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Singulières, les dernières "maisons-bulles" de Dakar résistent à l'urbanisation galopante
information fournie par AFP 03/09/2025 à 09:28

La retraitée sénégalaise Marieme Ndiaye, 65 ans, à l'entrée de sa "maison-bulle" de Dakar, le 31 août 2025 ( AFP / Carmen Abd Ali )

La retraitée sénégalaise Marieme Ndiaye, 65 ans, à l'entrée de sa "maison-bulle" de Dakar, le 31 août 2025 ( AFP / Carmen Abd Ali )

Marième Ndiaye émerge de sa maison à Dakar, un bâtiment en forme d’igloo à l'esthétique rétrofuturiste des années 1950. Dans ce quartier central de la capitale sénégalaise, la singularité de l’édifice contraste avec les immeubles rectangulaires voisins en construction.

La petite "maison-bulle" - ou "maison-ballon" - en béton captive les regards et semble sortie d'un film de science-fiction.

Dans les années 1950, quelque 1.200 de ces petites habitations ont été construites dans plusieurs quartiers de Dakar pour contrer une pénurie de logements après la Seconde Guerre mondiale. Elles ont été bâties en aspergeant de béton projeté un ballon géant, ensuite dégonflé.

Rangée après rangée, ces dômes de couleur claire qui pouvaient être construits en 48 heures, ont rapidement émergé du sol sahélien brunâtre.

A garçon passe, le 27 août à Ouakam, banlieue de Dakar, devant une maison-bulle, habitations construites dans les années 1950 dans la capitale du Sénégal ( AFP / SEYLLOU )

A garçon passe, le 27 août à Ouakam, banlieue de Dakar, devant une maison-bulle, habitations construites dans les années 1950 dans la capitale du Sénégal ( AFP / SEYLLOU )

Imaginées par un architecte américain, puis lancées par les autorités coloniales françaises, ces constructions destinées aux populations sénégalaises de Dakar ont reçu un accueil mitigé: les familles sénégalaises, traditionnellement nombreuses et multigénérationnelles, s'y sont rapidement senties à l'étroit.

Mais les terrains sur lesquelles elles ont été construites ont rapidement pris de la valeur, suscitant une grande convoitise. Aujourd'hui, seule une centaine de ces habitations a survécu, les autres ayant succombé à l'urbanisation galopante de Dakar.

- "c'est sentimental" -

Sans sociétés historiques ou architecturales pour les préserver, les petits igloos n'ont pour principaux protecteurs que leurs derniers habitants.

"Quand j'étais petite, nous n'avions que les (maisons-)ballons" dans ce quartier Zone B, raconte Marième Ndiaye, qui y a grandi et y vit toujours.

La cuisine de la maison-bulle de l'artiste sénégalais Sekouna Yansane, à Dakar 31 août 2025 ( AFP / Carmen Abd Ali )

La cuisine de la maison-bulle de l'artiste sénégalais Sekouna Yansane, à Dakar 31 août 2025 ( AFP / Carmen Abd Ali )

"Nous sommes en train de détruire les ballons, de les transformer", déplore cette retraitée de 65 ans, dont la maison-bulle est restée intacte, alors que ses jeunes frères voulaient la raser et construire autre chose. "Pour moi, c'est sentimental", confie-t-elle.

Les raisons poussant leur habitants à préserver les maisons-bulles sont variées, explique l'architecte dakaroise Carole Diop à l'AFP. Mais "malheureusement, de nombreuses familles qui en avaient les moyens ont fini par démolir leur ballon pour construire un immeuble".

Beaucoup des maisons-ballons survivantes ont été modifiées afin de mieux correspondre aux besoins des foyers sénégalais.

Avec un diamètre moyen de seulement six mètres, une maison-bulle standard comme celle de Mme Ndiaye comprenait une chambre, un salon et une salle de bain, selon Carole Diop.

Des maisons-bulles enserrées dans leurs extensions à Ouakam, une banlieue de Dakar, le 27 août 2025 ( AFP / SEYLLOU )

Des maisons-bulles enserrées dans leurs extensions à Ouakam, une banlieue de Dakar, le 27 août 2025 ( AFP / SEYLLOU )

En les construisant, les autorités coloniales françaises n'ont pas tenu compte de la taille d'une famille sénégalaise traditionnelle, souligne l'architecte, et "de nombreuses familles se sont adaptées et ont trouvé des moyens de répondre à leur besoin d'espace", notamment en bâtissant des extensions.

La maison-bulle de Marième Ndiaye, achetée par son père dans les années 1950, est aujourd'hui incorporée dans un grand complexe familial où elle vit avec une demi-douzaines de proches couvrant plusieurs générations. La maison-bulle se trouve au milieu de la cour carrée du complexe, où d'autres pièces ont été aménagées le long des murs d'enceinte.

- "quelque chose d'extraordinaire" -

Même si les maisons-ballons peuvent devenir chaudes lorsqu'elles sont exposées directement au soleil, malgré la présence d'un évent sur le toit pour évacuer l'air chaud, Mme Ndiaye assure, elle, que la sienne est confortable.

A 10 minutes de marche de là, Sekouna Yansane a récemment construit une grande maison à côté de la maison-bulle achetée par son père dans les années 1950. Il a incorporé le dôme au vaste bâtiment, en faisant une pièce qui forme une protubérance sur un côté.

Une maison-bulle intégrée par l'artiste sénégalais Sekouna Yansane à sa villa plus récente, à Dakar le 27 août 2025 ( AFP / SEYLLOU )

Une maison-bulle intégrée par l'artiste sénégalais Sekouna Yansane à sa villa plus récente, à Dakar le 27 août 2025 ( AFP / SEYLLOU )

En tant qu'artiste, il répugnait à laisser la petite construction aux mains des promoteurs immobiliers.

"Je trouve ça très atypique, je l'adore", s'exclame l'homme de 65 ans, "ça me rappelle quand je suis allé en Mongolie, les yourtes".

Ses voisins immédiats, par contre, ont rasé leur ballon. "Pourquoi les détruire? Ce sont des choses que nous devrions garder", estime M. Yansane, pour qui une bonne maison a toujours "du caractère".

L'architecte américain Wallace Neff, qui a inventé les maisons-bulles, est surtout connu pour ses constructions de style colonial espagnol et les résidences qu'il a conçues pour des stars hollywoodiennes comme Judy Garland et Groucho Marx. Mais il estimait que la maison-bulle était sa plus grande contribution à l'architecture.

"Au rythme auquel la ville se densifie et évolue, je pense que malheureusement dans 100 ans, il n’y aura plus de ballons", estime Carole Diop lorsqu'on l'interroge à ce sujet.

Sekouna Yansane, lui, espère qu'elles survivront: auquel cas, "ce sera quelque chose d'extraordinaire".

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