donnent pas tort.

Publiée en 2024 dans la revue Food and Chemical Toxicology, une synthèse rappelle que les cigarettes électroniques sont nettement moins nocives que les cigarettes traditionnelles, réduisant significativement l'exposition aux toxines cancérigènes et les impacts sur les systèmes respiratoire et cardiovasculaire, grâce à l'absence de combustion. Cependant, des risques subsistent, notamment des irritations respiratoires et un potentiel d'initiation à la nicotine chez les jeunes non-fumeurs.

Prudence de mise

Est-ce à dire pour autant que taxer les produits du vapotage irait à l'encontre de la lutte contre le tabac ? Il faudrait déjà montrer que l'usage de la cigarette électronique est un facteur associé à l'arrêt du tabac. Ce qui n'est pas si clair. Selon une étude parue sur le site de Santé publique France en mai 2025, «l'efficacité de la cigarette électronique comme aide à l'arrêt du tabac est toujours débattue à ce jour» .

Les auteurs de l'étude justifient cette incertitude par un nombre d'évaluations encore «limité» . Ils citent néanmoins de récents résultats positifs, observés dans la dernière revue de Cochrane , une ONG britannique qui analyse l'efficacité des interventions en santé. Celle-ci conclut que les cigarettes électroniques nicotinées peuvent aider les fumeurs à arrêter le tabac, et «probablement» plus efficacement que ne le feraient les cigarettes électroniques sans nicotine.

Néanmoins, la prudence reste de mise. Alice Denoize a travaillé dans l'industrie du tabac. Elle s'est depuis reconvertie dans la tabacologie, et a fondé le site « Le Déclic Anti Clope » pour aider les fumeurs à décrocher. «Je ne recommande jamais la vape seule, toujours en complément de patchs» , confie-t-elle. «Et je la recommande de plus en plus rarement. Uniquement quand les personnes ont beaucoup d'obstacles qui les empêchent d'avancer vers l'arrêt.»

«Des vapes très chargées en sels de nicotine»

L'évolution de la cigarette électronique l'inquiète. «Depuis quelques années, l'arrivée de l'industrie du tabac sur le marché a tout chamboulé. Sous couvert d'être un bon soldat en intégrant le comité de pilotage de la norme AFNOR (Association Française de Normalisation NDLR), qui doit garantir la propreté des e-liquides, elle a sorti des puffs et des vapes très chargées en sels de nicotine qui ont effrayé les autorités de santé.» Une inquiétude «justifiée» , qui mérite un «encadrement» . Elle indique toutefois ne pas être certaine que la taxation soit la solution : «elle va pénaliser les vapoteurs les plus précaires et surtout les petits industriels qui font du bon boulot» .

Parmi les médecins, certains se montrent bien plus catégoriques. C'est le cas de Yves Martinet, pneumologue et professeur émérite de pneumologie à la faculté de médecine de Nancy. «Je suis pour la taxation des produits du vapotage contenant de la nicotine» , assume-t-il sans détour.

Il pointe les dangers de la nicotine, «une drogue dure, plus addictive que l'héroïne» . Certes, la cigarette électronique peut aider «les fumeurs qui veulent arrêter» , mais ceux-ci représentent un bien modeste échantillon comparé à tous les jeunes pour qui la vapote est «une porte d'entrée vers le tabac» . Et de conclure, analogiquement : « Ce n'est pas parce qu'il faut prendre de l'insuline quand on a le diabète que tout le monde doit en consommer» .

1 commentaire

  • 17 octobre 11:59

    Bah oui, trop efficace contre le tabagisme donc grosse perte d’entrée d'argent dans les caisses (il n'y a "que" la TVA à 20%). Et dans quelques années, quand le VE sera bien installé (pour l'instant ça ne prend pas assez) nous aurons l'équivalent de la TIPP sur la recharge des VE.


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