par Joe Cash
Le président chinois Xi Jinping réunit cette semaine son homologue russe Vladimir Poutine et le numéro un nord-coréen Kim Jong-un, affichant sa solidarité à l'égard de deux pays impliqués dans le conflit le plus meurtrier en Europe depuis 80 ans et laissant à l'écart les dirigeants occidentaux dont le président américain Donald Trump.
En recevant conjointement Vladimir Poutine et Kim Jong-un, ce qui constitue une première, Xi Jinping démontre son influence sur des régimes autoritaires désireux de contester l'ordre mondial chapeauté par l'Occident, soulignent des analystes en géopolitique, alors même que les alliances traditionnelles des Etats-Unis sont mises à mal par la diplomatie de Donald Trump constituée de menaces, sanctions et droits de douane.
La rencontre à Pékin entre les dirigeants chinois, russe et nord-coréen alimente également la perspective d'un nouvel axe trilatéral s'inscrivant dans le sillage du partenariat "sans limites" entre Pékin et Moscou, du pacte de défense mutuelle conclu par Moscou et Pyongyang dans le cadre duquel des soldats nord-coréens ont appuyé les forces russes face à l'Ukraine, ainsi que d'une alliance similaire entre Pékin et Pyongyang.
Cela pourrait changer la donne sur le plan militaire en Asie-Pacifique.
Durant un discours prononcé lors d'un sommet régional à Tianjin, Xi Jinping a appelé lundi à "continuer de prendre clairement position contre l'hégémonisme et la politique de pouvoir, pour pratiquer un vrai multilatéralisme", une remarque à peine voilée adressée au rival géopolitique de la Chine situé de l'autre côté du Pacifique.
Le président chinois et son homologue russe ont présenté au cours du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), auquel participaient plus d'une vingtaine de dirigeants non-Occidentaux, leur vision d'un nouvel ordre sécuritaire et économique mondial.
Un nouvel acte s'ouvre mardi, avec la rencontre entre Xi Jinping, Vladimir Poutine et Kim Jong-un, lequel se déplace rarement à l'étranger et s'est rendu à Pékin à bord du train spécial utilisé depuis des décennies par Pyongyang.
Les trois dirigeants assisteront ensuite, ensemble, à la parade militaire géante organisée mercredi par la Chine pour marquer la fin formelle de la Deuxième Guerre mondiale.
Xi Jinping a par ailleurs mené des discussions avec le Premier ministre indien Narendra Modi, qui a effectué à l'occasion du sommet de l'OCS sa première visite en Chine en sept ans, renouant des liens bilatéraux au moment où New Delhi est en contentieux avec Washington à propos des droits de douane américains de 50% imposés sur les produits indiens.
"DE POTENTIELS PARTENAIRES MILITAIRES" EN CORÉE
Si Donald Trump, désireux de recevoir le prix Nobel de la paix, vante des efforts ayant selon lui permis de mettre fin à des conflits à travers le monde, si le président américain a organisé un sommet sur l'Ukraine avec Vladimir Poutine et veut rencontrer Kim Jong-un d'ici la fin de l'année, une quelconque alliance militaire renforcée en Orient est à même d'alarmer les Occidentaux, surtout quand elle inclut un pays à l'origine d'une guerre.
"Des exercices militaires trilatéraux entre Russie, Chine et Corée du Nord semblent presque inévitables", a écrit en mars dernier Youngjun Kim, analyste au Bureau national de recherche sur l'Asie, basé aux Etats-Unis, citant la manière dont Moscou et Pyongyang s'étaient rapprochés durant la guerre en Ukraine.
"Il y a quelques années encore, la Chine et la Russie étaient des partenaires importants dans l'imposition de sanctions internationales contre la Corée du Nord pour ses essais nucléaires et balistiques (...) Ils sont désormais de potentiels partenaires militaires (de Pyongyang) en cas de crise dans la péninsule coréenne", a-t-il ajouté.
La Corée du Nord joue un rôle important au côté de la Russie dans la guerre en Ukraine, avec l'envoi de quelque 15.000 soldats en soutien des troupes russes, tandis que la Chine et l'Inde ont continué d'acheter du pétrole russe.
Kim Jong-un avait également reçu l'an dernier Vladimir Poutine à Pyongyang pour un premier sommet entre les deux pays depuis 24 ans, une démarche perçue comme un camouflet pour Xi Jinping et un moyen de lutter contre l'isolement de l'île en réduisant sa dépendance à l'égard de la Chine.
Au cours du sommet de l'OCS, Vladimir Poutine a appelé lundi à rétablir un "équilibre juste dans la sphère sécuritaire", une manière de répéter ses demandes concernant l'Otan et les Européens. Le président russe pourrait profiter de la réunion avec Xi Jinping et Kim Jong-un pour exprimer ses intentions.
La Chine va se servir de la parade pour afficher sa puissance militaire grandissante, alors que des dizaines de milliers de soldats vont défiler sur la place Tiananmen. Des avions de chasse, des systèmes de missile de défense et des armes hypersoniques devraient également être exhibés.
Plus d'une vingtaine de responsables étrangers sont attendus, dont le président iranien Massoud Pezeshkian.
(Joe Cash; version française Jean Terzian)
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